par Susan Cornwell
WASHINGTON (Reuters) - De nombreuses voix s’élèvent dans le monde en faveur des Palestiniens, mais peu au Congrès des Etats-Unis.
Les élus siégeant au Capitole adoptent de façon routinière des résolutions soutenant Israël dans les périodes de crise au Proche-Orient. Le Sénat a ainsi apporté son soutien jeudi à l’offensive israélienne contre le Hamas dans la bande de Gaza et la chambre des représentants a fait de même le lendemain.
Même les parlementaires américains qui ont de la sympathie pour les Palestiniens hésitent à se présenter comme pro-palestiniens et ils expriment dans le même temps haut et fort leur soutien pour la sécurité d’Israël, se conformant ainsi à plusieurs décennies d’étroites relations entre Washington et l’Etat juif.
"Lorsque des événements surviennent, le Congrès a presque une réaction automatique consistant à soutenir à 1.000% ce que fait Israël", analyse Nick Rahall, démocrate de Virginie-Occidentale, d’origine libanaise, qui a voté contre certaines des résolutions de soutien à Israël adoptées par le passé, et qui a fait de même vendredi.
"Israël est notre allié (...). Il l’a toujours été, ce avec quoi je suis tout à fait d’accord. Mais je ne pense pas que cela doit nous empêcher de discerner où sont nos meilleurs intérêts et nous conduire à approuver automatiquement tout ce que fait Israël. Nous ne faisons pas cela avec d’autres alliés, quels qu’ils soient", dit-il à Reuters.
Les Etats-Unis sont le plus grand allié d’Israël depuis 1948, quand, sous le président Harry Truman, Washington a été la première capitale à reconnaître le tout nouvel Etat juif.
Harry Reid, qui dirige le groupe démocrate, majoritaire, au Sénat, a exprimé toute la profondeur des relations américano-israéliennes lorsqu’il a déclaré jeudi : "Notre résolution reflète la volonté de l’Etat d’Israël et la volonté du peuple américain."
Dans sa résolution, le Sénat a fait part de son "attachement indéfectible" à Israël et reconnu "son droit à agir en situation d’autodéfense pour protéger ses citoyens face à des actes de terrorisme". Il a appelé à un cessez-le-feu en vertu duquel le Hamas s’abstiendrait de tirer des roquettes contre Israël.
"Il n’est pas question de dire que les gens du Hamas sont des chics types", estime Ric Stoll, professeur en sciences politiques à l’université Rice. "Mais comment voulez-vous convaincre les partisans des Palestiniens de faire pression sur le Hamas pour qu’il accepte une trêve, si vos déclarations laissent penser que vous penchez fortement du côté d’Israël ?", s’interroge-t-il.
DES CHANGEMENTS A ATTENDRE AVEC OBAMA
La chambre des représentants a adopté vendredi une résolution "reconnaissant le droit d’Israël à se défendre contre les attaques venant de Gaza" par 390 voix contre cinq. Les représentants notaient, dans la résolution, que la situation humanitaire à Gaza "devient plus aiguë" mais n’en faisaient pas le reproche à Israël.
La chambre des représentants a déjà adopté des résolutions du même genre, ces dernières années, à une majorité écrasante.
En 2006, les représentants avaient, par 410 voix contre huit, condamné le Hamas et le Hezbollah pour "des attaques armées non provoquées et répréhensibles contre Israël" et soutenu la guerre lancée par Israël contre le Hezbollah au Liban.
Les rares opposants à ces résolutions sont le plus souvent les députés d’origine arabe ou des "électrons libres" comme le démocrate Dennis Kucinich, marqué à gauche, ou le républicain Ron Paul.
Kucinich, candidat aux primaires démocrates au début 2008, a accusé les Etats-Unis de feindre d’ignorer la crise humanitaire en cours dans la bande de Gaza, tout en facilitant les attaques israéliennes à coups de contrats d’armement s’élevant à des milliards de dollars.
James Zogby, président de l’institut arabe américain, explique que le lobby israélien est souvenu perçu comme la force motrice des résolutions pro-israéliennes, mais d’après lui, les choses ne sont pas si simples.
Certains Américains "n’ont pas la moindre idée" de l’histoire des Palestiniens, dit-il. En outre, les membres du Congrès s’alignent souvent sur le président des Etats-Unis, estime Zogby, aussi des changements sont-ils sans doute à attendre avec le président élu Barack Obama, qui s’est peu prononcé sur le conflit proche-oriental jusqu’à présent.
Version française Eric Faye
Reuters