C’est à l’unanimité que la Commission exécutive confédérale (CEC) de la CGT du 16 avril 2008 a décidé de ratifier la « position commune » avec le MEDEF sur la « représentativité » des organisations syndicales. Fait notoire et politiquement significatif, excepté l’accord sur la formation professionnelle, c’est le premier accord que la CGT signe depuis… 1970. La CEC considère ce texte comme un point d’appui « pour que s’instaure en France une véritable démocratie sociale ». Rien que ça ! Mais surtout, elle y voit le moyen de renforcer le « poids institutionnel de la CGT ». Nous sommes au coeur du problème dans la droite ligne des repères revendicatifs confédéraux qui préconisent « une consultation effective et loyale [souligné par nous] des partenaires sociaux tout au long du processus législatif. »
D’entrée de jeu la « position commune » intègre les organisations syndicales dans le cadre indépassable « des évolutions actuelles de la société et de ses composantes économiques et sociales » (article 1). De plus les signataires s’engagent au « respect des valeurs républicaines » et au refus de « tout intégrisme » (article 1). Certes ces notions sont suffisamment vagues pour être consensuelles. De quelle République parle-t-on ? De celle de la concurrence libre ou non faussée ou de celle de la libération sociale. Un jour la notion d’intégrisme ne recouvrira-t-elle pas la lutte de classe quand cette dernière menacera la société d’exploitation ?
Un syndicalisme d’experts
Pour la CGT, il s’agit ni plus ni moins que du passage d’un syndicalisme de mobilisation, de construction d’un rapport de forces à un syndicalisme de délégation, institutionnel et de lobbying, en un mot un syndicalisme d’experts dissocié de la réalité et de la vie des travailleurs. Bref, un syndicalisme d’accompagnement, à la mode de la Confédération européenne des syndicats.
La « position commune » représente une entrave à la constitution et à l’activité indépendante des syndicats. Elle introduit la remise en cause de la section syndicale d’entreprise, le seul acquis qui reste de la grève générale de Mai 68. Un syndicat n’aura droit de cité dans l’entreprise qu’après s’être présenté à des élections et avoir - pour le moment - obtenu 10% des voix. En sachant que le cycle électoral est de quatre ans, pendant ce temps-là il ne sera pas possible de désigner un délégué syndical et après ce dernier devra figurer sur la liste des candidats. La « position commune » introduit le cumul des mandats et pire la confusion entre délégué syndical et délégué du personnel (DP). La « représentativité » à la sauce MEDEF-CFDT-CGT exclut les salariés des petites entreprises (pas de DP), les précaires et bien sûr les chômeurs. Cerise sur le gâteau, désormais la « représentativité » devient temporaire puisqu’elle est remise en jeu à chaque élection. Comme le dit Madame Parisot, tout est précaire : l’amour, le travail, pourquoi pas la représentativité syndicale.
Une dépendance financière
Finalement, la seule raison « valable » pouvant justifier la ratification de la « position commune » par la CEC est celle du financement de ce que l’article 15 nomme les « missions syndicales » comme si un syndicat était un service concourant au bon fonctionnement de l’entreprise. Avec l’article 1.5 les signataires ont décidé de s’en remettre l’autorité de l’Etat pour fixer les critères de la certification de leurs comptes. Et l’article 16 demande respectueusement « aux Pouvoirs publics de faire procéder à un recensement exhaustif de l’ensemble des financements existants. » Voilà les organisations syndicales entrées dans l’ère de la dépendance financière réglementée vis-à -vis de la bourgeoisie. Celle-ci ayant besoin d’experts syndicaux qualifiés, elle ne rechigne plus à les rétribuer.
Enfin, subrepticement, l’article 17 instaure « dès à présent » la possibilité de « dépasser le contingent conventionnel d’heures supplémentaires. » Outre que cela alimente la machine infernale du Président, il préfigure la fin de la durée légale hebdomadaire de travail, tout comme un récent rapport du Conseil d’analyse économique auprès du Premier Ministre envisage la fin du SMIC.
Sarkozy approuve, les militants s’y opposent
Voilà ce que le Président en personne salue bruyamment dans Le Monde du 18 avril 2008 en considérant que « cette méthode est un succès » car ajoute-t-il « pour expliquer et mener à bien les réformes dont notre pays a besoin, nous devons le faire en partenariat étroit avec ceux qui représentent les intérêts des salariés et des entreprises. »
Voilà ce que tout syndicaliste de lutte de classe rejette sans hésitation. Comme la Fédération CGT de la chimie, la « position commune » est rejetée par tout militant CGT attaché à son organisation indispensable pour faire reculer l’offensive conjointe du MEDEF et du Président. La représentativité syndicale ne se marchande pas contre des appointements pour faire tourner un lourd appareil bureaucratique, elle se construit dans l’action syndicale permanente et indépendante du patronat et du pouvoir.
Ne laissons pas la direction confédérale dénaturer totalement notre CGT. Exprimons-nous avec force et conviction dans nos syndicats. Il est possible de battre la direction confédérale comme nous l’avons déjà fait pour le non au traité constitutionnel européen.
Prométhée