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Corporate Europe Observatory

Le "Développement Durable" et la Pantomime Public-Privé

A l’approche du Sommet Mondial sur le Développement Durable (SMDD), les conflits s’amplifient entre le Nord et le Sud, la société civile et les industries. Les gouvernements du Nord s’évertuent à défendre, comme faisant partie du "développement durable", la mondialisation prônée par les grandes entreprises, y compris la libéralisation du marché et la privatisation des services publics. Les demandes de la société civile pour réglementer les actions des entreprises au moyen
de mesures exécutoires sont totalement ignorées, mais, d’un autre côté, les milieux industriels obtiennent un rôle prépondérant comme pourvoyeur d’objectifs de Type II pour le sommet.

Les groupes de pression industriels ont déjà soumis plus de 50 projets à l’approbation de l’ONU , dont un grand nombre émanent d’industries destructrices de l’environnement présentées comme apportant
une contribution au développement durable. Lors de la dernière conférence préparatoire avant le sommet de Johannesburg, le comité minier des ONG décida de boycotter le sommet pour protester contre le parti pris affiché pendant les préparatifs du SMDD envers les
entreprises, et contre les projets au faux label vert qui reçoivent le sceau d’approbation de l’ONU.

Le Prepcom IV, dernière réunion de préparation avant le Sommet Mondial sur le Développement Durable (SMDD), se termina sans avoir atteint un consensus. Au Sommet de "Rio+10" à la fin août, les gouvernements sont
censés conclure un pacte sur de futures politiques mondiales en faveur "du développement durable", expression fourre-tout utilisée par tous les participants, résumant leur réaction face à une crise mondiale grandissante qui touche le domaine social et l’écologie. Des conflits profonds se sont révélés pendant la conférence de Bali en Indonésie (du 27 mai au 7 juin), qui laissent présager ce qui va se jouer à Rio
+10. Pour reprendre les paroles d’un participant : "Dans l’ensemble, tout ce qui se passe pendant ces préparatifs au SMDD tourne autour de la question de la gouvernance mondiale, de ses bénéficiaires, et le fait de savoir quel régime lui donnera sa forme actuelle et future, celui représentant les intérêts de l’ONU ou ceux du commerce et de la finance."

Commerce et aide en pleine bataille

Devant la faiblesse du texte issu du sommet de Bali sur les négociations, un grand nombre d’OGN se demandent si elles devraient continuer d’être impliquées dans les préparatifs du SMDD. En même temps, le soi-disant "texte du Président" comporte de très nombreuses sections entre parenthèses dont les conséquences seraient d’une portée
considérable. Les conflits les plus virulents sont centrés sur les questions commerciales et financières, et reflètent les contradictions profondes qui existent entre d’un côté des politiques de mondialisation néo libérales et de l’autre des objectifs sociaux et écologiques. Les gouvernements du Nord, au sein du groupe JUSCANZ dirigé par les Etats-Unis (comprenant le Japon, le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande), ont purement et simplement rejeté les requêtes des gouvernements du Sud (G-77) qui voulaient obtenir des
explications sur les innombrables problèmes créés par le modèle économique mondial actuel. En réponse, ces gouvernements du Nord, avec l’UE, ont fait pression pour faire adopter des mentions positives pendant le nouveau rassemblement des discussions commerciales de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), y compris la proposition sujette à controverses en faveur de négociations sur les investissements, les acquisitions gouvernementales et autres questions qui sont à présent en dehors des prérogatives de l’OMC. La recette du
bloc du Nord pour établir un "développement durable" comportait également une mesure rejetant toute nouvelle aide financière aux pays du Sud. En 1992, lors du premier Sommet de la Terre à Rio de Janeiro,les pays riches avaient convenus de verser 0,7% de leur PNB comme aide aux pays pauvres, une promesse que la grande majorité des gouvernements du Nord se sont bien empressés d’oublier. A Bali, le gouvernement des Etats-Unis fut le premier à refuser que l’aide au développement occupe une place dans le Programme d’Application.

Les discussions ont alors tourné autour d’accords bilatéraux qui rendraient l’aide subordonnée à des réformes politiques et économiques dans les pays bénéficiaires. "Nous allons demander aux pays en voie de
développement de se battre pour obtenir ces dollars", expliqua le Représentant américain James Connaughton. Cette mesure conditionnelle ressemble aux programmes d’ajustement structurel imposés par le Fonds Monétaire International ces dernières décennies, avec des conséquences sociales et écologiques dévastatrices.

Un autre différend surgit entre le Nord et le Sud lorsque les négociateurs du Nord remirent en question la validité de l’un des principes les plus importants adoptés au sommet de Rio : le principe de responsabilités collectives mais distinctives. Les gouvernements des pays industrialisés veulent échapper à leur responsabilité historique consistant à agir les premiers et à procurer des fonds. Le texte des négociations est truffé de références à la mise en
application de l’accord STN controversé de l’OMC, sur les droits de propriété intellectuelle. Le gouvernement des Etats-Unis veut renforcer le statut de l’accord STN afin de casser les accords rivaux de l’ONU sur la biodiversité, qui reconnaissent aux gouvernements des
pays du Sud le droit d’assurer au public l’accès aux médicaments et de partager les profits provenant de la biodiversité.

