Le ministre serbe de la Défense, M. Dragon Sutanovac, après avoir été reçu par le président Abdelaziz Bouteflika a salué la position de l’Algérie sur le Kosovo en la qualifiant de « position de principe ». L’Algérie ne voit pas d’un bon oeil ce coup de force contre le droit international mené par les Etats-Unis et certains Etats européens, mais cela relevait de l’implicite. Le gouvernement algérien n’a en effet pas pris de position publique après la proclamation de l’indépendance du Kosovo. Sa position a été passive : comme de nombreux pays africains, qui ont dans l’esprit le principe de l’intangibilité des frontières, l’Algérie n’a pas reconnu l’indépendance du Kosovo décidée unilatéralement par les Albanais avec l’appui d’une partie des pays occidentaux. C’est donc le ministre serbe de la Défense venu remettre une lettre de « remerciements personnels » du président serbe Boris Tadic pour la position adoptée par l’Algérie sur la question du Kosovo qui « l’officialise ». « Nous considérons que la sauvegarde du droit international est l’unique voie pour préserver la stabilité, et c’est là une position de principe adoptée par l’Algérie », a-t-il déclaré.
Hormis cette question de forme où la position est annoncée par un ministre serbe de passage, le fond ne constitue guère une surprise. Il est logique sauf peut-être pour les journaux marocains instruits par leur ministre des Affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri, qui ont feint de trouver « paradoxal » que l’Algérie ne reconnaisse pas l’indépendance en « prétextant que la procédure n’est pas conforme à la légalité internationale ». Or, l’indépendance proclamée du Kosovo avec le soutien des Américains et une partie des Etats européens enfreint sans le moindre doute le droit international.
L’ancien secrétaire général de l’Onu, Boutros Boutros Ghali, l’a qualifiée de « dangereux précédent historique » et il n’a pas tort. Le Kosovo n’étant pas une entité indépendante de la Serbie, comme ce fut le cas des autres républiques de l’ancienne Yougoslavie, la proclamation unilatérale de l’indépendance remet en cause l’unité territoriale de l’Etat serbe. Si de nombreux états africains n’ont pas cédé à la fibre de la solidarité musulmane, c’est qu’ils mesurent les conséquences désastreuses d’un précédent créé de force - et non de jure - par les Occidentaux. Il n’est pas inutile de rappeler que le Kosovo a été mis sous tutelle de l’Onu en vertu de la résolution 1244 de l’ONU qui stipule de manière expresse la souveraineté de la Serbie sur le territoire. L’indépendance unilatérale du Kosovo heurte de front cette résolution et les Occidentaux, une fois de plus, sapent le droit international. Quand les Etats les plus puissants de la planète montrent que le droit international ne vaut pas un clou, ils introduisent une insécurité insupportable pour les autres Etats.
L’affaire du Kosovo heurte aussi frontalement le principe de l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme. Les pays africains ont consacré ce principe après les indépendances pour prévenir les conflits potentiels et ce principe a été réaffirmé avec constance. Ils ne peuvent accepter ou soutenir un précédent dangereux. Contrairement à ce que suggère la presse marocaine, il n’y a aucun paradoxe à soutenir le droit à l’autodétermination des Sahraouis et à refuser la proclamation unilatérale du Kosovo. Alger veut l’application des résolutions de l’Onu et non qu’on y passe outre, comme c’est le cas au Kosovo. La défense du droit international le commande, tout comme d’ailleurs le principe de l’intangibilité des frontières. La « position de principe » adoptée par l’Algérie est juste. Elle aurait gagné à être exprimée plutôt par M. Mourad Medelci ou par un représentant qualifié du gouvernement algérien.
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