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Strasbourg brûle-t-il ? (Quelques considérations sur les journées anti-OTAN dans la capitale de l’Union européenne)

Les feux à la périphérie de Strasbourg une fois éteints, la « grandeur » française se mesurera dorénavant à l’intérieur d’une alliance qui semble dès à présent peu encline à satisfaire le petit De Gaulle de service, Nicolas Sarkozy.

L’affrontement avec les Etats-Unis sur l’entrée de la Turquie n’est qu’une des nombreuses contradictions qui risquent d’augmenter, au lieu de les résoudre, les graves problèmes de gestion d’une alliance de plus en plus malade d’éléphantiasis : incapable de résoudre le conflit afghan sur le terrain, en impasse sur le projet « bouclier anti-missile », et bloquée par la Russie dans l’ offensive géorgienne contre l’Ossétie du Sud.

L’élargissement tourmenté de l’OTAN à l’Est, la tentative d’intégration avec les structures militaires de l’Ue, les hypothèses de projection de puissance bien au-delà de l’aire eurasiatique et moyen-orientale, indiquent cependant une tendance à la « solution militaire » pour faire face à la très grave crise économique que traverse le système capitaliste.

Prendre le train de la guerre est donc d’une importance vitale. Ceux qui en sont exclus risquent de passer sus les roues. D’où le féroce jeu de coudes des Etats et dirigeants : tous aux wagons, de préférence de première classe, avec le risque de faire dérailler tout le convoi. Pour le moment, la contribution du mouvement alter-mondialiste à l’accident qu’il appelle de ses voeux est, à la lumière des faits de Strasbourg, plutôt faible.
Les maîtres de maison d’un sommet devaient garantir, au moment du « grand retour » dans l’alliance, un calme absolu au coeur de la City, autour des palais du pouvoir militaire occidental. C’est ce qui s’est passé.

Pour tenir les militants anti-OTAN à distance acceptable des lieux de rencontre des « grands », on a mobilisé plus de 10.000 policiers, au ciel, sur la terre et même dans l’eau, avec des dizaines de vedettes et bateaux pneumatiques répartis autour des ponts qui traversent l’Ill.

Strasbourg s’est transformée en quelques jours en ville en état de siège, avec ses citoyens des zones orange et rouge surveillés de près. Chacun avec son pass de la couleur de sa zone de résidence, qui s’est ensuite révélé inutile aux moments forts du sommet, le matin et l’après-midi de samedi 4 avril, quand il ne leur a même plus permis se déplacer d’une zone à l’autre.

Nous avons assisté à des protestations individuelles de certains citoyens, mais dans l’ensemble, le corps social d’une ville qui prospère autour des institutions européennes ne s’est pas organisé contre l’état de siège imposé par l’OTAN. La « démocratie occidentale » a ses coûts, que ses sujets les plus fortunés sont évidemment peu disposés à payer.

L’hétéroclite mouvement contre la guerre qui avait afflué dans la ville française n’a jamais trouvé un moment de véritable synthèse politique, que ce soit par rapport aux stratégies actuelles et futures contre l’alliance de guerre, comme pour la gestion de la rue même pendant le sommet.

Nous avons vu à l’oeuvre les nombreuses composantes du mouvement, ou de ce qu’il en reste, dans les formes historiques du Forum Social Européen, à travers ses diverses expressions politiques culturelles et syndicales.

Pendant le contre-sommet de vendredi 3 avril, qui s’est tenu à l’intérieur du centre sportif d’Illkirch Lixenbhul (à l’extrême périphérie de la ville), face à environ 800-1.000 participants, se sont confrontés les représentants des diverses forces en présence : PCF, CGT (française), NPA, Socialist Workers (anglais), les Link allemands, les grecs du Comité international pour la paix (Greek Committee for International Detente and Peace-EEDYE), certains parlementaires du GUE, Attac France, Femmes en noir et autres petits groupes politiques surtout allemands, polonais et espagnols. La présence italienne a été très réduite, avec environ 30 militants du Pacte contre la guerre et des Femmes en noir (7 ou 8 napolitaines qui sont allées le lendemain se placer devant le podium, visibilité oblige, NdT).

Le contre-sommet organisé par le Forum social a été, à notre avis, grandement édulcoré dans ses contenus et très faible dans ses références politiques.