La bataille idéologique autour des questions commerciales et financières, qui était si prédominante au sommet de Bali, a des implications de grande portée. La question centrale revient à se
demander si le processus de mondialisation financière, comprenant le commerce style OMC et la libéralisation des investissements, peut simplement continuer ou bien s’il y a un désaccord fondamental avec le "développement durable". C’est aussi l’avenir de l’ONU qui est en jeu
 : va-t-elle se plier totalement à la vision du monde néo-libérale qui domine dans d’autres institutions internationales ? L’issue de cette lutte entre le Nord et le Sud sera décisive pour les débats engagés dans de nombreux autres forums, y compris lors de la préparation des prochaines rencontres ministérielles de l’OMC à Cancun en septembre 2003, au Mexique.

Une panacée public-privé ?

Dans le jargon de l’ONU, les objectifs du Sommet répondent aux catégories de "Type I" et de "Type II". Les objectifs de "Type I" représentent les accords intergouvernementaux traditionnels négociés entre les états membres de l’ONU. En ce qui concerne Johannesbourg,
les gouvernements n’ont pas l’intention de renégocier les accords de Rio. Les discussions se concentrent plutôt sur un Programme d’Application/Action (selon le Texte du Président mentionné ci-dessus), dont le but est d’élaborer des politiques et programmes nationaux et internationaux, ainsi qu’une Déclaration Politique par
laquelle les gouvernements s’engageront à reconduire l’Agenda 21 et la poursuite du "développement durable". Les objectifs de Type II représentent une catégorie nouvelle et controversée, composée de projets en partenariat dont le but est de mettre en ouvre le
"développement durable", entrepris conjointement par divers acteurs tels que les gouvernements, la société civile ou les entreprises. A Bali les résultats à la fois de "Type I" et de "Type II" provoquèrent des contestations virulentes.

En ce qui concerne les résultats de Type I, Bali servit de révélateur au manque de sérieux des volontés politiques parmi les gouvernements, pour se mettre d’accord sur des objectifs et sur un agenda qui
permettraient de faire face aux problèmes écologiques et sociaux urgents, tels que l’accès à l’eau et à l’énergie, la réglementation de la pêche, les changements climatiques ou l’appauvrissement de la
biodiversité. Il faut ajouter au manque de volonté de s’engager à verser de nouveaux fonds, qu’il y a peu de chance de voir surgir des politiques efficaces qui puissent apporter des changements bien nécessaires. Il y a aussi de quoi s’alarmer devant le parti pris
néolibéral sous-tendant le texte des négociations ; ce qui ouvre la voie à une privatisation accélérée des services élémentaires. Le texte demande d’agir dans cinq sphères où la pauvreté et la dégradation de l’environnement sont les plus criantes : l’eau, l’énergie, la santé, l’agriculture et la biodiversité. Cependant, l’accent est fortement mis sur "l’efficacité" et la participation du secteur privé pour la distribution de ces services essentiels, par l’intermédiaire de partenariats entre le privé et le public. Le message sous-jacent : que les gouvernements doivent se décharger de la distribution de l’eau, de
l’énergie et de la santé en faveur d’entreprises privées.

C’est un jeu bien dangereux que de confier aux forces du marché les besoins élémentaires de milliards de pauvres. Au contraire du secteur public, les entreprises répondent à des impératifs de profits, et ceci est également vrai lorsqu’elles fonctionnent dans la distribution de l’eau ou d’autres services essentiels. L’expérience montre que la distribution aux mains du secteur privé a pour résultat une augmentation rapide des prix, avec souvent pour conséquence la perte
d’accès à ces services essentiels pour les personnes aux revenus les plus faibles. Cependant, la préférence exprimée dans le Texte du Président pour un système de distribution répondant aux lois du marché dans les cinq sphères prioritaires, correspond parfaitement aux
campagnes des entreprises pendant les préparatifs de Rio+10.

Travesti de Type II

Les groupes de pression industriels, comme l’Action des Affaires pour le Développement Durable (BASD), réagirent avec enthousiasme lorsque l’ONU annonça que les partenariats public-privé entre les industries,les ONG et les gouvernements seraient incorporés comme objectifs
officiels de "Type II" au sommet de Johannesbourg. Le site internet du BASD énumère déjà 54 projets industriels qui ont été soumis à considération comme objectifs de Type II à Johannesbourg. Le Prep-com de Bali démontra cependant que les ONG affichaient leur scepticisme face à cette idée ou bien y étaient carrément opposés. De larges sections de la société civile rejettent l’idée de se décharger du "développement durable" en faveur du monde des affaires.

Les bureaucrates de l’ONU, responsables des préparatifs de Rio+10, essayèrent de calmer la situation en soutenant que la nouvelle emphase sur les objectifs de Type II ne constituerait en aucune façon un substitut aux actions gouvernementales, mais serait complémentaire
pour aider à "la construction du développement durable". Mais l’opposition sans ambages exprimée par la société civile, n’aida en rien la réflexion des gouvernements du Nord qui ne revinrent pas sur la sagesse de leurs politiques. Tout au contraire, les négociateurs
des Etats-Unis et de l’UE se sont fait entendre sur le devant de la scène, pour promouvoir les projets en partenariat et assurer qu’ils soient recommandés comme les objectifs préférés du SMDD, particulièrement dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, de la santé, de l’agriculture et de la biodiversité. Cette approche fut
soutenue par les groupes de pression industriels présents à Bali, comme ceux de BASD, une campagne organisée conjointement par le Conseil International des Affaires pour le Développement Durable (WBSCD) et la Chambre de Commerce Internationale (ICC).

