PRATIQUES, les cahiers de la médecine utopique, n° 40 (janvier 2008).
Les brancardiers de la République
Soignants et travailleurs sociaux sont-ils devenus les brancardiers de la République ?
Cette question traverse le numéro. La dégradation des conditions de vie et de travail retentit de plus en plus sur la santé des gens. Des professionnels du médical et du social décident de sortir du silence. Ils refusent d’obéir aux injonctions de l’Etat qui, du rationnement des aides et des soins à l’incitation à la délation, cherche à leur faire appliquer des politiques discriminantes.
Les auteurs de ce dossier, travailleurs sociaux, soignants, psychanalystes, philosophes, sociologues… proposent une analyse politique du double discours institutionnel. A partir de témoignages, professionnels et usagers montrent qu’ensemble, ils peuvent alerter, dénoncer et tenter d’influer sur le cours des choses.
Le magazine fait cette fois-ci la part belle aux notes de lecture. Pierre Volovitch éclaire méthodiquement les mesures capables de favoriser une installation judicieuse des soignants sur le territoire. Le coup de gueule de Bernard Senet dénonce les persécutions des caisses d’Assurance maladie envers les médecins généralistes. L’autorisation donnée par le Canada de fabriquer et d’exporter au Ruanda des médicaments anti-viraux dans leur forme générique est moins généreuse qu’il n’y paraît, nous explique Jacques Richaud. Dans une interview exclusive, Michèle Rivasi appelle à une deuxième étape, sociale, du Grenelle de l’environnement.
Les brancardiers de la République - soignants et travailleurs sociaux, même combat !
« Les soignants sont-ils devenus des travailleurs sociaux ? » Cette réflexion nous est venue devant le retentissement croissant des difficultés sociales de nos patients sur leur santé. Nous avons rencontré nos collègues travailleurs sociaux. Eux aussi se sentent submergés par l’inscription des dysfonctionnements de la société dans le corps des personnes dont ils s’occupent.
Quels types de liens sont tissés entre ces deux métiers ? Ignorance ? Rivalité ? Complémentarité ? Même si ces métiers sont différents, les soignants et les travailleurs sociaux sont de plus en plus souvent amenés à travailler autour des mêmes problématiques. Dans ce numéro, ils réfléchissent ensemble à ce compagnonnage et à ce que la société attend d’eux.
Nous faisons l’hypothèse que soignants et travailleurs sociaux sont soumis aux mêmes injonctions contradictoires et aux mêmes dangers de dérive. Il s’agit aujourd’hui de faire face, ensemble, au risque accru d’instrumentalisation par les dérives sécuritaires ou gestionnaires qui menacent ces deux fonctions.
Quand le gouvernement organise la délation, faisant fi du secret professionnel, voire passe les menottes aux travailleurs sociaux dans l’exercice de leur fonction, il est urgent de prendre clairement position.
Les soignants et travailleurs sociaux qui s’expriment ici défendent une certaine conception de leur travail. Pour eux, l’analyse politique des situations sociales est un préalable à leur travail au quotidien. Ils peuvent alors donner aux usagers des outils pour changer leur vie. De nombreuses initiatives fructueuses montrent ici et là qu’il est possible de résister à condition de rompre avec l’isolement ambiant. Pour résister durablement, il faut conjuguer nos efforts et nous opposer à la soi disant méritocratie qui individualise les parcours et rend chacun coupable des difficultés auxquelles il est confronté.
Une question traverse ce numéro : à quelles conditions est-il possible de mettre en place des pratiques collectives afin d’organiser la réappropriation, par les usagers, de leurs conditions de vie ?
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