Aucune référence directe au rôle impérialiste de l’Europe, pas un mot sur la guerre « constituante » de la nouvelle OTAN, c’est-à -dire le bombardement sur l’ex-Yougoslavie, thème qui a valu aux grecs de l’EEDYE de se faire exclure du comité organisateur. Malgré ce, c’est grâce à eux que l’agression dans les Balkans a été dénoncée et discutée à travers toute une session du contre-sommet.

Des invités pour le moins discutables pour les débats finals (auxquels nous n’avons pas participé) du 5 avril, avec une Lidia Menapace revenante parmi les rapporteurs. Oui, juste elle, cette vieille dame qui pendant le gouvernement Prodi, pour justifier son vote en faveur de l’occupation et des bombardements de l’OTAN sur l’Afghanistan a inventé la théorie terrifiante de la « réduction des dommages ».

Une faiblesse qui s’est révélée plus clairement ensuite pendant la réunion pour organiser la manifestation du 4 avril, où des représentants français du Forum social proposaient d’accepter l’itinéraire indiqué au dernier moment par les autorités françaises : un parcours à 8-10 kilomètres du centre historique, pratiquement entre des hangars de la zone industrielle et commerciale (et en partie sur un terrain militaire ! NdT).

Le débat sur le sujet a mis en évidence une divergence profonde et conséquente dans la gestion de la rue, entre ceux qui acceptaient la manifestation en banlieue et ceux qui voulaient garder le trajet initial de la traversée du Pont de l’Europe, vers le lieu du sommet.

Les événements de rue qui se sont déroulés le lendemain montrent l’inconsistance importante et l’inutilité factuelle de cette confrontation. Nous en parlerons.

Aucune surprise donc si certaines des expressions les plus radicales du mouvement contre la guerre (et non pas « mouvement de la paix » ou « pacifistes », NdT) se sont regroupées dans d’autres lieux et selon d’autres modalités, comme au centre social « Molodoi », rue du Ban de la Roche, et au camping international de la Rue de Ganzau, dans le quartier du Neuhof, relégués à 7 kilomètres du centre historique. Dans ces endroits, tout autres ont été les thèmes, les interlocuteurs et les objectifs discutés.
On peur être surpris par contre que certaines forces politiques, expressions dans plusieurs pays de contenus et de luttes conséquentes contre le militarisme impérialiste, continuent à fréquenter des milieux qui se révèlent désormais en état d’asphyxie et inopérants pour affronter les nouveaux défis imposés à l’humanité par un capitalisme en crise profonde et, de ce fait, particulièrement agressif.

Samedi 4 avril. A la périphérie de Strasbourg

Inutile de décrire la dynamique concrète des événements de la journée clou du sommet et du contre sommet, des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Les agences de régime ont abondamment couvert l’événement, avec force arrêts sur image sur les incendies et les black block « féroces » (et revenants, eux aussi).

La gestion de la rue de la part du système de contrôle et de répression des Etats concernés (avant tout France et Allemagne) a été quasiment impeccable.
Après toute une journée d’affrontements, un hôtel de 8 étages en flammes et quelques bâtiments dont un poste de douane désaffecté (destiné à la démolition depuis pas mal de temps, et bourré d’amiante -précision d’un correspondant de l’AFP rencontré sur place-, corrections à l’initiative de la traductrice), les manifestants blessés et interpellés se comptaient sur les doigts de quelques mains seulement.

En observant les policiers français / allemands à l’oeuvre, nous avons compris un peu plus encore à quel point c’est la haine qui guide et informe la main des « nôtres », comme on a pu le voir de façon remarquable à Gênes en 2001.

La manifestation a été canalisée à l’intérieur d’une enceinte prédéfinie, à l’extrême périphérie de Strasbourg, habitée surtout par des travailleurs, immigrés, précaires, comme dans la majorité des banlieues européennes. Depuis les maisons et les fenêtres de ce morceau de ville, très peu de drapeaux de la paix et encore moins d’expression de solidarité et de participation au cortège. Certaines tensions, au contraire, entre des jeunes de banlieue et certains secteurs du cortège, peu enclins à accepter ce dialogue que nous pouvons qualifier, par un euphémisme, de « rude ».

Dans les faits, les différents secteurs sociaux de cette métropole de plus de 450.000 habitants -du centre à la périphérie- se sont montrés largement imperméables à la mobilisation contre l’OTAN.

Le refus absolu de traverser le Port de l’Europe, comme cela avait été prévu les jours précédents, la division de la ville en zones off limits et l’impressionnante militarisation du territoire avaient mis en évidence à la fois l’échec de la soi-disant « démocratie occidentale » et la totale inutilité de contre sommets : qui tentaient au même moment d’imposer un autre point de vue politique par rapport à ce qui a été déterminé au préalable par les « grands de la terre ».