Pour donner un exemple, Lord Home of Cheltenham de Rio Tinto est Vice Président de BASD et un vétéran à la fois de la CCI et du WBCSD. Il s’associa à Reuel Khoza, représentant important de BASD, pour défendre une recette pour le "développement durable" dans le Sud, consistant en une association de projets de partenariats des affaires et de gouvernance plus efficace. Khoza, président de la compagnie d’électricité Eskom d’Afrique du Sud, fit référence au Contrat International (Global Compact) de l’ONU avec les entreprises et à l’Initiative du Compte Rendu International (GRI - Global Reporting
Initiative, liste de recommandations pour rendre compte des performances dans le secteur social, écologique et de défense de l’homme), comme garanties de transparence pour les projets de Type II. Il annonça que certains projets en partenariat soumis par BASD auraient aussi pour but d’appliquer le Nouveau Partenariat pour le
Développement de l’Afrique (NEPAD). La société civile africaine, dans sa grande majorité, s’oppose au NEPAD, "la voie du développement", dont les artisans furent le gouvernement d’Afrique du Sud ainsi que
d’autres gouvernements africains. Le NEPAD néolibéral favorise la privatisation des services comprenant l’eau, l’électricité ; les transports et les télécommunications, ainsi que la continuation des remboursements de la dette, l’expansion de la libéralisation des marchés et du flux des investissements internationaux. Mark Moody-Stuart, président de BASD, devint lyrique pour évoquer les industries qui développent des partenariats avec les secteurs de l’eau, de l’énergie, de la santé ; de l’agriculture, de la biodiversité. Il loua les industries oeuvrant dans ces secteurs en faveur de la production et de la consommation durables. L’ancien PDG
de Shell présenta également une nouvelle initiative pour relancer les investissements des entreprises dans les pays les plus pauvres, qui est développée sous l’égide du Contrat International (Global Compact), partenariat volontaire entre l’ONU, le secteur des affaires et
quelques ONG, en accord sur une liste de principes sociaux, écologiques et de défense des droits de l’homme. Le Contrat International est critiqué par de larges sections de la société civile parce qu’il est dépourvu de mécanismes de contrôle et d’application,ce qui revient en pratique à donner aux grosses entreprises le sceau d’approbation de l’ONU. Moody-Stuart concéda que le fait d’être associé en partenariat avec des ONG accorde de la crédibilité aux initiatives du monde des entreprises, "Si les entreprises le faisaient seules, on les soupçonnerait de vouloir faire des affaires à un moindre coût salarial ou dans des secteurs aux normes non
réglementées".

Plaintes des entreprises

"Le WBCSD se trouve dans une position forte pour tirer profit du fonctionnement du SMDD", peut-on lire dans une circulaire du WBCSD rendant compte du Prep-Com de Bali, qui mentionne également que le groupe des affaires "reçoit de nombreuses propositions de coopération et de partenariats." Mais le directeur du WBCSD, Bjorn Stigson, n’est cependant pas entièrement satisfait. Dans la circulaire, Stigson se plaint du fait que le processus est entre les mains de la bureaucracie
en place à l’ONU, tandis que Rio 92" était doté d’un secrétariat dévoué, dirigé par Maurice Strong, qui s’occupait uniquement de cette conférence et de ses résultats." Stigson dirigea avec succès les campagnes successives du WBCSD, en préparation au sommet de Rio en
1992.

Même si l’UNICE, la fédération européenne des employeurs, se plaint de ne "pas être écoutée" dans les préparatifs au sommet de Johannesbourg,les tendances politiques au sein du processus du SMDD sont en parfait
accord avec l’agenda des entreprises. Dans Tomorrow, un magazine de luxe lié au WBCSD, un chroniqueur prédit que "L’on peut être certain que les entreprises NE SERONT pas ignorées à Johannesbourg". Le Secrétaire Général de l’ONU, Kofi Annan, a investi une trop grosse
quantité de capitaux personnels dans son Contrat International (Global Compact) pour permettre que les petits enjeux du SMDD mettent en danger les relations entre l’organisation de l’ONU et ses amis dans la
communauté des entreprises", conclut le chroniqueur.

Le monde des affaires semble nerveux, en partie à cause des critiques répandues à l’encontre des projets de Type II qui sont sanctionnés comme objectifs du sommet. Mais ce qu’il craint le plus cependant, c’est le consensus grandissant dans la société civile sur la nécessité
d’imposer des mesures internationales exécutoires aux Sociétés Transnationales (STN). Dans un compte-rendu de la direction destiné aux membres du WBCSD, le président du groupe, Bjorn Stigson, déplorait le scepticisme exprimé à Bali par la communauté des ONG à l’encontre
des projets de partenariat de Type II. Dans son compte-rendu, Stigson fait état du fait que les ONG les plus critiques exigeaient que les entreprises assument leurs responsabilités et soient soumises à des contrôles. "Il serait bon de noter", écrit Stigson, "que les ONG
normalement plus responsables, comme WWF, étaient peu présentes à Bali et laissèrent le dialogue avec les parties intéressées entre les mains de groupes plus extrémistes. "Nous avons informé WWF de notre sentiment à ce propos". Stigson va plus loin, donnant un aperçu révélateur sur les relations assez amicales qui existent entre le WBCSD et l’une des plus importantes ONG de l’environnement.

