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Le rôle de la BBC dans la persécution de Julian Assange, 2e partie - Impunité (The Indicter)

Un tableau de préjugés et de propagande

Nous pouvons constater que la campagne de dénigrement d’Assange par les médias commerciaux n’a pas échappé aux juges. Nous savons que le juge Snow, condamnant Assange pour violation de la liberté sous caution, l’a accusé d’être un narcissique incapable de dépasser son propre intérêt après qu’Assange ait simplement dit "Je plaide non coupable". On sait que la juge Taylor a prétendu qu’Assange avait été accusé de viol et qu’il a fallu la rectifier. Le condamnant à 50 semaines de prison pour avoir évité la libération sous caution, elle a rejeté ses craintes de persécution, ignoré l’apparition de l’acte d’accusation américain et affirmé qu’il s’était réfugié à l’ambassade pour "échapper à la justice". Cette affirmation était illogique, étant donné que le premier acte d’accusation américain à son encontre a été dévoilé le jour de son arrestation, les raisons officielles invoquées par l’Équateur pour lui accorder l’asile et l’accumulation de menaces contre la vie d’Assange par des responsables américains. La juge Taylor a répété le même récit de "fuite devant la justice" que la BBC et d’autres médias commerciaux avaient avancé pendant les années entre l’arrivée d’Assange à l’ambassade et la date de sa condamnation.

La récente révélation du complot de la CIA pour enlever et assassiner Assange en 2017, ignoré par la BBC à moins de vivre en Somalie [la BBC a publié l’information uniquement sur son site en langue somalie - NDT], donne raison aux craintes d’Assange et montre la déclaration de condamnation de la juge Taylor pour ce qu’elle était : de la propagande à motivation politique. La juge Baraitser, quant à elle, a été observée en train de statuer de manière significative en faveur des demandes formulées par l’accusation américaine, en interdisant arbitrairement les observateurs du procès et en estimant que les éventuels complots de la CIA pour assassiner Assange en 2010 n’étaient pas déraisonnables.

Même si nous excluons la réalité des allégeances et des influences politiques, le fait que les juges aient probablement suivi les informations de la BBC et d’autres médias commerciaux au cours de la dernière décennie signifie qu’ils ont très probablement acquis une vision négative et déformée d’Assange et des faits historiques qui l’entourent. Voici quelques-unes des façons dont la BBC a dénigré Assange.

Discréditer Assange en tant que journaliste

La BBC décrit toujours Assange comme le "fondateur de Wikileaks", mais pour Jamal Khashoggi, Roman Protasevich, Anna Politkovskaya et d’innombrables autres, dont le travail ne menace pas l’impunité militaire américaine mais est considéré comme acceptable d’un point de vue idéologique, ils sont qualifiés de journalistes, de journalistes activistes, de journalistes dissidents, de journalistes militant pour les droits de l’homme.

Mais le journaliste qui dénonce les crimes de guerre américains est "en quête d’attention", "certainement un invité dérangeant - c’est sûr ", un homme creux, un espiègle, qui veut attirer l’attention, un larbin de Poutine, un fauteur de troubles, un hacker activiste, un narcissique - selon une "opinion largement répandue", l’idiot utile de la Russie, peu hygiénique, insensible à son chat, bruyant, grossier et antisocial, un cyberterroriste aux habitudes dégoûtantes, quelqu’un qui a évité l’extradition vers la Suède pour ne pas être interrogé sur des allégations sexuelles : un fugitif, un irresponsable ricanant qui sera assassiné par la CIA.

Mais cela ne représente qu’une partie de la littérature sur Assange. La BBC a beaucoup investi dans sa campagne de diffamation, qui prend diverses formes, notamment des articles, des vidéos et des podcasts. La répétition est importante si vous voulez programmer votre public pour qu’il n’aime pas quelqu’un ou, pire, qu’il le considère comme un danger, un ennemi public. Et pendant que nous sommes occupés à être programmés pour qu’Assange soit l’ennemi, nous glissons dans un état comateux et oublions qui devrait être sur le banc des accusés. La BBC veut nous faire croire que les crimes contre l’humanité, le meurtre de centaines de milliers de personnes, la dissolution de pays entiers, les programmes de restitution et de torture et les crimes de guerre militaires commandités par l’État sont tous insignifiants par rapport au méchant Assange. La diffamation de sa personnalité, destinée à inspirer le dégoût, a probablement influencé les juges tout autant que les autres abonnés de la BBC.

