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Le Monde Diplomatique, mars 2025

Qui sont les électeurs du RN, demande Benoît Bréville ? « Un parti capable de gagner huit millions de voix en vingt ans ? Voilà qui interroge. Quelle est sa recette ? Et en quoi consistent ses ingrédients idéologiques ou sociologiques ? Sur ces sujets comme sur d’autres, plusieurs publications récentes apportent de précieuses réponses. »

La question a suscité tant de livres, de colloques et de thèses qu’on pourrait l’imaginer résolue. Qui vote pour l’extrême droite, et pourquoi ? Depuis ses premiers succès il y a quarante ans, le Front national (FN), devenu Rassemblement national (RN) en 2018, est « sans conteste le parti politique français qui a été le plus étudié au cours des dernières décennies », observe le politiste Alexandre Dezé, avec pas moins de 210 livres publiés entre les années 1980 et 2017. Et le flot ne s’est pas tari. Comment interpréter les logiques territoriales de son implantation ? Son ascension témoigne-t-elle d’une droitisation du pays ? Ses électeurs sont-ils principalement animés par des considérations sociales ou des préoccupations culturelles ? »

Alain Gresh évoque le « vieux rêve israélien de vider Gaza : La proposition du président américain Donald Trump de déporter plus de deux millions de Palestiniens de Gaza vers l’Égypte et la Jordanie a suscité des réactions très diverses, mais un soutien important en Israël. Elle correspond à d’anciennes velléités de l’establishment israélien, pour qui ce territoire représente depuis 1949 un obstacle au projet ­sioniste. »

Mathias Delori est allé observé les boucliers humains de la guerre Israélo-Palestinienne : « Pour justifier le nombre élevé de victimes palestiniennes, Israël affirme que la responsabilité en incombe aux membres du Hamas, qui opéreraient au mépris de la vie de leurs compatriotes. Certes, le droit international estime que se protéger derrière des non-combattants est un crime de guerre. Mais une question demeure : combien de civils peut-on tuer pour éliminer un seul ennemi ? »

Théo Boulakia et Nicole Mariot mené l’enquête sur le confinement. L’obéissance au silence : « L’enfermement du printemps 2020 constitue l’une des expériences humaines les plus marquantes et les moins débattues de ces dernières années. Face au virus, nombre d’États ont refusé d’instaurer la réclusion stricte imposée aux Italiens ou aux Espagnols, sans pour autant que la mortalité augmente. En France, l’état d’exception sanitaire et son respect interrogent : pourquoi et comment a-t-on obéi ? »

Pour Frédéric Lebaron et Pierre Rimbert, l’Europe martiale est une bombe antisociale : « Hier placée au cœur des grands projets européens, l’urgence climatique a subitement disparu des discours. Les dirigeants ont choisi de nourrir une autre ambition : investir massivement dans la défense pour faire face à la Russie et satisfaire les exigences de M. Donald Trump. Mais, alors que l’économie tourne au ralenti, qui paiera le prix de ce keynésianisme militaire ? »

Charles Perragin et Guillaume Renouard se sont rendus sur « les traces de la flotte fantôme russe : « Début 2025, les États-Unis et l’Europe ont pris de nouvelles sanctions contre les exportations de pétrole russe qui ciblent notamment des tankers. Depuis la mise en place du blocus économique occidental contre Moscou en 2022, une toile d’entrepreneurs de l’ombre aide la Russie à écouler ses hydrocarbures. Elle dessine en creux les contours d’une autre mondialisation, miroir opaque de la première. »

Pour Hélène Richard, la paix en Ukraine se fait « à marche forcée : « Obnubilés par la Russie, les dirigeants du Vieux Continent n’ont pas vu venir le coup… En lançant les négociations de paix sans eux, assorties de concessions majeures, le président Donald Trump offre au Kremlin une sortie du bourbier ukrainien, mais aussi une victoire stratégique. Et l’ère géopolitique ouverte au lendemain de la seconde guerre mondiale semble se refermer. »

Tristan Coloma a observé « la ruée mondiale vers l’or : « Á la mi-février, les acteurs du marché mondial de l’or s’interrogent. Le cours de l’once (31,104 grammes), qui oscille alors autour de 2 800 dollars (2 685 euros), va-t-il brutalement décrocher ou bien, au contraire, passera-t-il enfin le seuil symbolique des 3 000 dollars ? Pour qui veut spéculer ou protéger son épargne, formuler une réponse nécessite comme toujours de convoquer les mêmes facteurs d’évaluation. La situation géopolitique se dégrade-t-elle depuis le retour de M. Donald Trump à la présidence des États-Unis (facteur haussier) ? La valeur du dollar augmente-t-elle (facteur baissier) ? M. Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale (Fed), prépare-t-il une hausse des taux d’intérêt (facteur baissier) ? Il faut rappeler que le métal jaune ne valait que 1 947 dollars l’once il y a un an, avant de connaître une hausse de 44 %. En réalité, au-delà des augures du marché, c’est l’enjeu mondial que représente la « relique barbare », dénoncée en son temps par l’économiste John Maynard Keynes, qu’il faut désormais considérer.