Mauvaises nouvelles pour la responsabilité des entreprises

Parmi les soi-disant grands groupes de l’ONU (certaines catégories de "parties intéressées", comprenant aussi les ONG, la jeunesse, les
fermiers, les populations indigènes, les scientifiques et les femmes),
le groupe industriel était le seul à s’opposer au lancement de
négociations sur une convention de l’ONU visant la responsabilité des
entreprises. Malheureusement, le monde des affaires a des alliés
puissants parmi les gouvernements. Le Japon, l’UE et les Etats-Unis
s’opposent à cette idée, affirmant que les directives de l’OCDE
concernant les codes volontaires pour les entreprises multinationales
sont suffisantes pour garantir la responsabilité des entreprises.
Ainsi, le soutien exprimé par le groupe des pays du G77, comprenant la
Chine, en faveur d’un cadre juridique exécutoire pour contrôler les
compagnies transnationales, risque de ne déboucher sur rien. Le texte
des négociations recommande "la promotion de la responsabilité
financière et juridique des entreprises et l’échange des meilleures
pratiques", en référence aux programmes volontaires, tels que
l’Initiative du Compte Rendu International (GRI), le Contrat
International (Global Compact) et les directives de l’OCDE.

Comme il fallait s’y attendre, Lord Holme de BASD loua l’emphase mise
sur le volontariat dans le texte. Le monde des entreprises, encouragé
par les couleurs politiques affichées pendant les préparatifs de
Rio+10, persiste dans sa campagne d’irresponsabilité prônant pour les
industries des actions volontaires et auto-régulatrices comme
alternatives à des mesures efficaces et exécutoires pour contrôler le
comportement des entreprises. Malheureusement, l’engagement des
groupements industriels pour un "développement durable" est dépourvu
de substance et sert à dissimuler leurs efforts pour maintenir les
initiatives volontaires au minimum. Par exemple, au sein du WBSCD, on
exprime "une inquiétude en ce qui concerne la multiplication des
exigences de rendre des comptes figurant dans les nouvelles
recommandations du Global Reporting Initiative". Le GRI a été soutenu
dans les campagnes des entreprises comme l’une des "alternatives"
préférées à un contrôle exécutoire.

WBCSD : écologisme néo-libéral ?

De par sa capacité à s’engager et influencer le débat mondial sur
l’environnement et le développement, le WBCSD constitue certainement
le groupe de pression industriel le plus expérimenté. Il fut fondé
pour permettre aux entreprises de s’exprimer pendant le Sommet de la
Terre à Rio de Janeiro en 1992 et contribua à empêcher toute tentative
de contrôler les industries. Le groupe oeuvra en faveur du concept
(nouveau, à ce moment-là ) des Sociétés Transnationales (TNCs) comme
étant des alliées dans la poursuite du "développement durable". Le
WBCSD représente une coalition de 150 entreprises, présidé
actuellement par Phil Watts, de Shell. Le groupe aide ses compagnies
membres, dont un grand nombre ont un passé social et écologique
mouvementé, à transformer leurs opérations et leur image également. Il
n’est pas facile de juger dans quelle mesure les activités du WBCSD
sont axées sur une gestion de la perception (blanchir au vert) ou sur
une poursuite sincère de changement reposant sur l’idéologie de
l’écologie vue par les entreprises. Il ne fait aucun doute qu’une
grande partie du personnel du WBCSD croit sincèrement que les
entreprises éclairées qui adoptent des actions volontaires, y compris
l’introduction plus rapide des nouvelles technologies, peuvent
favoriser le "développement durable". Tandis que les efforts pour
apporter un changement positif à l’intérieur des entreprises est
évidemment une bonne chose, l’influence politique du WBCSD représente
un tout autre problème. Le programme politique néolibéral du WBCSD
révèle de grosses erreurs et les capacités du groupe à exercer des
pressions représentent par conséquent un sérieux obstacle à 
l’élaboration de politiques soutenant une écologie durable et une
justice sociale.

L’analyse faite par le WBCSD, sur les problèmes écologiques et sociaux
au niveau mondial, est moins superficielle que celle de la plupart des
autres groupes de pression comme la CCI. Là où la CCI présente une
image d’Epinal pas du tout réaliste de la libéralisation du commerce
et des investissements, le WBCSD admet qu’il y a des effets
(secondaires) qu’il faut traiter. Les vues du WBCSD supportent l’idée
que les entreprises devraient poursuivre à égalité leurs objectifs
économiques, écologiques et sociaux. En réalité, les priorités
accordées à ces objectifs sont loin d’être équilibrées dans le label
d’écologie industrielle du WBCSD. Malgré une analyse souvent bien
argumentée, les changements inscrits dans l’agenda du WBCSD rappellent
beaucoup ceux élaborés par la plupart des autres groupes de pression
industriels, dont les vues sont bien restreintes. Le conseil des
affaires n’a même pas encore commencé à remettre en question les
principes fondamentaux de la mondialisation économique. Il se contente
de se faire l’avocat de mécanismes reposant sur le marché et les
remèdes technologiques pour résoudre les problèmes de la planète.
Citons en exemple le concept "d’efficacité écologique" élaboré et mis
en avant par le groupe.

D’après le Directeur du WBCSD, Claude Fussler, l’efficacité écologique
a pour but de séparer qualité de la vie et croissance économique de
tout rapport avec l’utilisation intensive des ressources naturelles.
Le problème ne réside pas seulement dans le fait que le WBCSD inclut
des technologies aussi dangereuses que le nucléaire et la
biotechnologie dans ses scénarios futurs. Leur foi dans les remèdes
technologiques est si profonde qu’ils croient que les modèles de
consommation à l’excès et les modes de vie du Nord peuvent être
étendus au reste de la planète, tandis que notre bon sens nous dit que
ceci conduira à un effondrement écologique.

