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Elections chiliennes : la démonstration

Une fois encore, à près de quarante ans de distance, ce petit pays d’Amérique Latine est un laboratoire extraordinaire des limites du processus « démocratique » et électoral.
La victoire du « candidat de droite » a quelque chose de surréaliste dans un pays qui a payé un aussi lourd tribu aux forces de la réaction. Elle est la concrétisation de la faillite des fondements des stratégies politiques électoralistes.

L’ « expérience Allende » a montré comment un processus électoral, dans un contexte historique donné, n’était absolument pas une garantie d’instaurer un système politique et social démocratique,… et comment le Capital était tout à fait capable de renier les principes qu’il proclame dès que ses intérêts son menacés.

L’Histoire se répète sous une autre forme,… plus « démocratique » cette fois.

PINOCHET ET APRES ?

Comme toutes des dictatures « modernes », l’épisode Pinochet n’a duré qu’un temps… le temps qu’il a fallu pour briser toute opposition dangereuse - et impuissante face à la force - et à « remettre l’économie sur les rails » des intérêts du Capital… Que ce soit l’Allemagne nazi, l’Italie fasciste, l’Espagne franquiste, la Grèce des colonels, l’Argentine, l’Indonésie, les Etats d’Amérique Latine,,… Toutes ont, avec certes leurs spécificités, fonctionné, au niveau du principe de la même manière.

Comme beaucoup de criminels politiques, le vieux dictateur est mort paisiblement dans son lit entouré des siens et paré des sacrements de l’Eglise. Tout a été fait, et le gouvernement Thatcher ( on ne peut plus « démocratique ») n’y est pas pour rien, pour qu’il échappe à ce que l’on nomme encore aujourd’hui la « Justice ».

La dictature n’a évidemment rien réglé, sinon préservé les intérêts, à court et moyen terme, du capital. Accroissant considérablement les inégalités elle a livré l’industrie chilienne à la rapacité des firmes transnationales faisant exploser les indicateurs économiques de la rentabilité et du profit, de même que les statistiques du creusement des inégalités et de la misère populaire.

Le mouvement populaire, décimé par les tueurs du coup d’Etat, avec l’appui, depuis reconnu par elle, de la CIA, ne s’en est jamais remis, sinon dans les formes parlementaires classiques qui assurent la stabilité du système marchand. Le jeu stérile du parlementarisme a pu reprendre conférant au Chili une notoriété « démocratique » vite reconnue par les « démocraties » soulagées,… reléguant le coup d’Etat et ses victimes aux aléas de l’Histoire qu’il s’agit de vite oublier.

Seules les victimes directes, réclamant justice, véritable empêcheuses de « tourner en rond » et accusées de maintenir ouvertes les plaies du passé, ont empêché l’oubli ce qui n’est bon ni pour les affaires, ni pour le moral de l’opinion publique.

Comme pour toutes ces dictatures, l’épisode Pinochet a non seulement enrayé un processus, mais à « préparé » d’une certaine manière - o ironie morbide ! - le « retour à la démocratie », de manière telle qu’il a fait quasiment l’unanimité comme un retour à des conditions « normales » de la société. Tout le monde a rejoué le jeu.

Bien sûr, la « gauche » d’après le Coup d’Etat s’est reconstituée, mais en mettant « beaucoup d’eau dans son vin », supprimant - prétextant opportunément une « autre période » - ce qui avait fait l’originalité de l’Union Populaire d’Allende. Ainsi, responsable et respectueuse de l’ « état de droit », elle a joué un jeu qui l’a amené à une brillante défaite. L’ »alternance démocratique » proclameront doctement certains.

NOUVELLE VALEUR D’EXEMPLE

Au Chili, la « boucle est bouclée ». On signifie clairement à l’opinion publique que si elle était restée dans le cadre strict du système, rien ne se serait passé, il y a plus de trente ans, et que désormais peut jouer en toute tranquillité le jeu de l’alternance Droite- Gauche,… comme dans toutes les « grandes démocraties ».