Pour Eric Kennes et Nina WilEn, le Rouanda a deux visages : « Malgré les protestations de Kinshasa et de Bujumbura, l’Union africaine, réunie en sommet le 16 janvier dernier, n’a pas condamné les ingérences meurtrières du Rwanda en République démocratique du Congo (RDC). Comme le Conseil de sécurité des Nations unies, elle s’est contentée d’appeler au dialogue sans nommer Kigali. Comment le président Paul Kagamé tient-il la dragée haute à la « communauté internationale » ? »

Anaz Otasevic décrit « la révolte contre les passe-droits en Serbie : « La Serbie connaît depuis quatre mois le plus grand soulèvement de son histoire contemporaine. Ces manifestations contre la corruption trouvent leur origine dans l’effondrement d’un auvent à la gare de Novi Sad, qui a fait quinze morts. La genèse de l’accident révèle les tares d’un système qui permet au favoritisme de régner, aux dépens de la sécurité la plus élémentaire, sans émouvoir l’Union européenne. »

Selon Philippe Descamps, le bilinguisme officiel au Canada est équivoque : « Premier ministre démissionnaire du Canada, M. Justin Trudeau a obtenu un consensus parlementaire pour actualiser la loi sur les langues officielles imaginée par son père en 1969. Pierre Elliott Trudeau combattait l’aspiration à l’indépendance des Québécois en leur promettant un plus grand pays, bilingue. Mais la reconnaissance de droits linguistiques individuels, sans cadre territorial clair, a entériné une asymétrie entre l’anglais et le français, toujours menacé de déclin. »

Aux États-Unis, selon Martin Barnay, le pays est à la botte de Donald Trump : « Comment faire pour que l’appareil gouvernemental s’aligne totalement sur les projets présidentiels ? Instruit par les déboires de son premier mandat, M. Donald Trump a nommé des proches à des postes-clés malgré leur inexpérience, et mis en concurrence des cercles de conseillers plus ou moins informels. Cette démarche déroutante pourrait très vite atteindre ses limites. »

Serge Halimi se demande ce qu’il se passe quand M. Hollande réécrit la gauche : « Un ancien président défend son bilan en le replaçant dans le temps long. Un écrivain, Aurélien Bellanger, choisit le roman pour imaginer un Parti socialiste noyauté ces dernières années par le Printemps républicain. Deux modes d’écriture, la même histoire ? »

Maïlys Khider et Thimothée de Rauglaudre ont analysé les 70 décorations qu’attribuent la République française aux citoyens méritants : « Palmes académiques, médailles de la police nationale ou du tourisme : la France compte environ soixante-dix décorations. La plus connue ? La Légion d’honneur, bien sûr, qui doit distinguer l’aristocratie républicaine. Censée refléter son époque, elle symbolise un système de privilèges qu’elle contribue à perpétuer en décorant de plus en plus de dirigeants d’affaires. Devant l’Élysée, des barrières sont érigées. Après que nous avons (miraculeusement) franchi la première, la seconde nous reste hermétique : la sécurité veille à ne laisser entrer que les invités triés sur le volet. M. Bernard Arnault s’apprête à recevoir le titre de grand-croix de la Légion d’honneur, la plus haute distinction de l’ordre, des mains du président de la République Emmanuel Macron. Derrière la balustrade, deux gendarmes discutent. « Elon Musk est arrivé il y a dix minutes. Bernard Arnault et lui se sont écharpés pendant des années pour savoir qui était le plus riche, alors Musk est venu le narguer ! », s’amuse l’un d’eux. Trêve de plaisanterie. Le chef de la sécurité est catégorique : « Pas de presse ce soir. C’est un événement semi-privé. » Pendant qu’ils sortent leur carton d’invitation, quelques convives daignent répondre à une question : « Pourquoi Bernard Arnault est-il décoré ? » Un cadre de LVMH sourit : « Ce soir sont récompensés les services rendus, le travail, le rayonnement de la France. »

Estelle Pereira explique pourquoi les grands projets ne fon,t l’objet d’aucun débat démocratique : « De nombreux aménagements font l’objet de contestation faute de débats sereins sur leurs avantages comme sur leurs inconvénients. La démocratie gagnerait à une évaluation contradictoire et argumentée de leurs impacts, des précautions ou des renoncements nécessaires. C’est le rôle des autorités environnementales, à l’échelle locale ou nationale. Mais leurs avis non contraignants restent le plus souvent ignorés. »