Evaluations du PNUE

Les limitations de l’approche du WBCSD sont parfois reconnues par les
institutions de l’ONU qui ont épousé l’écologie des entreprises,
défendue par les groupements industriels. Dans les préparatifs pour
Johannesbourg, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement
(PNUE), qui est probablement l’institution de l’ONU qui travaille le
plus en proche collaboration avec les industries, a publié une série
de rapports sur 22 secteurs industriels. Ce rapport, intitulé "10 ans
après Rio : L’évaluation du PNUE", tente de déterminer quels progrès
ont été faits par les industries en terme de "développement durable"
et conclut que "les améliorations sont emportées par la croissance
économique et les demandes grandissantes en biens et services".22 Le
rapport du PNUE soutient les principes d’autorégulation et d’actions
volontaires, mais concède que "la majorité des initiatives volontaires
sont encore caractérisées par des problèmes de mises en ouvre
efficaces, de contrôle, de transparence et de clauses d’exception." Le
PNUE conclut finalement que "peu d’initiatives volontaires sont liées
directement à la politique d’un gouvernement et à des cadres de
contrôle, dont les forces et les faiblesses se complèteraient
mutuellement." Les rapports sur les secteurs qui regroupent entre
autres l’aluminium, en passant par le pétrole et le gaz, les aliments,
les produits chimiques et les transports, pour finir avec l’eau, ont
été rédigés par diverses organisations des industries.

Une évaluation particulièrement erronée se rapporte à celle que
l’industrie de la publicité a compilée et qui se réclame d’être une
"alliée inconditionnelle de la durabilité". Le rapport rejette l’idée
que ce secteur encourage la consommation à l’excès et déclare que
c’est tout simplement le reflet de valeurs sociales prédominantes,
pour lesquelles ils n’assument aucune responsabilité. Avec un tour de
passe-passe remarquable, ils affirment que le secteur de la publicité
contribue au développement durable parce qu’il favorise la
distribution de meilleurs produits, résultats d’innovations, et que
par conséquent "ils aident à améliorer la qualité de la vie". Les
éminences grises, qui se cachent derrière ce rapport, admettent malgré
tout que "la publicité n’a aucun rôle à jouer pour ceux dont les
revenus restent au-dessous d’un certain niveau".

Le WBCSD accélère la campagne Rio+10

Toutes les campagnes du WBCDS, "partisanes et de sensibilisation", ont
pour cible d’influencer le SMDD. "Ainsi, nous serons en mesure d’aider
à élaborer le cadre des lignes directrices et d’influencer la
direction que prendra le débat sur le développement durable", comme il
est expliqué sur le site Internet du groupe. Une équipe principale de
14 membres a organisé la stratégie et le programme de travail du
WBCSD. Parmi les éléments visibles de la campagne, on note une série
de rapports idéologiques publiés au cours des 18 mois passés, qui sont
centrés sur l’idée que "les marchés libres" sont une condition
nécessaire au "développement durable". Le même message est avancé par
le WBCSD dans sa campagne de diffusion par les médias, occupant
régulièrement des sections qu’ils subventionnent dans le journal
International Herald Tribune. A Johannesbourg, le WBCSD signera son
nouveau livre rempli d’études de cas rapportant des initiatives
écologiques et sociales d’entreprises du WBCSD, au titre astucieux
"Walking the Talk".

A Johannesbourg, le WBCSD prévoit aussi de faire la promotion de ses
six projets sectoriels, qui ont tous été présentés pour devenir des
objectifs de Type II au sommet. Les projets qui traitent des forêts,
mines et métaux, transports, du ciment, des installations électriques
et du secteur financier, sont coordonnés par de grandes compagnies
membres du WBCDS. Ils étudient les performances en matière de
durabilité et les défis auxquels le secteur dans son ensemble aura à 
faire face dans le futur. Le WBCSD affirme que leur but final est de
modifier les pratiques et politiques industrielles pour les rendre
plus conformes au "développement durable". Dans ces projets, le WBCSD
a utilisé une approche reposant sur le dialogue entre les divers
acteurs impliqués. Selon Bjorn Stigson, à la tête du WBCSD, "cette
approche est indispensable, car l’approbation des divers acteurs est
primordiale si les industries veulent conserver leur "permis de faire
des affaires" et d’aboutir à un environnement stable garantissant des
investissements à long terme. Au Prep-com de Bali, le WBCSD présenta
une nouvelle brochure, "Projets par secteur", faisant état de
l’avancement des projets à ce jour. D’après Summit Focus (le bulletin
du WBCSD sur le SMDD), l’un des objectifs de la brochure consiste à 
"faire en sorte que les projets soumis répondent aux critères
d’acceptation de l’ONU comme objectifs de ’Type II’."

Les six projets sont tous dirigés par des groupes de travail
comprenant des entreprises du WBCSD. Dans un premier temps, les
recherches sont commanditées par un organisme indépendant dont les
résultats sont publiés par la suite dans un rapport. Un groupe
"d’experts" est supposé se porter garant d’assurer la neutralité et la
validité des résultats obtenus. Bien que le WBCSD souligne la
transparenceetl’objectivitéquientourentles projets, il existe de
véritables problèmes quant à la teneur de ce qui est discuté et
surtout en ce qui concerne les conclusions. Il est prévu que les
rapports des six projets seront publiés à temps pour le sommet de
Johannesbourg. Les trois projets en cours de finition -sur la
mobilité, les forêts et les mines- sont également ceux qui ont créé le
plus de controverses.

Mobilité et durabilité ?

Le premier rapport du projet du WBCSD "Mobilité et durabilité",
traitant du secteur des transports, a été communiqué en mars 2001. Le
groupe de travail est dirigé par les principales entreprises de
l’automobile et de l’énergie, comprenant BP, DaimlerChrysler, General
Motors, Michelin, Norsk Hydro, Renault, Shell et Toyota. Ce projet dit
vouloir développer une vision à long terme de la mobilité future, mais
se garde bien de mentionner le caractère insoutenable de
l’augmentation continue du volume des transports sur la planète.

