RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Le licite, l’obligatoire et l’interdit.

Ce que dit ce texte de la réglementation draconienne des comportements est particulièrement vrai en ce qui concerne le langage : là, aucune situation d'urgence n'a été nécessaire pour instaurer la censure.

Selon les juristes arabes, les actions humaines se classent en cinq catégories, qu’ils énumèrent ainsi : obligatoire, louable, licite, blâmable, interdit. A l’obligatoire s’oppose l’interdit, à ce qui mérite louange ce qui doit être blâmé. Mais la catégorie la plus importante est celle qui se trouve au centre et qui constitue pour ainsi dire le fléau de la balance qui pèse les actions humaines et en mesure la responsabilité (responsabilité se dit, dans le langage juridique arabe, « poids »).

Si est louable ce dont l’accomplissement est récompensé et dont l’omission n’est pas interdite, et blâmable ce dont l’omission est récompensée et dont l’accomplissement n’est pas interdit, le licite est ce sur quoi le droit doit se taire et qui n’est donc ni obligatoire ni interdit, ni louable ni blâmable. Il correspond à l’état paradisiaque, dans lequel les actions humaines ne produisent aucune responsabilité, ne sont d’aucune façon « pesées » par le droit. Mais – et c’est là le point décisif –, selon les juristes arabes, il est bon que cette zone dont le droit ne peut en aucune façon s’occuper soit le plus large possible, parce que la justice d’une cité se mesure justement à l’espace qu’elle laisse libre des normes et des sanctions, des récompenses et des désapprobations.

Dans la société où nous vivons, c’est exactement le contraire qui se produit. La zone du licite se réduit chaque jour davantage, et une hypertrophie normative sans précédent tend à ne laisser aucun domaine de la vie humaine en dehors de l’obligation et de l’interdiction. Gestes et habitudes qui avaient toujours été considérés comme indifférents au droit se trouvent maintenant minutieusement régulés et rigoureusement sanctionnés, à tel point qu’il n’y a presque plus une seule sphère des comportements humains qui puisse être considérée comme simplement licite. D’abord des raisons de sécurité tout aussi peu identifiées, puis, dans une mesure croissante, des raisons de santé ont rendu obligatoire une autorisation pour accomplir les actes les plus habituels et innocents, comme se promener dans la rue, entrer dans un local public ou se rendre sur son lieu de travail.

Une société qui réduit jusqu’à un tel point le domaine paradisiaque des comportements non pesés par le droit n’est pas seulement, comme l’estimaient les juristes arabes, une société injuste, c’est à proprement parler une société invivable, dans laquelle toute action doit être bureaucratiquement autorisée et juridiquement sanctionnée, et où l’aisance et la liberté des coutumes, la douceur des relations et des formes de vie se réduisent jusqu’à disparaître. En outre, l’abondance des lois, des décrets et des règlements est telle que, non seulement il devient nécessaire de recourir à des experts pour savoir si une certaine action est licite ou interdite, mais même les fonctionnaires chargés d’appliquer les normes s’embrouillent et se contredisent.

Dans une telle société, l’art de vivre ne peut que consister à réduire au minimum la part de l’obligation et de l’interdiction, et à élargir au contraire au maximum la zone du licite, la seule dans laquelle, sinon un bonheur, du moins un sentiment de joie devient possible. Mais cela, c’est justement ce que les misérables qui nous gouvernent s’ingénient par tous les moyens à empêcher et à rendre difficile, en multipliant les normes et règlements, les contrôles et vérifications. Jusqu’à ce que la sinistre machine qu’ils ont construite s’effondre sur elle-même, entravée par les règles et dispositifs mêmes qui devaient en permettre le fonctionnement.

Traduction de Rosa Llorens.

»» https://sinistrainrete.info/articoli-brevi/24383-giorgio-agamben-il-le...
URL de cet article 38400
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Les caisses noires du patronat
Gérard FILOCHE
A quoi servent les 600 millions d’euros des caisses noires du patronat, et où vont les 2 millions d’euros distribués chaque année en liquide par l’UIMM et le Medef ? Gérard Filoche dénonce ce scandale du siècle au coeur du patronat français. Il soulève toutes les questions posées par ce trafic d’argent liquide qui circule depuis si longtemps au Medef et montre comment le patronat se servait de cette caisse anti-grève pour briser la fameuse concurrence libre et non faussée. Denis Gautier-Sauvagnac, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! »

John Swinton, célèbre journaliste, le 25 septembre 1880, lors d’un banquet à New York quand on lui propose de porter un toast à la liberté de la presse

(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.