A l’encontre, 12 mars 2007
Le débat en Israël sur la conduite de la guerre contre le Liban en 2006 fait ressortir les modalités de la planification de cette guerre au moins quatre mois à l’avance.
Le modéré quotidien libanais L’Orient le Jour du 9 mars 2007 écrit : « Le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, a affirmé devant une commission d’enquête que le plan appliqué durant la guerre au Liban de l’été dernier avait été approuvé quatre mois auparavant et non pas improvisé, a indiqué hier le quotidien [israélien] Haaretz. M. Olmert a fait cette révélation lors de sa comparution le 1er février devant la commission d’enquête officielle, qui doit rendre son rapport final sur les ratés de la guerre au Liban entre le 12 juillet et le 14 août dans les prochaines semaines. M. Olmert « a dit à la commission que sa décision de riposter à l’enlèvement de soldats avec une vaste opération militaire a été prise dès mars 2006, quatre mois avant que n’éclate la guerre au Liban », a affirmé le journal. Selon Haaretz, M. Olmert a donné en mars 2006 son feu vert à un plan d’attaque au Liban au cas où le Hezbollah enlèverait des soldats israéliens à la frontière, comme il avait tenté de le faire auparavant. Ce plan, qui a été ensuite appliqué, prévoyait des raids aériens ainsi qu’une opération terrestre limitée. Selon Haaretz, le Premier ministre a ainsi voulu répondre à ceux qui l’accusent d’avoir décidé d’engager la guerre à la va-vite, quelques heures après l’enlèvement de deux soldats israéliens par le Hezbollah le 12 juillet 2006. M. Olmert tente ainsi d’attribuer la responsabilité de l’échec de la tentative de briser l’appareil militaire du Hezbollah au plan de l’armée et son exécution afin de dédouaner le gouvernement, ajoute Haaretz ».
Ces lignes éclairent le débat qui se déroule en Israël et jette sur la « guerre au Liban » de 2006 un éclairage qui montre, une fois de plus, la vaste manipulation de « l’opinion » opérée par les médias internationaux. Et parions que sur ces questions nous n’aurons droit qu’à un entrefilet, tant la campagne islamophobe et pro-sioniste est forte. (Réd).
Des officiers supérieurs de l’état-major de Tsahal [abréviation de Tsava HaHagana LeYisrael - Les forces de défense d’Israel] ont émis hier des critiques à l’égard des assertions du Premier Ministre Ehud Olmert concernant ses plans pour la guerre au Liban de l’année passée, et ils demandaient : « Si le Premier Ministre a planifié la guerre, pourquoi les Forces Armées Israéliennes n’étaient-elles pas prêtes ? ».
Olmert a souvent répété que dans l’accord de coalition [en avril-mai 2006] qu’il avait conclu avec les Travaillistes [coalition entre le parti Kadima de Sharon-Olmert, le Parti travailliste et le Shass], ces derniers devaient recevoir le portefeuille de la défense. Toutefois, les Travaillistes décideraient seuls qui ils désigneraient. Il revenait donc Parti Travailliste d’avoir la responsabilité pour la désignation problématique de Amir Peretz [ancien dirigeant la très officielle centrale syndicale : Histadrout] en tant que ministre de la défense.
Mais pour les ministres Travaillistes, c’est Olmert qui était seul responsable de cette nomination puisque l’accord de coalition entre les Travaillistes et Kadima a été conclu exclusivement entre Olmert et Peretz, et lorsqu’il a été soumis au comité central du Parti Travailliste, il comportait déjà le nom de Peretz comme ministre de la défense, alors que les autres portefeuilles étaient en blanc, laissant aux Travaillistes le soin de nommer qui ils voulaient.
Un ministre a ajouté que si Olmert rejetait la responsabilité pour cette nomination, cela revenait à admettre qu’il avait failli à ses obligations, car le Premier ministre porte la principale responsabilité pour la sécurité nationale, dont la désignation d’un ministre de la défense compétent fait partie. Et il a ajouté que si Olmert avait réellement - comme il l’a prétendu devant le comité du Parti travailliste - prévu la possibilité d’une guerre avec le Liban des mois à l’avance, il avait d’autant plus le devoir de s’assurer qu’il y avait un ministre de la défense compétent.
Des ministres d’autres partis ont demandé à savoir pourquoi, si Olmert avait envisagé la possibilité d’une guerre, il ne les en avait jamais informés jusqu’au début de la guerre.