Un trait caractéristique des projets du WBCSD réside dans leur
attitude envers les groupes de la société civile qui expriment des
critiques modérées. Ces types de "critiques constructives" sont
souvent mentionnés dans les rapports des projets ou dans les sites
d’Internet. Le site "Sustainable Mobility" par exemple, comprend un
article qui fait mention d’une critique du rapport émanant d’une OGN,
tout en soulignant que les critiques "reconnaissaient, somme toute,
que le rapport affichait un parti pris bien-fondé envers les intérêts
des industries automobiles et pétrolières."29 Ce genre d’approche
contribue à se montrer ouvert, transparent et à la recherche du
consensus. Par contre, on n’offre aucun espace de cette sorte à ceux
qui expriment des critiques plus profondes. Le site "Sustainable
Mobility", par exemple, garde le silence sur la campagne du groupe
Carbusters de Prague, qui a critiqué bien fort ce projet avec une
vision des entreprises. Carbusters a rejeté le projet qui se contente
uniquement de promouvoir des remèdes technologiques et la
privatisation des systèmes de transports publics. Après avoir assisté
à l’un des dialogues des acteurs du projet, Carbusters conclut que
"Tout cela revient à faire une autre campagne de publicité en faveur
de leurs merveilleuses voitures ’vertes’." Le site "Sustainable
Mobility" donne des renseignements sur le dialogue des acteurs
rassemblés à Prague, mais garde le silence sur les rassemblements de
protestation qui se tenaient à l’extérieur. En voyant les
participants, la première réaction du directeur fut de demander :
"Est-ce que les journalistes sont au courant ?"

Forêts et durabilité ?

Le projet "Sustainable Forestry Industry" du WBCSD commença en 1994
lorsqu’un groupe de compagnies, dirigé par la compagnie brésilienne
Aracruz Celulose et la compagnie finlandaise UPM-Kymmene, suggéra une
étude se concentrant sur la production de papier. L’étude fut
commanditée par un organisme extérieur (IIED l’Institut International
pour l’Environnement et le Développement) et comprenait des
consultations avec diverses parties prenantes. Le rapport d’étude du
cycle du papier dans un contexte de durabilité, intitulé : "Towards a
Sustainable Paper Cycle", fut publié en juin 1996. La démarche
suivante fut la création du dialogue sur les forêts -"Forest
Dialogue", qui comprenait des propriétaires terriens, les industries
forestières, quelques ONG et la Banque Mondiale. Le dialogue,
co-présidé par le WBCSD et l’Institut des Ressources Mondiales (WRI)
avait pour objectif de développer un consensus autour d’une vision des
forêts de la planète et sur une variété de problèmes concrets tels que
la reconnaissance mutuelle des systèmes d’authentification des
pratiques dans l’industrie forestière.

Le vétéran du WBCSD, Stephan Schmidheiny, qui était une force majeure
derrière la campagne influente du WBCSD autour du Sommet de la Terre
en 1992, a des enjeux personnels dans le projet "Sustainable
Forestry". Schmidheiny, dont la fortune vient des ventes de ses
montres Swatch et de ses investissements dans l’industrie de
l’amiante, a investi de grosses sommes depuis 1982 dans les forêts
chiliennes. Il possède 85% de Terranova, une compagnie siégeant au
Chili, qui opère dans des plantations forestières (principalement de
pins) au Chili, au Brésil et au Vénézuela. Une autre compagnie
appartenant à Schmidheiny possède des plantations de tek au Panama et
au Guatemala. Presque toutes ses forêts sont des plantations récentes,
pour lesquelles il a déposé une demande d’accréditation auprès du
Conseil d’Intendance des Forêts. Les travaux du projet "Sustainable
Forestry" se font, comme par hasard, sur la question sensible
d’authentification dans l’industrie forestière. En se référant aux
travaux du "Dialogue Forestier", Schmidheiny observa que "le défi
consiste à corriger les mauvaises performances dans l’industrie et à 
empêcher les ONG marginales de mener des actions contre-productives."

L’authentification est une question controversée qui suscite des
controverses dans le débat international sur la viabilité des forêts.
Le Conseil d’Intendance des Forêts (Forest Stewardship Council -FSC)
est le seul système d’authentification qui soit respecté par la
majorité des groupes de défense des forêts. Les autres systèmes
d’authentification, conclut le Mouvement de Défense des Forêts
Tropicales (WRM) "ont pour but de ’blanchir au vert’ les activités
d’exploitation du bois".38 Bien que plus fiable que les autres
systèmes, le WRM déclare que "le fait que le FSC ressente le besoin de
fournir autant de bois authentifié que possible sur le marché mondial"
représente un désaccord avec le concept de durabilité.39 Le FSC a
accordé de plus en plus d’accréditations pour du bois en provenance de
vastes plantations en monoculture, ce qui n’est en rien de la forêt
durable. Les plantations d’arbres, remarque le WRM, provoque la
déforestation et la dégradation d’autres écosystèmes. De plus, ces
pseudo forêts ont des effets abominables sur les communautés locales
qui perdent leurs terres et leurs moyens de subsistance pour faire
place à des entreprises qui produisent du bois pour les marchés
mondiaux.