En ce sens les dictatures sont d’extraordinaires machines à maintenir le fonctionnement politique « démocratique » dans des limites qu’il ne faut pas dépasser. Elles sont une mise en garde politique permanente pour que soit joué, dans des « limites acceptables », le jeu stérile du parlementarisme.

Autrement dit, elles ne sont pas des aberrations produites par le système marchand elles en sont les gardes fous dissuasifs. Même si, durant une période, elles agissent comme un repoussoir politique, elles n’altèrent en rien, à long terme, non seulement les structures du système économique, mais aussi l’inconscient collectif. Nous en avons là une preuve flagrante au Chili avec le retour de cette droite si proche de Pinochet et de ses assassins.

La victoire de la Droite conservatrice signifie plus que la victoire électorale, c’est-à -dire formelle, des possédants, des classes riches, elle est aussi l’expression de la faillite de la stratégie de Gauche, le manque total de stratégie crédible du mouvement populaire.
Cette victoire signifie clairement que si l’on joue, politiquement, avec les possesseurs du capital sur leur propre terrain, avec leurs règles,… on est inévitablement perdant, et même, si par hasard on « gagne », la situation se retourne toujours à l’avantage de ceux-ci. Le Chili n’est pas le seul à faire cette expérience,… toutes les « démocraties parlementaires » l’on faite… Et malgré cela, on continue à persister dans l’erreur et l’obstination.

Il s’est probablement trouvé des citoyens qui ont souffert de la dictature et qui par lassitude, manque de perspective ont voté pour la Droite ou se sont carrément abstenus. Comment expliquer autrement un tel désastre, un tel fiasco politique. Ce qui nous renvoie à notre propre situation pour expliquer qu’une partie de citoyens qui n’avaient rien à attendre de Sarkozy,… ont voté pour lui, et nous ne sortons pas d’une dictature sanguinaire.

LE BILAN ET LES LECONS

Quel enseignement tirer de ce désastre politique ?

Toute construction politique, aussi sophistiquée soit-elle, aussi démocratique soit-elle, ne résiste pas à l’épreuve des faits, c’est-à -dire de la réalité économique et sociale. Si celle-ci est fondée sur les infrastructures et superstructures du système marchand,… elle ne sert qu’à le conforter et le pérenniser. Fonctionner politiquement comme le font toutes les « gauches » du monde, et pas qu’au Chili, s’est s’engouffrer dans une impasse. Quand oserons nous le reconnaître une bonne fois pour toutes ?

On peut ressentir une grande désespérance en se rendant compte que rien ne change, tout recommence comme avant et que l’on ne tire aucune leçon conséquente de l’Histoire.
Tout le système politique des « démocraties », est expressément fait pour que rien ne change,… sinon quelques détails superficiels.

Gauche et Droite marchent la main dans la main pour aboutir à un système d’alternance, à l’anglo-saxonne où la spirale des élections exerce une telle force que rien ne peut lui échapper. Fondé sur la démagogie et le mensonge, il utilise prioritairement les outils du marketing pour séduire. Même les organisations dites « révolutionnaires », aux discours critiques et aux pratiques solidaro-humanistes sacrifient au dogme du marketing politique, de la représentativité et de l’élection,… constituant ainsi une extraordinaire caution démocratique à un système qui n’en a que l’apparence.

La construction d’une alternative est bien évidemment sur un autre terrain,… celui de l’organisation sociale et de la construction d’alternatives qui montrent que la logique marchande de spéculation et de course au profit n’a aucun avenir et ne peut que conduire à la catastrophe.

Le Chili passe, comme beaucoup de pays avant lui, aux « pertes et profits » de l’Histoire.

Réfléchissons bien à cela avant de nous précipiter bêtement vers les urnes qui nous sont tendues.

Patrick MIGNARD

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