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Le Monde Diplomatique (février 2010)

Dans sa livraison de février 2010, Le Monde Diplomatique (Serge Halimi) revient sur le « consensus de Pékin » : Paraphrasant une formule célèbre de Mao Zedong du 1er octobre 1949, le président Hu Jintao, son lointain (et éloigné) successeur, a estimé soixante ans plus tard :« Aujourd’hui, la Chine est debout grâce aux réalisations du socialisme. » Le relèvement est éclatant ; le pays n’est plus depuis longtemps ni humilié ni dépecé par l’Europe et par le Japon. Mieux, une partie de sa population devient prospère. Mais le socialisme, c’est une autre affaire... Tellement étrangère à la réalité qu’on peut même avancer que la croissance chinoise (de 9,6 % en 2008, de 8,7 % en 2009) a en partie suppléé une locomotive américaine en panne. Et ainsi contribué à la convalescence d’un système capitaliste qui venait d’essuyer sa principale bourrasque depuis 1929. Blessée à Wall Street, la mondialisation s’est rétablie à Shanghai.

Jean-Pierre Sérini fait une longue évocation de Tlemcen (" Jours tranquilles en Algérie " : Dans le pays convalescent, la vie sociale renaît. A Tlemcen, ville distante de cinq cents kilomètres d’Alger,le boom de l’immobilier et les grands travaux côtoient le chômage et le marché noir. L’exode rural a profondément modifié le visage traditionnel de cette ancienne capitale du Maghreb central, faisant naître chez certains la nostalgie d’un passé glorieux. « La crise ? Quelle crise ? », s’exclame M. Djamel Bendimered, ancien maquisard et patron de la plus grosse briqueterie de l’Ouest algérien. « Il y a du travail et de l’argent pour longtemps ! » Devant lui, le grand Tlemcen (deux cent cinquante mille habitants) s’étale sur plus de vingt kilomètres. D’est en ouest, le gris du béton ronge peu à peu la verte plaine en contrebas, qui fut jusqu’aux années 1970 couverte de vergers et d’oliveraies. Promoteurs ou particuliers, chacun construit à sa guise et selon ses moyens. Tlemcen n’en finit pas de collectionner les cités-dortoirs, les quartiers poussiéreux et les banlieues satellites : Kiffane loge cadres et fonctionnaires depuis les années 1980 ; Imama, le nouveau centre-ville, accueille surtout des administrations.

Frédéric Lordon se demande ce qui se passerait « si on fermait la Bourse » : « C’était il y a un peu plus d’un an : les gouvernements secouraient les banques aux frais du contribuable. Mission accomplie. Mais à quel prix ? L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évalue à 11 400 milliards de dollars les sommes mobilisées par ce sauvetage. Soit 1 676 dollars par être humain... Mais la finance n’est pas qu’affaire de banquiers. C’est aussi celle des actionnaires. Une proposition pourrait ne pas leur plaire : fermer la Bourse. » La Bourse ne finance pas les entreprises, écrit Lordon, l’écrasante majorité des entreprises se passe d’elle.

Laurent Bazin s’alarme de la " pandémie de « l’identité nationale » " : Pendant que le débat sur « l’identité nationale » dégénère, le président de la République se réjouit : « A deux mois des régionales, c’est un os qu’on donne à ronger à l’opposition. On ne parle plus du reste, de la situation économique et sociale, du chômage et de la crise. » L’auteur rappelle qu’en Ouzbékistan comme en Côte d’Ivoire, la formulation, puis l’institutionnalisation de l’identité nationale accompagnent un basculement des conceptions de la citoyenneté et de la légitimité politique. L’État apparaît comme l’émanation d’une identité autochtone autour de laquelle la société se redéfinit à son tour, l’extérieur se présentant dès lors comme menaçant. »

Une étude fouillée d’Alexander Zevin sur une boîte à idées bien de chez nous, la très réformiste Terra Nova : « Les partis de gauche errent comme des bateaux ivres, incapables de définir une ligne politique, un projet de société. Ce marasme favorise les entreprises de " refondation intellectuelle " du progressisme, parfois moins désintéressées que ne l’affirment leurs ambitieux promoteurs. »

Grâce à Jean-Louis Conne, on en sait un peu plus sur HSBC, la grande banque de Hongkong, dont un ancien cadre a remis au fisc français une liste de clients soupçonnés de fraude. L’auteur rappelle qu’elle fut fondée par Thomas Sutherland. [J’en profite, quant à moi, pour préciser que ce Sutherland eut comme petit-fils le grand acteur Donald Sutherland (qui milita activement contre la guerre du Vietnam), lui-même père de Kiefer, le héros de 24 heures. Du côté maternel, la famille est nettement marquée à gauche : Kiefer est le petit-fils du fondateur du Nouveau Parti Démocratique, le parti le plus progressiste au Canada. Entre deux épisodes de 24 heures (feuilleton de la Fox qui véhicule une idéologie quasiment d’extrême droite), il tourne de temps en temps des publicités pour ce parti.]

Et la corruption en Italie ? Elle va bien, merci. Serge Quadruppani nous raconte un nouvel « enlèvement des sabines » : « Des immigrés sont lynchés en Calabre, des milices citoyennes chassent les petits délinquants, les campements des gens du voyage sont détruits par les bulldozers. Ces flambées sécuritaires dissimulent un système de corruption qui gangrène le pays. » Les citoyens n’ont plus aucune prise sur un pouvoir peu identifiable.