La crédibilité du volontariat auto-géré, pour une forêt durable, est
sérieusement ébranlée par le triste record des deux entreprises à 
l’origine du projet. UPM-Kymmene est fortement critiqué par les
groupes de défense des forêts pour ses activités nuisibles en
Indonésie, une conduite qui continua après la signature du projet
"Sustainable Forestry Industry" pour une industrie forestière viable.
En 1997, le géant des produits de bois finlandais obtint une usine de
papier à Changsu, en Chine qui traite de la pulpe pour l’usine de
papier PT Riau Anadalan (RAPP), les deuxième plus grand producteur de
pâte à papier de l’Indonésie. L’usine à papier RAPP de Riau à Sumatra
a pu s’agrandir avec un contrat d’investissement de 750 millions de
dollars avancés par les compagnies finlandaise et suédoise de crédit à 
l’export. Les usines à papier Riau produisent 750 000 tonnes de pulpe
chaque année en exploitant les forêts tropicales naturelles, et en
remplaçant 50 espèces de bois dur tropical par des plantations
d’acacias. Les conséquences ont été lourdes pour les communautés
locales : la rivière indispensable à leur survie a été polluée , ils
ont été expropriés de leurs terres sans obtenir de compensation et ont
dû affronter des violences physiques quand ils protestaient.
UPM-Kymmene a quitté la compagnie RAPP mais utilise toujours la pulpe
provenant de RAPP pour sa production de papier en Chine.

L’autre fondateur du projet forestier du WBCSD, Aracruz Celulose, est
spécialisé dans la pulpe d’eucalyptus blanchie. La compagnie à 
mauvaise presse particulièrement pour son impact social et écologique
destructeur dans les états de Bahia et Espirito Santo. Aracruz a
inondé les régions de plantations de monoculture extensives et a
déraciné de leurs terres des populations indigènes, comme les Guarani
et les Tupinikim. Ils ont transformé la forêt tropicale de Mata
Atlantica en un désert vert planté d’eucalyptus. La demande d’Aracruz
pour obtenir l’authentification du FSC a intensifié les manifestations
des écologistes contre la compagnie qui s’est récemment unie à Stora
Enso, le géant forestier finno-suédois.

Une industrie minière durable ?

L’Initiative Minière Mondiale (GMI) fut établie en 1999 par 9 grandes
compagnies minières.43 Une vingtaine d’autres grandes compagnies,
ainsi que le Banque Mondiale, le PNUE, IUCN et quelques universités
s’affilièrent à cette initiative. Le GMI (Global Mining Initiative),
sous l’égide du WBCSD, est à l’initiative du projet Mines, Minéraux et
Développement Durable (MMSD) et commandita l’Institut International
pour l’Environnement et le Développement (IIED) d’effectuer une
recherche considérée comme étant un exercice consultatif important. Il
en résulta le rapport "Breaking New Ground : Mining, Minerals and
Sustainable Development", publié le 1er mai. Dans ce rapport, on ne
prend pas vraiment le parti des grosses entreprises, comme on aurait
pu s’y attendre, et on y reconnaît un grand nombre de problèmes causés
par l’industrie minière, comprenant la destruction de l’environnement
et les conséquences négatives sur les communautés locales. Néanmoins,
l’agenda proposé pour apporter des changements se contente à peine de
faire des recommandations aux compagnies minières pour qu’elles
mettent en place une politique de développement durable et que
l’industrie dans son ensemble rédige une déclaration et un code de
conduite. Ces conclusions inadaptées reflètent le fait que dans ce
projet on n’aborda pas les questions fondamentales concernant le
bien-fondé des opérations minières, en particulier pour l’uranium et
les combustibles fossiles qui, de par leur nature, ne peuvent en fait
s’inscrire dans le cadre du développement durable.

Après la dernière Conférence Mondiale tenue à Toronto en mai 2002, les
activités du GMI seront reprises par le Conseil International sur les
Métaux et les Minéraux (ICMM), "la nouvelle direction mondiale de
l’industrie" . En attendant, le GMI a été présenté au secrétariat de
l’ONU pour qu’il soit intégré dans les objectifs de Type II du sommet
de Johannesbourg.45 L’ICMM ne cache pas son intention d’utiliser le
GMI à Johannesbourg, mais il se met également en place un suivi de
stratégies ambitieuses.

L’industrie minière poursuit un objectif plus interne pour améliorer
sa réputation. Le Président de BHP Minerals, RJ McNeilly, n’en a fait
aucun secret lorsqu’il s’est adressé en public à l’industrie. Il a
expliqué que les compagnies minières seront à l’avenir jugées sur
leurs actions durables, ce qui sera déterminant, en fait, pour obtenir
une autorisation d’exploitation. McNeilly déclara : "Je suis certain
que nous nous accordons tous pour reconnaître que notre industrie ne
peut se permettre d’ignorer les perceptions négatives". Tandis qu’un
certain nombre d’industries du secteur se préoccupent de leur image,
d’autres au sein du WBCSD semblent être sincèrement déterminés à 
apporter des changements. Richard Sandbrook, le coordinateur de MMSD
au sein du WBCSD, a défini le projet comme ayant "déterminé clairement
où se situaient les gouvernements, la société civile et du monde du
travail dans le modèle du développement durable et comment faire mieux
à l’avenir." Le problème réside dans le fait que "mieux" ne correspond
pas à durable. Tant que l’industrie refusera d’aller au-delà des
principes d’efficacité écologique maximale dans l’utilisation des
ressources, et d’autres remèdes technologiques, leur impact sur
l’environnement et les communautés restera inacceptable. Une critique
de cette sorte ne reçut pas un accueil chaleureux. Le sentiment de
Sandbrook est que : "On vous maudira, que vous agissiez ou que vous
n’agissiez pas, lorsqu’il s’agit d’essayer de faire les choses d’une
manière différente"

Le boycott de Rio+10

Les tentatives de l’industrie minière de définir l’activité minière
comme une activité économique durable, ont eu pour conséquence le
rejet du processus du SMDD et de l’initiative du GMI par un grand
nombre de groupes engagés. Au Prep-com de Bali, 74 représentants de
communautés affectées et autres militants se sont rencontrés pour
définir une stratégie. Bien qu’un certain nombre de ces groupes
travaillent en collaboration avec l’industrie minière pour diminuer
les effets sur les communautés et l’environnement, ils condamnent "la
propagande de l’industrie minière qui cherche à rendre légitime cette
industrie de développement non durable".

