INTERVIEW E1 - Le fondateur de Wikileaks met en garde contre les risques de dérives totalitaires du web.
L’ACTU. C’est depuis l’ambassade d’Equateur, à Londres, que le fondateur de Wikileaks a répondu aux questions de Nicolas Poincaré pour Europe 1. Il publie, mercredi, aux Editions Robert Laffont, un Manuel d’insurrection.
La vie de "réfugié" : Julian Assange a trouvé refuge au sein de l’ambassade d’Equateur à Londres, alors qu’il est poursuivi en Suède pour une affaire de viol qu’il nie et qu’il redoute à terme d’être extradé aux Etats-Unis pour avoir publié 250.000 télégrammes diplomatiques sur son site Wikileaks. Voilà près de neuf mois qu’il vit ainsi dans l’enceinte de l’ambassade. "Nous sommes comme une famille", confie-t-il au micro d’Europe 1 Soir. "Mais vous savez, il est difficile de rester en bonne santé dans cet environnement", précise l’Australien.
LES CRAINTES D’ASSANGE
120 personnes chargées d’enquêter : Si Julian Assange décidait de faire un pas en dehors de l’ambassade d’Equateur, il serait automatiquement arrêté par un policier britannique, posté, en permanence devant ce bâtiment à Londres. Il serait ensuite extradé vers la Suède, qui pourrait, à son tour, l’extrader vers les Etats-Unis. Le fondateur de Wikileaks dit faire l’objet de la plus grande enquête jamais menée à l’encontre d’un particulier, depuis le 11-Septembre. "Depuis juin 2010, avec la peur qu’on ressorte d’autres cas et d’autres informations, le gouvernement entier a décidé de lancer une enquête. Ca veut dire qu’il y a douze agences qui sont en train d’enquêter. C’est la plus grande enquête visant un particulier depuis le 11 septembre", a assuré Julian Assange, sur Europe 1. "Il y a 120 personnes qui travaillent dessus sept jours sur sept, ça veut dire qu’il y a toutes les grandes agences, le FBI, la CIA. En théorie, je pourrais être emprisonné par des douzaines d’agences différentes", a-t-il certifié.
Assange craint le même traitement que Manning. Interrogé sur la peine qu’il encourt s’il est extradé, à terme, vers les Etats-Unis, Julian Assange a expliqué qu’il pourrait être condamné à des dizaines d’années de prison. Mais le fondateur de Wikileaks a surtout confié ses craintes quant au traitement qu’il pourrait subir s’il était envoyé aux Etats-Unis : être jeté en prison et attendre pendant plusieurs années un procès. "C’est ce qui arrive à Bradley Manning [le soldat américain accusé d’avoir fourni des informations à Julian Assange au départ de l’affaire, NDLR] il est détenu depuis plus de 1.000 jours. C’est la détention la plus longue, sans procès, d’un soldat américain", a argumenté Julian Assange sur Europe 1, décrivant ensuite des conditions de détention épouvantables. "Maintenant ça se passe un peu mieux, grâce à la contestation. Au début, ils ne le laissaient pas trop dormir. Il a passé neuf mois en isolement. D’ailleurs, une enquête de l’ONU a montré que ces traitements s’apparentaient à de la torture", a-t-il conclu.
ASSANGE ET INTERNET
"Internet est la plus grosse menace de tous les temps". Prenant le contre-pied de l’image de défenseur du web qu’il véhicule, Julian Assange a vivement critiqué les dérives que peut générer Internet, parlant même de "la plus grosse menace de tous les temps". "Chaque Etat-nation a intégré cette technologie. Donc, résultat des courses, toute la civilisation humaine suit le même chemin", a-t-il déploré. "Tout se passe sur Internet, la communication des entreprises, la communication d’Etat à Etat. Donc si quelque chose se passe mal sur Internet, ça se passera mal pour toute la civilisation humaine", a-t-il estimé.
Julian Assange n’a pas hésité à déclarer que la surveillance qui existe aujourd’hui, grâce à Internet, "dépasse tous les rêves de la Stasi". "Le système de surveillance sur le web est absolu et total", a-t-il précisé, comparant le flux d’informations disponibles au "nouvel or noir". "On gère ces flux d’informations comme des pipelines", a-t-il jugé. "Il y a deux ans, le gouvernement américain a annoncé au Congrès qu’il y avait l’interception de 1,6 milliard de télécommunications par jour, et il y sept milliards de personnes sur Terre", a souligné Julian Assange.
Peu d’espoir de limiter cette surveillance. Le fondateur de Wikileaks s’est montré assez pessimiste sur les possibilités pour les citoyens de limiter cette surveillance. "Au niveau de la législation, c’est extrêmement difficile d’intervenir. Il faudrait en fait encourager les gens à chiffrer - coder - leurs messages", a-t-il expliqué. "Mais ce qui paraît essentiel aujourd’hui, c’est que les militants, les journalistes, les avocats, les opposants politiques puissent protéger leurs propres communications. Sinon on va se retrouver dans une situation quasiment totalitaire", a estimé Julian Assange.
QUE VA DEVENIR ASSANGE ?
Un statut de sénateur qui ne changerait rien. Le fondateur de Wikileaks est également revenu sur sa possible candidature au sénat australien. "Malheureusement, au niveau légal, cela ne changera rien", a-t-il reconnu, précisant que sa candidature pourrait éventuellement lui offrir un soutien politique.
Source : http://www.europe1.fr/International/Assange-Internet-une-grande-menace-1454951/