Parallèlement à l’entretien du dégoût envers Assange par la BBC, on observe un mépris croissant envers les journalistes qui ne sont pas payés par des multinationales. Le cas sans précédent de Craig Murray, condamné par une Haute Cour, montre qu’un système judiciaire à plusieurs niveaux est en train de se mettre en place en Grande-Bretagne, que les journalistes qui ne font pas partie du club ne bénéficient pas des mêmes protections. La campagne toxique de dénigrement d’Assange menée depuis longtemps par la BBC, renforcée par d’autres médias commerciaux, conjuguée à une culture de mépris pour les "mauvais journalistes", signifie que tant qu’il reste soumis à la volonté et aux caprices des tribunaux britanniques, la vie d’Assange est en danger.

Camouflage et dissimulation des abus de procédure

Les abus de procédure et les mauvais traitements infligés à Assange ont été bien documentés par le rapporteur des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, les Nations unies, des dirigeants politiques, des avocats, des défenseurs des droits de l’homme, des médecins et des ONG. Au lieu de faire du journalisme et de dénoncer ces abus, la BBC a caché la corruption des institutions publiques.

La BBC vous dira que les deux enquêtes initiales concernant Assange en Suède ont été abandonnées par le procureur général mais reprises plus tard par un autre, Marianne Ny. Elle ne vous dira pas que la police a modifié les témoignages pour donner l’impression qu’un éventuel viol avait été commis. Elle ne vous dira pas que les femmes concernées se sont rendues au poste de police uniquement pour demander si elles pouvaient obliger Assange à passer un test de dépistage de MST.

La BBC vous dira que les procureurs suédois ont émis une alerte rouge, mais ne vous dira pas qu’elle a été émise en même temps qu’un mandat d’arrêt européen après que le procureur a donné à Assange la permission de quitter la Suède. Elle ne vous dira pas que l’ancien procureur général de Stockholm, Sven-Erik Alhem, a qualifié les démarches de Ny pour extrader Assange de :"... déraisonnables et non professionnelles, ainsi qu’injustes et disproportionnées", dans une déclaration sur les abus de procédure auxquels elle s’est livrée.

La BBC vous dira que la Cour suprême a ordonné l’extradition d’Assange en 2012, mais elle ne vous dira pas que la loi a été modifiée en 2014 afin que les demandes d’extradition ne puissent pas être émises de la même manière que celle d’Assange l’avait été par Marianne Ny.

La BBC vous dira qu’Assange a demandé l’asile à l’ambassade d’Équateur pour éviter l’extradition vers la Suède où il était recherché pour être interrogé au sujet d’allégations sexuelles, ce qui implique une réticence à coopérer avec les autorités suédoises. Elle ne vous dira pas qu’Assange a tenté à plusieurs reprises de rencontrer les procureurs, mais que ceux-ci lui ont opposé une fin de non-recevoir. Lier l’asile politique à la violence sexuelle n’a pas de sens légal ou commun, sauf pour la juge Taylor. Quels pays civilisés donnent l’asile politique à des suspects de violence sexuelle ?

La BBC vous dit parfois qu’Assange a demandé l’asile pour éviter une extradition ultérieure de la Suède vers les États-Unis, mais cela ne suffit pas à contrebalancer sa rhétorique prolifique de fugitif. Elle ne vous parlera pas des preuves indiquant que la Suède l’extraderait vers les États-Unis.

Elle vous dira que l’une des deux affaires d’allégations contre Assange a été abandonnée car le délai de prescription de l’infraction avait expiré alors qu’il se trouvait à l’ambassade. Il ne vous dira pas que Marianne Ny n’avait qu’à entrer dans l’ambassade ou à allumer la liaison vidéo mais qu’elle a refusé, cédant à la pression du Ministère britannique de justice parce qu’Assange n’était "pas un cas d’extradition comme un autre".