Pendant ce temps le Canal 2 de la télévision israélienne a annoncé que le rapport intermédiaire du comité Winograd sur la guerre de l’été passé au Liban serait publié le 27 mars [1], mais ne serait pas accompagné de lettres d’avertissement individuelles prévenant des individus spécifiques qu’ils pourraient être lésés par les résultats de l’enquête.
Des juristes qui ont eu des contacts avec le comité ont confirmé aux journalistes de Haaretz qu’à leur connaissance le comité avait décidé de ne pas envoyer des lettres d’avertissement à des individus spécifiques qui pourraient être lésés par les conclusions de l’enquête. Mais Canal 2 a déclaré que le rapport final, prévu pour publication fin juillet, comporterait des conclusions qui seraient rudes pour le Premier Ministre Ehud Olmert, le Ministre de la Défense Amir Peretz, l’ex-chef des Forces de Défense israéliennes, Dan Halutz, et l’ex-commandant de la région nord d’Israël, Udi Adam.
Selon les juristes, un des membres du comité, la Professeure Ruth Gavison, avait argumenté en faveur de l’envoi de lettres d’avertissement, mais finalement la majorité du comité avait soutenu la position du président, le juge à la retraite Eliyahu Winograd, qui était opposé à l’envoi de ces lettres. La position de Winograd semble s’expliquer par un désir d’empêcher que les réunions restantes du comité, après la publication du rapport intermédiaire, ne se transforment en un « cirque juridique » dans lequel les avocats pourraient batailler pour protéger la réputation de leurs clients. Une lettre d’avertissement donne en effet au destinataire le droit d’être représenté par un avocat.
L’absence de lettres d’avertissement n’exclut cependant pas complètement la possibilité que le rapport final comprenne des révélations susceptibles de léser des individus spécifiques. D’après les experts en droit constitutionnel, le droit de la personne à se défendre face à une commission d’enquête a été ancré dans la jursiprudence de la Cour Suprême au cours la dernière décennie. Néanmoins, il reste une étroite « zone grise » selon laquelle des conclusions d’un tel comité peuvent être édictées même sans lettres d’avertissement. Cependant, cette « zone grise » couvre surtout des révélations n’ayant pas d’implications criminelles ou dramatiques sur le plan public.
Si le rapport intermédiaire ne contient pas d’informations contre des individus spécifiques, les principaux bénéficiaires en seront Peretz et Olmert, puisque cela facilitera au premier sa candidature aux prochaines élections primaires du Parti travailliste et au second la poursuite des manoeuvres pour repousser les efforts faits pour l’évincer.
Néanmoins, selon le Canal 2, le rapport contiendra conclusions institutionnelles, concernant la conduite de l’armée et des gouvernements qui se sont succédés entre le retrait Israélien du Liban en mai 200o et la décision d’entrer en guerre en juillet 2006. Des témoins qui ont comparu devant le jury ont confirmé à Haaretz que cette question intéressait beaucoup les membres du comité.
Le comité Winograd n’a pas souhaité commenter le reportage de Canal 2.
Outre le rapport intermédiaire, le comité prépare la publication de certains comptes rendus de ses auditions, comme l’exige la Cour Suprême. Il s’agit-là d’une procédure complexe, puisqu’il faut à la fois examiner les comptes rendus pour en supprimer les points devant rester secrets (ce que les Forces Armées Israéliennes sont déjà en train de faire) et s’assurer qu’aucun ordinateur extérieur ne peut accéder à ce matériel. Pour ce point, le comité a récemment consulté deux compagnies privées spécialisées dans la sécurité informatique.
Canal 2 a encore révélé des détails supplémentaires concernant les témoignages fournis au Comité Winograd, y compris les questions posées au Vice-Premier Ministre, Shimon Peres [2] sur la raison pour laquelle il a voté en faveur de la guerre et s’il avait des réserves à ce sujet. Au cours du débat au cabinet précédant ce vote, Peres avait demandé si des plans avaient été élaborés pour les phases deux et trois de la guerre, après la première réaction d’Israël à la capture par le Hetzbollah de deux soldats.
Peres a répondu qu’en temps de guerre, l’unité interne était très importante, et qu’un vote contre la guerre aurait été interprété comme un vote non-confiance au Premier ministre Olmert.
Amos Harel, Nir Hasson et Aluf Benn
– Cet article a été publié dans le quotidien israélien Haaretz
– Traduction : A l’encontre
– Source : A l’encontre www.alencontre.org
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