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Audience Assange. Mon Dieu, ça n’en finit pas !

L’impression de vivre un cauchemar qui revient sans cesse...Me voilà une fois de plus dans le tristement malnommé “train du dormeur”, direction Londres et les cours royales de justice pour entendre un nouveau jugement.

Julian n’est pas présent au tribunal et n’est pas en bonne santé ; Stella (sa femme) se bat, mais se bat aussi pour préserver sa santé ; Gareth Peirce (une de ses avocats) est toujours aussi calme et déterminée ; mes amis de Wikileaks rassemblent ressources juridiques et médiatiques en restant résolus et de bonne humeur.

Le Lord Chief Justice d’Angleterre et du Pays de Galles, Ian Duncan Burnett, est exactement le genre d’homme qu’on choisirait pour ce rôle dans un opéra comique. Costaud, avec un large visage ouvert couronné de cheveux blancs, il respire la solidité, la bonhommie et l’autorité naturelle. On s’attend à ce qu’il prononce son jugement, puis se rende chez Simpson pour déguster quelques tranches épaisses d’aloyau rôti et un verre de Bordeaux. Cette remarque n’est pas une critique dans ma bouche, j’aurai choisi le meme menu.

Le Lord Chief Justice n’a pas seulement son propre bureau, il n’a pas seulement le plus beau costume pourpre ridicule qu’on puisse imaginer, il a aussi son propre tribunal. Et quelle cour ! Des hectares de bois poli, plus grands que certains théâtres ; des galeries et des étages, des murs à tous les niveaux tapissés de milliers et de milliers de livres de droit, aux reliures magnifiques, enfermés derrière des portes vitrées que je soupçonne fortement de n’être ouvertes que pour y ajouter un autre livre destiné à passer sa vie là-dedans sans être visité, sans possibilité de libération conditionnelle.

Le Lord Chief Justice occupe un banc surélevé, de sorte qu’il faut lever la tete pour le voir ; une construction faite de plusieurs tonnes d’acajou, qu’on verrait bien garnie de palmiers en pot, avec des serveurs moustachus en étroites vestes blanches, entrant et sortant de ses divers escaliers et entrées en portant des plateaux d’argent, et abritant un quatuor à cordes dans un coin. La rumeur veut qu’il y ait de fait un quatuor à cordes dans un coin, qui essaie d’en partir depuis 1852.

Le Lord Chief Justice se matérialise soudainement sortant de la porte située derrière son banc, de sorte qu’il n’a pas besoin d’escalader l’acajou au risque de trébucher dans ses draperies de velours écarlate. J’aime à imaginer qu’il a été élevé au niveau requis, avec dans les coulisses un système de cordes et de poulies actionné par des matelots velus. À côté de lui, mais légèrement plus bas, se trouve le juge Holroyde, qui rend le jugement faisant l’objet de l’appel, et qui a aujourd’hui l’air encore plus suffisant et onctueux dans le rayonnement de son haut partenaire.

L’apparition a duré deux minutes. Burnett nous dit que la Cour a certifié, comme étant une question d’intérêt public, la question de savoir si les “garanties diplomatiques” qui n’ont pas été soumises lors de l’audience de fond, peuvent être soumises au stade de l’appel. La Cour n’a pas certifié les autres points soulevés et a refusé à Julian l’autorisation de faire appel devant la Cour suprême.

Vous pouvez ignorer cette dernière phrase ; il est habituel que la Haute Cour refuse l’autorisation de faire appel ; avec la certification de l’intérêt public, Julian peut maintenant faire appel directement à la Cour suprême qui décidera ou non de statuer. Le refus d’autorisation par la Haute Cour est un pur signe de déférence envers la Cour suprême, Comme disent les avocats : “la Cour suprême dîne à la carte”.

Certains des points de l’appel que la Haute Cour a refusé de certifier comme défendables et d’intérêt public étaient importants. L’un d’entre eux était que les garanties diplomatiques données par les États-Unis promettaient de ne pas recourir à des pratiques illégales assimilables à de la torture, mais subordonnaient cette promesse au comportement futur d’Assange.