Dans ces conditions, accepter la logique de l’enceinte -comme cela a été proposé par certains leaders du Forum social- signifiait devenir une partie intégrante du mécanisme « démocratique », et servant ainsi sa légitimation.

D’où la réaction légitime à l’empêchement physique d’un droit élémentaire comme celui de manifester. Quelques milliers de manifestants ont de façon récurrente -et légitime- essayé de forcer les barrages de la police. Parmi eux, les plus organisés ont été ceux qu’on qualifie rapidement de « blacks blocks » : phénomène de jeunesse qui reste entièrement à enquêter, mais qui a peu à faire avec une expression politique définie. Très grande tactique et mobilité paramilitaire, et aucune idée au-delà de celle de détruire les symboles de la civilisation ( une station-service, des lampadaires parce qu’ils portaient des caméras, une station de lavage de voitures, des panneaux urbains de publicité, NdT), des cabines téléphoniques aux hôtels (un seul au milieu de la zone industrielle, NdT).

Nous ne serons pas de ceux qui se lamentent face aux incendies et dévastations. Les « frappes chirurgicales » des bombardiers de l’OTAN sur les villages afghans sont d’une toute autre nature et lourdeur.

Le problème, comme toujours, est politique, et il tient à la capacité des futurs mouvements de renforcer leur présence dans le tissu social des métropoles. Si, et quand, les banlieues deviennent un arrière-front stratégique de la lutte contre la guerre impérialiste nous serons en mesure de résoudre aussi la « contradiction » black block.

La leçon de Strasbourg doit servir à affiner la réflexion sur les méthodes d’action de la nouvelle phase politique que nous avons face à nous. Le temps n’est plus aux contre sommets, mais à l’enracinement des idées force antimilitaristes et anti-impérialistes à l’intérieur du flux impétueux des luttes que la crise capitaliste va déterminer sur tout le continent européen et bien au-delà .

Rete « Disarmiamoli ! » (Réseau « Désarmons-les ! »)
http://www.disarmiamoli.org/

traduction par Marie-Ange Patrizio


Strasbourg 4 avril 2009 : Pincemi et Pincemoi au Port-du-Rhin

Ou : comment on mène ses camarades en bateau (et dans des fumées désagréables)

par Marie-Ange Patrizio

Ayant lu un certain nombre de déclarations et commentaires sur ces événements, je voudrais ajouter mon témoignange sous forme de récit de campagne : il permettra peut-être, sous un aspect apparemment anecdotique, de saisir le très grand écart qu’il y a - selon l’appartenance politique ?- entre les divers récits (et commentaires en conséquence) des manifestants ou /et analystes politiques présents ou pas sur les lieux. Et d’en tirer quelques éléments pour ce qui nous attend (élections européennes comprises).

La manifestation n’a été encadrée par aucun service d’ordre : ce qui était la moindre des choses, quand on annonce une manif « dure » « type Gênes » etc., et quelques jours seulement après le meurtre d’un manifestant par la police, à Londres.

Tout pouvait aboutir à une répression très dure : le lieu, une zone îlienne sans habitants - accepté de façon grotesque par une partie (seulement) des organisateurs ; les forces en présence de part et d’autre, et du côté des anti-OTAN on était très loin des dizaines de milliers de manifestants déclarés par certains ; l’inorganisation, totale : on a attendu pendant environ trois heures sans jamais savoir ce qu’on allait faire, ni où on irait…

Le désert des tartares, mais inversé : on savait où était « l’adversaire », on l’entendait, on le voyait, mais on ne savait pas trop où on était nous, ni, pendant des heures, ce, et ceux, qu’on attendait pour manifester. Une longue attente, mais pas du type souricière cependant : si on s’éloignait un peu de cette sorte de champ de foire (au milieu d’un endroit désert) où quelques organisations politiques se montraient autour d’un podium, on pouvait s’allonger tranquillement sur des pelouses bordées d’arbres, et malgré les 3 hélicoptères au-dessus, pas mal de monde a fait une petite sieste ; tant qu’à faire…

Le bruit des hélicoptères était donc loin d’être assourdissant et la présence de « l’adversaire » assez peu terrorisante ; de temps en temps quelques tirs vers un endroit d’où s’élevait deux ou trois colonnes de fumée. Ca semblait loin, mais en regardant une carte ensuite, j’ai vu qu’on était quasiment sur le « front » ; où l’on voyait aller et revenir quelques manifestants masqués et vêtus de noir, qui prenaient la pause en passant devant les gens qui attendaient, désoeuvrés. Pas d’intervention des organisateurs.

