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Université Paris I : la conférence de la honte n’a pas eu lieu

LA CONFERENCE DE LA HONTE N’A PAS EU LIEU

LA CONFERENCE DE DOMINGO CAVALLO A L’UNIVERSITE DE PARIS I SUSCITE UNE VIVE CONTESTATION

8 décembre 2008

Invité par la Chaîre des Amériques de l’Université de Paris I - La Sorbonne, l’ex-Ministre de l’Economie de l’Argentine, Domingo Cavallo, devait prononcer une conférence sur un thème de sa spécialité : les recettes monétaristes qui ont ruiné les économies des pays émergents.

Plus de 50 personnes attendaient dans la salle l’arrivée de Cavallo. La conférence était publique et avait été diffusée par mail et annoncée dans le site internet de la Chaîre des Amériques :

http://chairedesameriques.univ-paris1.fr

Dans la salle des conférences du 6ème étage de la Maison des Sciences Economiques de l’Université de Paris I (102, boulevard de l’Hôpital, Paris, 13ème arrondissement), se trouvaient les étudiants du Master en Economie et Relations Internationales ainsi que des étudiants, enseignants et chercheurs d’autres universités françaises concernés par les thèmes argentins.

Avant l’arrivée du conférencier, une association de droit français, le Collectif Argentin pour la Mémoire, commence à distribuer des articles de presse et des résumés sur le parcours intellectuel et politique de celui que la société argentine avait démissionné de son poste de Ministre avec des célèbres concerts des casseroles, le 19 et 20 décembre 2001. Pendant le temps d’attente, le public s’appliquait à lire attentivement cette documentation. Le conférencier, arrivé en retard, fut présenté par le responsable de la Chaire. Avant de commencer sa conférence Cavallo demande au public s’il doit s’exprimer en Espagnol ou en Anglais. La réponse du fond de la salle fut nette, d’une acoustique que l’ex-Ministre de l’Economie n’arrivera pas à effacer de sa mémoire : un concert des casseroles.

Des casseroles pour exprimer l’indignation et la honte. Un concert des casseroles pour dire « ça suffit » et demander qu’il s’en aille de l’Université publique. Pour clamer la honte de voir un homme recherché par la justice argentine vouloir enseigner en France la doctrine qui a amené l’Argentine à la débâcle.

Domingo Cavallo ne peut supporter l’humiliation. Il se met alors à hurler, à agiter les bras et à crier de toutes ses forces contre ces « gauchistes » ; puis il rectifie, mélangeant les étiquettes, il hurle contre ces « fascistes » qui ne le laissent pas parler et qui exigent que la conférence soit annulée.

Les casseroles laissent la place à un échange musclé entre l’ex-ministre et un nombre important des personnes du public. Les arguments des uns et des autres sont de plus en plus audibles, l’expérience de la faillite argentine ne laisse personne dans l’indifférence. L’ex-Ministre devient rouge de colère. Cela dure exactement 60 minutes. Les responsables de la Chaire demandent alors le secours du personnel de sécurité de l’Université. C’est une femme qui arrive et qui fait irruption dans la salle agitant un grand trousseau de clés. Un concert de clés en soutien au concert des casseroles ? Non, la dame est une gardienne de l’Université. Très fâchée elle exige d’abord que dans l’Université française l’on s’exprime en Français. Des étudiants de l’Université commencent à lui expliquer la situation. D’autres ajoutent que l’Université vient d’inviter un délinquant recherché par la justice argentine. Elle conclut alors, avec tout le poids de son autorité, que les professeurs-organisateurs ont mal conçue la conférence et qu’il faut alors l’annuler. En criant « dehors tout le monde », elle fait évacuer la salle, éteint la lumière et ferme la porte à clé. L’expression pathétique des organisateurs de la conférence, trois économistes, professeurs à la Sorbonne de surcroît, indique qu’ils n’ont toujours pas compris les enjeux de la crise argentine. Il faudra pourtant que ces professeurs comprennent l’ampleur de la catastrophe économique dont Cavallo est responsable. Il faudra aussi qu’ils puissent tirer les conclusions de la gravité de leur geste : avoir invité à l’Université de Paris l’artisan d’un modèle économique désastreux. On ne peut pas impunément ignorer les conséquences des actes intellectuels et des partis pris en faveur de politiques économiques meurtrières.

Domingo Cavallo

C’est sous la dictature militaire (1976-1983) - qui a fait assassiner plus de 30 000 personnes - que la dette publique extérieure a bondi de 8 à 43 milliards de dollars, jetant le pays dans une spirale infernale. Durant cette période, la doctrine de sécurité nationale impose la phase préparatoire au plan d’ajustement. Le général-président Jorge Videla, le ministre de l’Économie Martinez de la Hoz, un cadre du fonds monétaire international au service du régime, M. Dante Simone, ainsi que le président de la Banque centrale, un certain… Domingo Cavallo occupent les rôles principaux.

C’est au même Domingo Cavallo que le gouvernement du péroniste Carlos Menem demande, en 1991, de terrasser l’hyperinflation. Béni par la communauté financière internationale, artisan d’une « révolution économique » dont les réformes figurent parmi les plus radicales du continent, celui-ci applique rigoureusement les lettres d’intention des experts de Washington : démantèlement du secteur public à travers le licenciement de dizaines de milliers de fonctionnaires, privatisations, libéralisation de l’économie et des échanges extérieurs, hausse des taux d’intérêt. M. Cavallo invente le système de convertibilité, une parité fixe entre le dollar et le peso - qui deviendra un carcan pour les exportations.

Lorsque le président de centre Fernando de la Rúa est élu, le 24 octobre 1999, la démocratie n’est plus que la façade élégante du meilleur élève du néolibéralisme, géré par une administration corrompue au-delà de l’imaginable (2). Rappelé aux affaires le 20 mars 2001, l’artisan du « miracle » des années 1990, M. Domingo Cavallo, obtient du Parlement des pouvoirs spéciaux et fait passer, le 30 juillet, la « loi du déficit zéro ». Entre autres mesures, les traitements des fonctionnaires et certaines pensions de retraite sont réduits de 13 % en juillet. Le projet de budget 2002 prévoit une diminution des dépenses de 18,6 % - 9,2 milliards de dollars - par rapport à celui de 2001.

Depuis le début des années 1970, la dette extérieure est passée de 7,6 à 132 milliards de dollars (certaines estimations la chiffrent à 155 milliards de dollars), sans parler des 40 milliards de dollars encaissés par l’Etat en raison des privatisations et évaporés…. Entre-temps, le chômage est passé de 3 % à 20 % ; l’extrême pauvreté de 200 000 personnes à 5 millions ; la simple pauvreté de 1 million de personnes à 14 millions ; l’analphabétisme de 2 % à 12 %, et l’analphabétisme fonctionnel de 5 % à 32 %…

Mais la fortune placée à l’étranger des dirigeants politiques, syndicaux et du patronat atteint 150 milliards de dollars. L’« élève modèle » du néolibéralisme aura constitué un cas d’école en tout : dans le larcin et dans ses désastreux effets sociaux. « Le Monde »affirme que "le principal allié " des nombreux banquiers qui ont sorti leur argent du pays a été Domingo Cavallo, le superministre de l’Économie des années 1990, qui détenait ce portefeuille en décembre 2001 et qui a inventé « le corralito «  : « Cavallo a attendu que les banquiers exportent leurs dollars avant de freiner la fuite des capitaux, quand il ne restait plus que les dépôts bancaires des petits épargnants. »

COLLECTIF ARGENTIN POUR LA MEMOIRE

PARIS, 8 décembre 2008

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