Le Diplo reprend l’introduction d’un ouvrage que Christian de Brie, décédé en février 2023, n’a pas eu le temps de terminer : « de présenter une vision globale du IIe millénaire, celle d’une histoire mondialisée, risque de bousculer nombre d’idées reçues. Jusqu’au xviiie siècle, c’est l’Asie — Chine, Inde, Proche-Orient — et non l’Europe qui a été le centre du monde. Par sa situation, sa superficie, sa population, ses structures politiques, économiques, sociales et culturelles, et enfin par les événements qui s’y sont succédé. Seul l’ethnocentrisme des Occidentaux les empêche d’en prendre conscience et continue à les persuader du contraire. Par exemple, que l’Amérique fut « découverte » par Christophe Colomb en 1492, quand elle l’avait été quelque trente mille ans plus tôt par des populations venues d’Asie et de Sibérie, qui, depuis, n’avaient cessé d’y développer sociétés et civilisations. À cette aune, l’Europe aurait été « découverte » par les Arabes et les Berbères débarquant à Gibraltar en l’an 710. Pour les Occidentaux, l’histoire du millénaire est d’abord et toujours celle de l’Occident, et le reste du monde n’existe qu’à la marge, dans la mesure et le temps où ils entretiennent des rapports avec lui, le plus souvent de conquête et de domination brutales. »

Antoine Pecqueur nous dit où en sont les fanfares municipales : « « Toi qui rêvais d’harmonie municipale / De porter la panoplie d’un général / Pars / Va rejoindre la fanfare /Et ses airs militaires », chantait le groupe Les Innocents à la fin des années 1990. Aujourd’hui ce genre de formation a la cote auprès du public, notamment grâce au soutien des autorités locales. Mais la contestation sociale n’est jamais loin. Démodées, folkloriques, franchement ringardes : les fanfares, jusqu’à il y a peu, n’étaient pas exactement tendance. Désormais, elles sont partout, ou presque, et suscitent une forte sympathie. L’une des performances les plus remarquées de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, fin juillet 2024, fut celle de la chanteuse Aya Nakamura, accompagnée par la musique de la garde républicaine, une formation militaire. Sorti quelques mois plus tard, le film En fanfare d’Emmanuel Courcol met en scène deux frères, un chef d’orchestre prestigieux et un tromboniste dans une harmonie du nord de la France : il obtient un large succès public et critique. En mars 2025, Meute, une fanfare allemande techno habituée des grands festivals et à la riche discographie, fera la tournée des Zénith de France. Le compositeur Olivier Calmel, président de l’Association française pour l’essor des ensembles à vent (Afeev), se félicite de voir « une nouvelle dynamique, et enfin une reconnaissance de ces ensembles ».

Evelyne Pieiller se demande si la cérémonie d’ouverture des JO n’était pas une réplique au Puy du Fou : « Déprimant est l’avenir, affligeant le présent, consolant le passé. L’étude annuelle « Fractures françaises » menée par l’institut de sondage Ipsos le confirme : le moral est de plus en plus bas. 64 % des Français craignent la dissolution du pays dans la mondialisation, 87 % considèrent qu’il décline et 73 %, non sans cohérence, que « c’était mieux avant ». D’ailleurs, 72 % « s’inspirent de plus en plus des valeurs du passé ». Selon Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos, ce qui s’énonce de façon marquante dans cette enquête, ce serait même un « imaginaire de notre mort » (Le Monde,2 décembre 2024). Une peur, un repli, une nostalgie. La perception d’un déclin — qui peut être objectivé — se double du sentiment d’une autre déchéance, celle des valeurs modernes. Il s’agit, certes, d’un « imaginaire », mais qui tient évidemment du matériau politique ; d’autant qu’il se rapproche des dénonciations par l’extrême droite de la décadence, un terme qu’elle a depuis longtemps kidnappé, lourd de condamnation morale, de déploration « civilisationnelle » et de promesse tacite de purification. Ce à quoi fait à l’évidence écho la décision de M. François Bayrou d’ouvrir un débat sur l’identité française. Si la volonté de faire barrage à l’extrême droite paraît parfois suffire à définir les progressistes, leur combat semble devoir passer par la réaffirmation, la revitalisation du sens de leurs valeurs, celles qui rendront à nouveau l’avenir désirable. »

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Philippe Bordas. Forcenés. Paris, Fayard 2008.
Bernard GENSANE
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Nous possédons 50% des richesses de la planète, mais seulement 6% de sa population. Dans cette situation, nous ne pouvons éviter d’être l’objet d’envies et de jalousies. Notre véritable tâche dans la période à venir sera de créer un tissu de relations qui nous permettra de faire perdurer cette inégalité.

Département d’Etat Etats-Unien - Planning Study #23, 1948

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