Qui veut encore financer la presse, demande Marie Bénilde ? « Invité en 2006 au congrès de la Fédération nationale de la presse française, un banquier de BNP Paribas fit sensation en déclarant que les journalistes se trouvaient dans la situation des sidérurgistes des années 1970 : ils étaient voués à disparaître mais… ils l’ignoraient encore (2300 suppression de postes à la fin 2009). »

Une bonne description de l’empire économique des pasdarans (Behrouz Arefi et al.) : « Le mouvement d’opposition qui s’affirme depuis juin 2009 met en relief les bouleversements sociaux opérés dans le pays. Confronté à ces transformations et à la crise actuelle, le régime hésite entre le compromis et la répression. L’évolution des pasdarans reflète les aléas de la révolution islamique elle-même. »

Avec les mercenaires, la guerre est sous-traitée en Afghanistan (Marie-Dominique Charlier) : « Le ministère américain de la Justice a décidé de faire appel de la décision d’un tribunal de relaxer cinq employés de Blackwater qui avaient fait feu sur la foule à Bagdad en septembre 2007. Cet acquittement avait suscité l’indignation en Irak où les sociétés militaires privées développent des stratégies autonomes pour rentabiliser leur mise de fonds. »

Selon Wendy Kristianasen, Ankara a fait le choix audacieux du « Ni Orient, ni Occident ». Cela dit, les prérogatives des tribunaux militaires ont été renforcées et le plus important parti prokurde a été interdit. Amer vis-à -vis de l’Europe, le pays s’ouvre vers l’Est et le Sud.

Martine Bulard étudie " comment fonctionnent les systèmes de santé dans le monde" : Malgré les progrès médicaux, malgré des réformes à répétition, les inégalités devant la maladie demeurent béantes. Entre les pays et à l’intérieur de chaque nation. Nombre de facteurs jouent (environnement, nourriture, travail…). Mais les systèmes de santé et les modes de financement ont également des conséquences. Si certains gouvernements (re)découvrent les vertus du public, le privé déploie ses tentacules. Partout des reconfigurations se mettent en place.
De l’Amérique à l’Asie, de l’Afrique à l’Europe, pas un pays n’échappe au grand vent de la réforme des systèmes de santé. A priori, il y aurait toutes les raisons de s’en réjouir. Au vu des besoins encore en friche et des pandémies toujours à l’oeuvre, le statu quo est en effet impossible.
Alors que les États-Unis, champions du privé, ou la Chine, qui l’a expérimentée avec la vigueur des nouveaux convertis, essaient de limiter la logique marchande pour établir une couverture universelle, les pays riches se fixent comme objectif principal de réduire le rôle de l’Etat et les dépenses mutualisées. Étonnant contre-pied de l’histoire. Au moment même où le modèle américain, qui en est l’exemple le plus achevé, prouve son inefficacité, le marché reste la boussole " même si l’on prône ici ou là le retour de l’Etat.

Les premiers sauveteurs en Haïti furent les médecins cubains qui se trouvaient dans l’île avant le séisme au titre d’une aide permanente gratuite (« Haïti, la tectonique de la misère », par Christophe Wargny). Le moins qu’on puisse dire est que les pays « amis » n’ont pas toujours joué un rôle positif dans cette île.

Pour Maurice Lemoine, il y a un « Basus belli » en Colombie : « Bogota et Washington prétendent que les sept bases militaires mises à la disposition des Etats-Unis sur le territoire colombien ont pour objet de renforcer la lutte contre le narcotrafic. Il s’agit en fait d’un prétexte destiné à cacher les véritables intentions du Pentagone dans la région. »

En Afrique, les citoyens « votent mais ne décident pas » (Anne-Cécile Robert). La démocratie demeure très fragile dans le continent : coup d’État en Guinée, multiples reports de la présidentielle en Côte d’Ivoire. Pendant ce temps, les institutions financières internationales prescrivent toujours plus de médicaments qui tuent, comme la concurrence libre et non faussée.

Philippe Pataud Célérier s’interroge sur la disparition possible des peuples papous en Indonésie : division des populations, morcellement du territoire, pillages…

Christian Kessler raconte pourquoi la Neuvième de Beethoven est devenu quasiment un second hymne au Japon à l’époque de la Première Guerre mondiale.

Serge Halimi revient sur les récents mémoires de Chirac et de Balladur, le premier libéral honteux et caché, le second libéral proclamé et fier.

Un pâté, une alouette, selon Maurice Lemoine, pour la chaîne Arte en Amérique latine. Un film ignoble de Karl Zéro et Zoé Valdès (dis-moi qui tu invites…) sur Castro ; un film chaleureux de Gonzalo Arijon sur les peuples qui se sont récemment soulevés par la voie démocratique dans ce continent.

Un article passionnant et inattendu d’Évelyne Pieiller à l’occasion de la réédition des Turpitudes du peintre Pissaro qui, en plus d’être impressionniste quand ce n’était pas la mode, était très révolutionnaire.

Enfin, Alexander Cockburn déplore et explique pourquoi, depuis trente ans, la gauche américaine a « oublié ses victoires ».

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