RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Au programme des présidentielles, par Michel Husson.





Regards, décembre 2006.


Depuis plusieurs années, le corps social manifeste son rejet du néo-libéralisme sous des formes variées, les trois dernières en date étant le Non au référendum, les émeutes en banlieue et le mouvement anti-CPE. Mais il paraît que l’offre électorale disponible devrait nous conduire à un face-à -face Sarkozy-Royal qui ne traduit pas, c’est le moins qu’on puisse dire, ce rejet massif. Expliquer ce grand écart n’est évidemment pas facile. Mais cette question peut être éclairée par un rapide examen des démarches programmatiques.

Côté libéral, la situation est indécise et ne devrait pas être clarifiée par la démagogie électorale. Il y a en effet deux manières pour la droite de tirer les leçons de l’échec du CPE. L’une d’entre elles consiste à sauter par-dessus l’obstacle et de se donner directement comme objectif une remise en cause frontale du droit du travail. La seconde serait d’explorer les voies d’un compromis entre la flexibilisation du marché du travail et un renforcement formel des garanties sociales. Le débat qui parcourt actuellement les sphères libérales sur le contrat de travail (unique ou pas ?) est un bon exemple de ces hésitations. Il est frappant également de constater que certains libéraux pensent, comme le soulignait déjà le rapport Camdessus, qu’on ne peut aller beaucoup plus loin sur la voie des allégements de cotisations sociales. On tombe ici sur une autre contrainte de tout projet néo-libéral : il doit baisser le coût du travail tout en prévoyant des filets de sécurité ; mais ceux-ci ne doivent pas être trop coûteux pour un Etat que l’on veut « alléger ». C’est pourquoi un tel projet combine forcément plusieurs points d’application : le coût du travail, les dépenses publiques mais aussi le budget de la Sécu. Dans ce panorama, les propositions de Sarkozy et Fillon, centrées sur l’idée de « libre choix », semblent privilégier la piste d’une individualisation accrue du rapport salarial.

Côté social-libéral, le projet du PS part des mêmes considérants : il faut être compétitif et flexible. Il ne peut donc proposer autre chose qu’une combinaison différente entre flexibilisation et sécurisation, avec une augmentation du Smic (qui ne s’écarte pas vraiment de son évolution passée), des mesures dites de sécurisation des parcours professionnels, et un vague projet de réforme fiscale. Aucune leçon ne semble avoir été tirée de la déclaration calamiteuse de Jospin expliquant que l’Etat ne peut rien. L’intervention gouvernementale se réduirait à l’organisation de « grandes conférences entre partenaires sociaux » sur tous les sujets à propos desquels le PS se garde d’avancer un objectif précis, qu’il s’agisse des salaires ou de la durée du travail. Force est de le constater : la pression du mouvement social sur le PS n’a pas été suffisante pour qu’il se sente obligé de reprendre, au moins de manière rhétorique, un certain nombre de ses aspirations. La désignation de Ségolène Royal marque de ce point de vue l’échec durable des courants du PS qui avaient cru pouvoir jouer un rôle de relais interne.

La gauche radicale propose de rompre avec le néo-libéralisme et la cohérence de ce projet repose sur une idée simple : on ne peut rien changer à la situation actuelle sans modifier profondément la répartition des richesses. Pourquoi ce programme n’est-il pas aujourd’hui perçu largement comme le prolongement naturel des mobilisations et des révoltes ? L’une des principales raisons est nous sommes face à une droite particulièrement dure et dangereuse. Comme aux dernières élections régionales, le PS peut sembler être le meilleur outil pour battre cette droite, sans d’ailleurs que ce « vote utile » implique un soutien enthousiaste à son action passée et à son programme. Plus la droite est dure, plus la gauche peut se permettre d’être molle, parce qu’elle peut se présenter, à bas prix, comme un moindre mal. Telle est sans doute la clé du paradoxe. Mais l’expérience des deux dernières décennies devrait montrer que c’est un calcul à courte vue : faute de véritable alternative, la gauche molle prépare l’alternance et le retour d’une droite encore plus remontée. Pour reprendre le jargon des économistes, cette gauche est substituable à la droite à court terme, mais l’une et l’autre sont complémentaires à moyen terme. Pour rompre ce cycle infernal, un bon programme ne suffit pas : la gauche radicale doit convaincre largement qu’elle est capable - et désireuse - de bousculer cette redoutable mécanique.

Michel Husson


- Source : Hussonet http://hussonet.free.fr






URL de cet article 4370
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Roms de France, Roms en France - Jean-Pierre Dacheux, Bernard Delemotte
Population méconnue, la plus nombreuse des minorités culturelles, présente en Europe depuis des siècles, les Roms comptent plus de dix millions de personnes. Ils ont subi partout l’exclusion et les persécutions : l’esclavage en Roumanie du XIVe au XIXe siècle, l’extermination dans les camps nazis… Peuple à l’identité multiple, son unité se trouve dans son histoire, sa langue et son appartenance à une "nation sans territoire" . La loi Besson de juillet 2000 a reconnu les responsabilités de (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Je crois vraiment que là où il y a le choix entre la couardise et la violence, je conseillerais la violence.

MAHATMA GANDHI

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.