La foire.

Vers 15 heures, quelques fumées se sont faites plus épaisses, quelques tirs se sont intensifiés, et on a commencé à ressentir quelques picotements genre effets désagréables dus aux gaz lacrymogènes. En l’absence - toujours - de consignes du côté des « organisateurs » au podium et alentour, on s’est dit bon on s’éloigne (des gaz). Au bord des pelouses il y avait des petits sentiers qui permettaient d’aller prendre l’air un peu plus loin, dans des terrains vagues (où l’on a vu ensuite une pancarte : « Terrain militaire »...). Pas le moindre écho de consigne, pas l’ombre d’un service d’ordre, on s’en va, on verra. Chemin faisant on est rejoint par des strasbourgeois venus en vélo et qui nous indiquent une issue pour retrouver une route. On bavarde : ils « avaient honte » du peu de militants strasbourgeois qui étaient venus.

Très rapidement, on se retrouve vers l’endroit d’où on était arrivé pour rejoindre le lieu du rassemblement. Là quelqu’un dit la manif a démarré : et en effet, du bord de la route, large, on voyait arriver, de loin, le « cortège » : il faut dire que l’espace était vaste, rien à voir avec un goulet : bonne visibilité et pas de barrages de police en vue.

On a regardé passer la kermesse : rien d’héroïque. Toujours pas de SO, des groupes les uns derrière les autres, pas de mot d’ordre clairement audible. Mouvement de la Paix, tout content, en tête, NPA, Cgt, LO, quelques FSU, j’en oublie, des camarades étrangers : le tout derrière la camionnette de service (CGT ?) qui diffusait les incontournables chants « révolutionnaires » ; comme disait Victor Hugo, « il faut avoir le bruit quand on n’a pas le nombre ». Ni, surtout, ici, les slogans : pas un seul mot d’ordre unitaire repris par l’ensemble du cortège, chacun pour soi.

Une fille éthérée qui dansait à côté d’une sono, quelques clowns pas drôles, pauvre et morne spectacle.

La kermesse a bifurqué devant le pont Vauban, pour aller tourner en rond sur cette sorte d’île déserte, là où la police voulait la diriger en la bloquant de ci de là , et l’obligeant plusieurs fois à rebrousser chemin. Il semble (d’après des camarades qui sont allés « jusqu’au bout », si l’on peut dire) que ça ce soit terminé par un échange de divers engins entre les dits black blocks et les CRS en face (et en hauteur) dont on pouvait bien imaginer qu’ils n’étaient pas venus tendre l’autre joue.

A des copains qui en avaient marre et sont allés vers un barrage pour dire qu’ils voulaient quitter la manif, les flics ont répondu « Ah non, et la solidarité alors ! Vous restez avec vos copains »…

Moi, au Pont Vauban, après avoir regardé passer tout le cortège (« 10.000 personnes » ?!) j’ai décidé de rentrer, ne voyant aucun intérêt à suivre les bandes de la kermesse dans le no man’s land : j’ai tenté ma chance au barrage de police le plus proche, au bout du Pont Vauban, avec un journaliste qui avait un pass et qui m’a dit bon on va dire que vous êtes ma stagiaire. Ca n’a pas marché : les forces de l’ordre ont fait de l’humour sur l’âge des stagiaires maintenant… Pas drôles mais pas terrorisants.

J’ai pu partir par une route tranquille (apparemment c’est par là que le gros du cortège est sorti ensuite, la tranquille -et bien nommée- Rue du Havre…), bordant une voie de chemin de fer désaffectée ; pas mal de gens partaient par là , chacun pour soi ou par petits groupes ; quelques strasbourgeois aussi, en vélo, veinards, nous ont dit qu’il y en avait pour 7 ou 8 kilomètres. Un peu plus loin, on interpelle un gardien de hangar, qui regardait la retraite : il indique, sans trop d’intérêt, qu’on peut passer sous des wagons de marchandises qui rouillaient là , « pour couper »...

Un petit groupe de militants du PCF (désabusés eux aussi ?), devant moi, a commencé à franchir les voies en sautant par dessus les plateformes… Pour moi la manif a fini à quatre pattes sous les wagons : non, pas pour sauver ma peau, pour ménager mes os. Un peu grotesque comme fin de manif mais pas dangereux. Si la police avait eu des consignes de répression dure, on se faisait cueillir de l’autre côté et tabasser sans problème à l’abri de tout regard.

