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Le marché : « trou noir » de l’énergie ! Un nécessaire débat, par Charles Barbey.








MPS, 7 juillet 2007.


(...) Les investissements et les recherches actuelles concernent principalement le domaine des agrocarburants où l’on trouve, et c’est une nouveauté, des liaisons capitalistiques étroites entre l’agro-business, la propriété foncière, la génétique pour les OGM, les majors de l’industrie pétrolière et le secteur financier. En plus de ce type d’activité industrielle concernant les agrocarburants, celle-ci lie des entreprises qui traditionnellement n’ont jamais travaillé ensemble. (...)

L’aspect que l’on aimerait faire de même ressortir ici est que les notions de « renouvelable » et de « propre » permettent, à notre avis, d’éviter un débat sur la manière dont sont produites ces ressources énergétiques, ainsi que sur la manière dont elles sont utilisées. Il s’agit d’autant de domaines où chacun devrait pouvoir dire son mot compte tenu des implications sociales et humaines qui sont en jeu. C’est tout le contraire qui se passe. En effet, si les énergies sont annoncées comme étant « renouvelables », alors le débat sur la quantité et sur la manière dont on les consomme disparaît. La perception du débat sur la question énergétique ne devient qu’un problème scientifique et technique déconnecté de la réalité sociale. Seuls les soi-disant « spécialistes » ont droit à la parole. De plus, comme ces énergies sont définies comme étant « propres », avec éventuellement le préfixe « bio » pour couronner le tout, alors on n’a pas à se préoccuper de savoir si elles sont produites « proprement » dans des conditions de travail et de salaire correctes.

En France, la proposition d’incorporer 7% de biocarburants en 2010 nécessite de cultiver 2,42 millions d’hectares à vocation biocarburant, soit 13% des surfaces cultivables [10]. Doit-on se réjouir de pouvoir traverser la France dans tous les sens en ne pouvant contempler que des champs de maïs et de betterave ? Mais ce n’est pas tout, le gain de 30% sur les émissions de gaz à effet de serre ne concerne que les 7%, soit 30% de 7%, ce qui nous donne 2,3% de diminution de gaz à effet de serre pour les seules voitures et camions. Mais continuons le raisonnement, car ce n’est pas tout : en gros, les transports routiers représentent entre le tiers et le quart des émissions totales, l’économie de CO2 représente alors le tiers ou le quart des 2,3%ci-dessus, soit entre 0,51% et 0,73% du total des émissions ! (...) Pour compléter ce tableau idyllique, ajoutons à titre d’exemple qu’à Dakar, 84% des véhicules sont des voitures de seconde main ayant une moyenne d’âge de 15 ans et qui sont par conséquent très polluantes. C’est peut-être une manière d’exporter notre "responsabilité" de pollueur de gaz à effet de serre vers les pays en voie de sous-développement.(...)

En Indonésie et en Malaisie, la production d’huile de palme, 80% de production mondiale, a nécessité le déboisement de grandes surfaces de forêts équatoriales, à tel point qu’en brûlant tourbes et forêts, ces pays sont devenus producteurs nets de gaz à effet de serre [14]. L’Indonésie et la Malaisie sont devenus les troisièmes plus importants producteurs de gaz à effet de serre après les Etats-Unis et la Chine ! De plus, selon un rapport de l’organisation « Christian Aid’s », des millions de paysans sont affectés en Indonésie par ce genre de culture intensive et sont chassés de leurs terres pour être ensuite condamnés à travailler sur ces grandes propriétés. Au cours de 350 conflits en Indonésie et Malaisie des douzaines de paysans ont été assassinés et 500 ont été torturés [15]. Ces dévastations se font, le plus souvent, dans les pays du Sud, anciennes colonies reconquises par la combinaison du capital financier intriqué à l’industrie, la chimie, l’agro-business et la propriété foncière. (...)

Une autre conséquence de la production du dit bioéthanol est que les cours des denrées alimentaires de base comme le blé, le riz ou le maïs prennent l’ascenseur. Le maïs, par exemple, était à 170 dollars la tonne en mars 2007. Les prix sont tirés vers le haut par la demande en éthanol et les agriculteurs des Etats-Unis et du Canada préfèrent tirer un meilleur prix du maïs en le vendant aux industriels de l’éthanol. Le blé et le riz suivent alors également cette montée des prix du maïs, puisqu’ils ont tendance à se substituer à celui-ci. Pour 2,7 milliards de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour, la situation devient catastrophique.

Dans le même temps, les Majors de la distribution vendront des pleins d’essence de 90 litres d’éthanol tirés des 200 kg de maïs nécessaires à sa fabrication... 200 kg de maïs représentent assez de calories pour nourrir un homme durant une année. C’est probablement ce que les libéraux appellent la « meilleure allocation possible des ressources par le marché ». Cette demande d’éthanol favorise à son tour l’extension des cultures d’OGM dans le monde. (...)

- Lire l’ article www.labreche.ch




Mettez du sang dans votre moteur ! La tragédie des nécro-carburants, par Dominique Guillet.

Non à la folie des agrocarburants ! par Grain.





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(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

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