Lors du Prep-com de Bali, les protestants contre l’industrie minière
ont souligné les malversations continues pratiquées par de nombreuses
compagnies impliquées dans le projet du GMI et du MMSD. La Compagnie
Anglo-Américaine d’Afrique du Sud fut accusée d’avoir fait au WSDD une
donation d’un montant de plusieurs millions, alors "qu’elle laissait
derrière elle un legs de plusieurs milliards de dégâts occasionnés sur
l’environnement et les communautés aux alentours même de
Johannesbourg." La plus grande compagnie internationale d’exploitation
de l’or, Newmont dont le siège social se trouve aux Etats-Unis, a
causé des dégâts humains, écologiques et économiques sur les cinq
continents à la fois. Sur son site Nusa Tenggara en Indonésie, Newmont
a rejeté 120 000 tonnes de déchets dans les eaux côtières de Sumbawa,
provoquant ainsi de graves pollutions et pour la population, la
destruction de leur source de revenus. Placer Dome, du Canada, a
quitté les Philippines après avoir causé l’une des pires catastrophes
minières au niveau mondial, sur l’île de Marinduque.

Les opérations de Rio Tinto ont entraîné la création d’une coalition à 
l’échelle mondiale pour faire face à ses agissements. La compagnie a
mené des activités minières à l’intérieur de la région protégée de
Poboya en Indonésie et "a refusé de prendre en compte les demandes des
communautés indigènes d’annuler l’ouverture d’une mine d’uranium dans
une région sous la protection du Patrimoine Mondial (World Heritage)."

Les résultats du comité minier représentent la décision prise en
commun de boycotter le processus du SMDD. Les militants du comité se
sont accordés que la participation au processus "n’avaient en réalité
pas fait avancer leurs efforts pour la reconnaissance des droits de
l’homme et la justice écologique." "Au contraire", ont-ils conclu, le
processus "a été co-opté dans une tentative de légitimation des
activités du G8 et des grandes compagnies." "L’inclusion de :
’activité minière durable’ (’sustainable mining’), comme concept, fut
le résultat des pressions exercées directement par le Global Mining
Initiative, branche militante de quelques-unes des plus grandes
compagnies minières", déclara le comité. "Les droits de l’homme et la
justice écologique ne peuvent pas être considérées comme des priorités
dans une conférence parrainée par des compagnies transnationales, dont
la plupart sont les pires pollueurs de la planète", ajouta le comité
en expliquant sa décision de boycotter le sommet de Johannesbourg.

Le contraste fut frappant entre les recommandations mitigées du MMSD
et les demandes du comité minier exigeant des mesures décisives,
telles qu’un moratorium sur toutes les mines et la fermeture immédiate
de mines actuelles lorsque les communautés en font la demande. Ils
appelèrent à une interdiction d’utiliser des technologies minières
destructrices, l’abolition du travail des enfants dans toutes les
mines ainsi que le respect et le maintien des droits des populations,
des communautés, et de leur bien-être.

Rappel à l’ordre

Il est très improbable que les protestations exprimées par le comité
minier fasse réfléchir l’industrie sur les mérites d’une campagne pour
"une industrie durable". Ce qui risque plutôt de se passer, c’est que
le WBCSD s’efforcera de présenter le comité minier comme des
gauchistes iresponsables. Il ne fait aucun doute qu’ils trouveront
d’autres ONG plus "pragmatiques" qui accepteront de sanctionner les
décisions du GMI. Il y a de fortes chances que le projet obtiendra
quand même le sceau d’approbation de l’ONU à Johannesbourg dans la
catégorie officielle des objectifs de Tpe II. Si cela se produit, la
co-optation de l’ONU par les grandes compagnies aura atteint de
nouveaux sommets et la crédibilité de l’ONU en souffrira énormément.
Le parti pris en faveur des affaires, dans les préparatifs de Rio+10,
a aliéné de grandes sections dans les mouvements qui sont les plus
sincères dans leur soutien à un changement social et écologique. La
décision du comité de boycotter le sommet a servi de rappel aux
dirigeants de l’ONU, aux gouvernements et certaines sections de la
société civile. Un changement d’optique radical est nécessaire pour
empêcher le processus de Rio+10, qui dégénère rapidement, de se
transformer en un scandale éclatant.

Traduction Annick Bourveau

Remerciements à Tove Selin, Ivana Jakublova et les nombreux
autres personnes qui nous ont aidé.

Consultez le site de Greenwash Academy pour de plus amples
informations sur "le blanchiment au vert" dans les entreprises et
Rio+10

Publié en collaboration avec :
Corporate Europe Observer - Issue 12

Traduction en Français réalisée par les traducteurs bénévoles d’Attac et diffusée par le COURRIEL D’INFORMATION ATTAC (n°356)


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