Mais c’était évident qu’il n’y avait rien à craindre de côté-là . Ce qui a été décrit par certaines personnes qui étaient là (ou d’autres qui n’y étaient pas, ou ne sont pas arrivés jusque là ) est faux ; et il faut se poser la question des raisons de ces récits pour le moins exagérés, en tous cas trompeurs.

Les manifestants n’ont pas « fini étouffés par des nuages de gaz lacrymogènes, et n’ont pas été traités comme des bêtes ». Si les forces de police avaient eu ce genre de consignes, elles auraient pu le faire, sans problèmes - pour elles.

« La manifestation pacifiste n’a pas été écrasée et désintégrée par la police en armes ». Non : c’est l’inorganisation qui a eu raison de la manif. La police a quasiment organisé la dissolution à la place des (in)organisateurs.

« Déroulement apocalyptique de la manifestation anti-OTAN » : non, déroulement ridicule, mais malgré tout avec assez peu de répression : sauf peut-être (voir photos sur le site de Contropiano) contre les camarades étrangers de certaines organisations (vraiment) anti-OTAN qui, eux, avançaient à visage découvert, avec leurs drapeaux et leurs banderoles ; et d’autres, rien à voir, qui allaient provoquer la police, sous le nez des (in)organisateurs qui, d’accord ou pas, laissaient faire.

Ceci dit, peu de bâtiments incendiés par rapport à ce qu’on nous a décrit : l’Ibis, à quelques dizaines de mètres du rassemblement, un poste de douane désaffecté (et dont la démolition était programmée par la municipalité, les « black blocks » ( ?) ont fait le travail : j’ai su le lendemain par un journaliste de l’Afp que le bâtiment était bourré d’amiante.

Par contre, sur le parcours pour arriver au lieu de rassemblement le matin, divers « symboles du capitalisme » vandalisés : une station-service, un poste de lavage de voitures « Eléphant bleu », une des petites cabanes d’un (beau) jardin ouvrier, et l’après-midi (pendant la sieste) un lampadaire (vers l’Ibis) parce qu’il avait une caméra juchée au sommet : tous les gens allongés sur les pelouses, désoeuvrés, suivaient l’assaut de loin ; je n’ai vu ni entendu personne intervenir... De temps en temps quelques pneus incendiés. Pour ce qu’on a vu le long du parcours. Il y a plus d’abris bus vandalisés dans mon quartier qu’au Neuhof après la manif.

Des amis à Strasbourg m’ont dit après que des parents d’élève avaient empêché que des éléments, disons, « non identifiés » ne saccagent une école, dans le Neuhof. Et le matin, au camp anti-impérialiste d’Ilkirch, la route était bloquée par des sortes de barricades : on avait mis le feu à des gravats, des tas de bouteilles cassées etc. Navrant, et plutôt bizarre.

Les symboles.

Pendant que je regardais passer la manif près du Pont Vauban, un jeune manifestant ( ?) -baggy, avec un bon kilo de breloques fétiches anti-capitalistes qui pendouillaient, godasses pas lacées : pas trop la tenue de guérilla de rue- s’acharne à tirer plusieurs pierres sur un panneau de publicité (mobilier urbain) : il finit par arriver à casser la vitre. Quand il passe à côté de moi je l’attrape par le bras pour lui dire « et ça nous avance à quoi ces conneries ? - je (ne) supporte pas la publicité »… Branche armée capricieuse. Etc. La manif continuait gaiement sa kermesse à côté, sans intervenir.

Ce n’est pas la violence de la répression, ni la violence des « casseurs » qui ont sabordé le contre sommet et la manifestation : c’est surtout l’irresponsabilité et l’immaturité politiques de certains de ses « organisateurs ». On peut être soulagé par contre de ce que les forces « de l’ordre » n’aient pas profité de cette situation : sauf pour nous ridiculiser.

En rajouter sur la répression policière est non seulement faux mais dangereux : faire des hypothèses sur l’identité et les objectifs des « casseurs » est inutile à partir du moment où on n’a pas été capable de les canaliser ou de les éjecter de la manif. C’est aux organisateurs qu’il revient de faire un service d’ordre ; venir pleurer ensuite que la police n’a pas arrêté les éléments incontrôlés et en a profité pour agresser la manif « pacifique » est la preuve d’une immaturité politique (et humaine) qui doit nous alerter sur la capacité de ces gens à prendre la tête d’une mobilisation et/ou d’un mouvement (et de listes électorales…).