Or, le traitement illégal d’un prisonnier ne devient pas légal au motif que ledit prisonnier s’est mal comporté. Cela aurait dû être un argument irréfutable, sans parler du fait que la stratégie selon le comportement futur d’Assange serait décidée précisément par les mêmes autorités qui ont comploté pour l’enlever ou l’assassiner.

Tout cela n’a pas été certifié comme point de droit défendable d’intérêt public.

Ce qui est certifié et mis en avant est la simple question de savoir si les garanties diplomatiques ont été reçues trop tard. Etrangement, le jugement de Burnett et Holroyde reproche à la magistrate chargée de l’extradition, Vanessa Baraitser, de ne pas avoir demandé aux États-Unis des garanties diplomatiques à un stade plus précoce.

La doctrine selon laquelle un juge devrait suggérer aux avocats d’une des parties des points utiles pour renforcer leur dossier contre l’autre partie est entièrement nouvelle en droit anglais. Les États-Unis auraient pu soumettre leur note diplomatique à n’importe quelle étape de la procédure, mais ont choisi de ne pas le faire, afin de voir s’ils pouvaient s’en tirer sans prendre d’engagement quant au traitement d’Assange. Ils n’ont soumis une note diplomatique qu’après avoir perdu l’affaire initiale. Ce n’était pas à Baraitser de leur demander de le faire plus tôt, et cette suggestion est un ridicule plaidoyer de la part de Burnett.

C’est plus qu’un simple point de procédure. Si les garanties avaient été soumises au tribunal de première instance, leur valeur aurait pu être contestée par la défense d’Assange. Les conditionnalités auto-annulantes contenues dans les garanties elles-mêmes auraient pu être examinées, et le long passé des États-Unis en matière de rupture de telles garanties aurait pu être discuté.

En les introduisant seulement au stade de l’appel, les États-Unis ont échappé à tout examen de leur validité.

Cela a été confirmé par le jugement d’aujourd’hui. La question de l’acceptabilité de garanties qui, entre parenthèses, font de la torture une option future, a été jugée comme n’étant pas un point d’appel défendable.

Ainsi, le point certifié, celui de savoir si les garanties peuvent être présentées au stade de l’appel, n’est pas seulement une question de calendrier et de délais, il s’agit de savoir si les garanties doivent être examinées ou non.

Cependant, cela ne semble pas être un point essentiel. Il s’agit plutôt d’un point technique de calendrier et de délais. C’est très important, car cela pourrait être le paravent utilisé par l’establishment britannique pour se diriger lentement vers la sortie. Lord Burnett cherchait-il à sortir de cette affaire par l’une des portes à rideau situées dans son dos ?

Si l’un des autres points avait été certifié, le tribunal aurait discuté en détail du penchant des États-Unis pour la torture, de leurs conditions de détention épouvantables et de leur longue histoire de mauvaise foi (aux États-Unis, il est admis que les autorités nationales ne sont pas liées par une garantie, un engagement ou même un traité envers des gouvernements étrangers). Pour la Cour suprême, refuser l’extradition d’Assange pour l’un de ces motifs serait une accusation officielle contre l’intégrité des États-Unis, et donc ce serait difficile au niveau diplomatique.

Mais la Cour suprême peut refuser l’extradition sur le seul point certifié par la Haute Cour, et ce refus peut être présenté comme n’étant en rien une critique des États-Unis et de leur gouvernance, mais comme une simple question technique de délai non respecté. Toutes mes excuses... ne vous en faites pas, l’ami... allons boire du Bordeaux chez Simpson.

Y a-t-il vraiment une issue possible pour Julian ? L’Establishment britannique se dirige-t-il tranquillement vers la sortie ?

Craig Murray
https://www.craigmurray.org.uk/archives/2022/01/your-man-in-the-public-gallery-assange-hearing-day-oh-god-it-never-ends/

»» https://diaspora-fr.org/posts/0be030e061f0013a66570025900e4586
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