par K. Selim
Le régime de Hosni Moubarak a déployé de grands moyens sécuritaires pour faire échec à des appels à la grève générale lancés pour le 6 avril à travers Internet.
Le site « facebook » a servi de relais à un groupe dit du « 6 avril », appelant les Egyptiens à protester par tous les moyens et à faire grève. Un autre appel à une opération « villes mortes », lancé par des collectifs d’ouvriers et des intellectuels, soutenu par le mouvement Kifaya et les Frères musulmans, a abondé dans le même sens. Une jonction entre l’Internet, le SMS et les structures syndicales et politiques traditionnelles pour lancer une contestation pacifique, mais politiquement délicate pour le régime en place. C’est sans précédent. Et cela préfigure les types de combats syndicaux et politiques à venir : l’Internet et le SMS y auront un rôle de plus en plus important. Récemment en Algérie, la grève des lycéens a eu beaucoup recours au SMS, l’Internet étant encore sous-développé.
Ces nouveaux moyens de communication constituent de plus en plus des moyens de contourner les verrouillages. Le 6 avril 2008 n’a pas été l’octobre 1988 de l’Egypte, mais ce n’est pas un échec total de la contestation. Hier, rapportent des témoins, la circulation au Caire était exceptionnellement fluide, ce qui indique que beaucoup de gens ont répondu à l’appel en restant chez eux. La mobilisation policière a cependant empêché les grèves dans les grands centres ouvriers, notamment Al-Mahalla. Le fait est que la journée d’hier n’a pas été ordinaire en Egypte. Une forme de protestation politique et sociale vient d’être inaugurée, alors que l’Egypte d’en bas ploie sous l’effet des difficultés sociales.
Au cours des dernières semaines, de nombreuses personnes sont mortes dans des bousculades pour accéder au pain subventionné, à 5 piastres, devenu rare. Même les classes moyennes, qui avaient l’habitude d’acheter le pain plus cher sur le marché, ne sont pas parvenues à suivre la flambée et se sont rabattues sur le « pain du pauvre ». Comme une partie de la semoule subventionnée est détournée à des fins spéculatives, l’Egypte a connu ces dernières semaines ses « martyrs du pain ». Un religieux, Cheikh Youcef Al-Badri, a édicté une fatwa en ce sens.
L’exaspération dans les milieux populaires, annonciatrice d’un remake des « émeutes des affamés » de 1977, a poussé Hosni Moubarak à ordonner à l’armée de fabriquer du pain et de le mettre à la disposition de la population. Mais le pain n’est qu’un symbole.
Derrière l’Egypte des grands groupes industriels et des affaires, derrière l’Egypte qui attire les investissements étrangers, il y a une autre Egypte qui souffre et qui multiplie les signaux que la coupe est pleine. Alors que les salaires restent inchangés, les dépenses des ménages ont augmenté de 50% depuis le début de l’année, selon le Programme alimentaire mondial. Le régime joue le libéralisme économique sans libérer la scène politique. Il est même tenté par une transmission « familiale » du pouvoir, alors que les signes de la colère sociale se multiplient.
Le Quotidien d’Oran :
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5101754