O. Besancenot a déclaré « avoir été pris dans « une vraie souricière » samedi à Strasbourg. Il accuse même les autorités d’avoir « tout fait » pour que la manifestation anti-Otan « parte en schweppes ». « On a été emmenés dans une vraie souricière, c’est-à -dire que des milliers de manifestants ont été emmenés dans une rue avec les deux issues complètement bloquées et on s’est fait canarder à longueur de temps de gaz lacrymogènes, sans interlocuteurs à ce moment-là , avec des tirs tendus, des tirs de flash ball et on a frôlé le drame », a-t-il déclaré ce lundi matin sur France-Inter »[1]. ?!!?

Dans l’après-midi, le copain de ma nièce et un ami black (pas block), tous les deux de Strasbourg, sont allés faire un tour à la manif (en vélo ; le vélo ou de bonnes chaussures étaient les éléments indispensables pour aller à cette manif - et en revenir) ; ils ont fait des photos et filmé les différents coins, dont l’Ibis en fumée, puis sont rentrés chez eux, où je suis passée vers 5 heures voir le reportage de l’événement... Qui est-ce qui s’est fait coincer ?

Au Pont Vauban (à un quart d’heure à pied du lieu de rassemblement annoncé), ouvert à midi par les « forces de l’ordre » (à ne pas confondre avec les « gardiens de la paix, autre corps de notre sécurité), et vers 16 heures, j’ai vu des gens qui arrivaient (et partaient, le soir) en taxi. Ceux qui avaient « les moyens ».

Communiqué du Mouvement de la paix, extrait : « Le préfet et la ministre de l’Intérieur qui ont volontairement maintenu les manifestants dans un étau qui a mis la vie (!!) de milliers de manifestants en danger portent une grande responsabilité. En refusant à des femmes enceintes apeurées de quitter la manifestation, ils se sont rendus, coupables de non assistance à personne en danger ». (Voir en Zone libre, l’intégrale du communiqué du Mouvement de la Paix). Mais qu’est-ce qu’elles faisaient là les « femmes enceintes apeurées » ?! On leur avait dit que c’était une manifestation contre l’OTAN ? On leur avait expliqué ce qu’est l’OTAN ? On rêve...Pince-moi.

L’utilité de cette manifestation et contre- sommet est aussi là  : voir jusqu’à quel point de ridicule (et de tromperie) certains sont prêts à aller pour masquer leurs impasses et leur faiblesse politiques et constater, en flagrant délit, les irresponsabilités de certaines organisations et partis. Irresponsabilité politique au double sens du terme : de gérer une situation qu’on a provoquée, et de proposer une analyse et des perspectives mobilisatrices d’un mouvement qui doit s’opposer à une militarisation très lourde issue de la crise de son système, capitaliste.

Certains commentateurs (parfois absents de ces événements) ont pu faire une analyse politique à mon avis erronée car fondée sur des éléments de témoignages peu fiables : le risque de ces analyses, même si elles contiennent -par ailleurs- des éléments justes, est de nous détourner des constats nécessaires sur la nature et l’état du mouvement anti-impérialiste et anti-OTAN. Face à la mobilisation politique, policière (à Strasbourg) et militaire des forces de l’OTAN, reconnaître nos faiblesses et nos (propres) impasses n’est pas la moindre des choses.

Voir aussi l’analyse et les conclusions de Disarmiamoli ! : La leçon de Strasbourg doit servir à affiner la réflexion sur les méthodes d’action de la nouvelle phase politique que nous avons en face de nous. Le temps n’est plus aux contre sommets, mais à l’enracinement des idées force antimilitaristes et anti-impérialistes à l’intérieur du flux impétueux des luttes que la crise capitaliste va déterminer sur tout le continent européen et bien au-delà .

On remarquera au passage que « désarmons-les ! » est un tout autre mot d’ordre (et programme politique) que « la paix, la culture de paix… » etc.

m-a Patrizio

Voir aussi sur le site Le Grand Soir :

Le cycle vicieux de violence de l’Otan, par D. Johnstone
http://www.legrandsoir.info/article8364.html

Guerre à la guerre ! par M. Knezek
http://www.legrandsoir.info/article8367.html

Strasbourg, une ville livrée à l’OTAN.
http://www.legrandsoir.info/article8354.html

Forte contestation du sommet de l’OTAN, par Christian Delarue
http://www.legrandsoir.info/article8353.html

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