Cet article de la BBC publié en 2012 - après qu’Assange ait trouvé refuge dans l’ambassade - nous apprend que les autorités suédoises ont accusé l’Équateur d’interrompre le processus judiciaire suédois : "Les accusations... sont graves, et il est inacceptable que l’Équateur veuille arrêter le processus judiciaire suédois et la coopération judiciaire européenne", a déclaré Anders Joerle, porte-parole du ministère suédois des Affaires étrangères".

Mais ensuite l’article nous dit : "Une offre ultérieure de l’Équateur de permettre aux enquêteurs suédois d’interroger M. Assange à l’intérieur de l’ambassade a été rejetée."

Ce qu’il ne vous dit pas, c’est que lancer un mandat d’arrêt contre quelqu’un et refuser de l’interroger n’est pas une pratique normale. Cette contradiction montre les motivations suspectes des autorités suédoises ; l’intention était l’extradition et non l’enquête.

Assange lui-même a déclaré à la BBC : "Le gouvernement suédois refuse de se comporter de manière tout à fait normale, rationnelle ou raisonnable et c’est pour cela que l’asile politique m’a été accordé".

Mais au lieu d’exposer les incohérences, les contradictions et les comportements anormaux, la BBC les a enterrés comme on peut le voir ici : ne rien entendre, ne rien voir, ne rien dire.

Les autorités suédoises ont poursuivi cet abus et en 2015, cela a été un facteur dans la décision du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (UNWGAD) selon laquelle Assange était détenu arbitrairement.

La BBC vous dira qu’Assange a coûté des millions aux contribuables britanniques en surveillance en ne quittant pas l’ambassade d’Équateur, mais elle ne vous dira pas qu’il s’agissait d’une utilisation abusive des fonds publics et des services de police. Des centaines d’hommes et de femmes en uniforme se sont ennuyés à l’extérieur de l’ambassade alors que Theresa May réduisait le budget de la police pendant une période de montée en flèche des crimes à l’arme blanche à Londres.

La BBC vous dira qu’Assange est à la prison de Belmarsh, mais elle ne vous dira pas qu’il a été détenu en isolement indéfini, contrairement à l’accord du gouvernement de respecter la convention des Nations unies contre la torture.

L’impunité dont jouit Assange a été rendue possible par l’omission et le silence de la BBC. Au lieu de pratiquer le journalisme, elle a fermé les yeux sur les abus des autorités britanniques et de leurs alliés. Le comportement de la BBC est contraire : anti-journalisme, anti-vérité.

De la désinformation à la diffamation

Imaginez être juge et écouter BBC News le jour de l’arrestation d’Assange en avril 2019. Dans cette vidéo, le chef des journalistes diplomatiques de la BBC, James Landale :

  • non seulement confond la demande d’extradition de 2010 de la Suède avec une demande d’extradition qui n’a pas encore été faite par les États-Unis, mais son commentaire étrange sur "l’information et ce que nous appelons aujourd’hui Wikileaks" semble être une tentative désespérée d’éviter de dire "crimes de guerre américains".
  • affirme que "les accusations de viol étaient caduques mais pouvaient être relancées si les autorités suédoises le souhaitaient." Landale faisait très probablement référence ici au délai de prescription des allégations, puisque des accusations n’ont jamais été portées contre Assange.

Landale, qui a fait ses études à Eton, oscille entre allégations et accusations, ce qui est typique du mépris des médias commerciaux pour l’exactitude des faits. La suffisance étonienne suffit peut-être à persuader la plupart des juges qu’il savait de quoi il parlait. Landale s’est rallié au récit du gouvernement et a blanchi les abus de procédure du gouvernement équatorien, affirmant qu’il avait "officiellement" retiré l’asile alors qu’en pratique, Assange a été déchu de l’asile et de la citoyenneté équatorienne sans aucune procédure régulière. C’était un festival de désinformation. Pendant la vidéo, les mots apparaissant à l’écran comprenaient "comportement discourtois et agressif".

Une démonstration de la manière de couvrir les abus de procédure.

Dans cet article de 2019 de la BBC, on nous dit que les procureurs suédois ont classé l’affaire parce que : "... à l’époque, ils estimaient ne pas pouvoir faire avancer l’affaire tant qu’Assange se trouvait à l’intérieur de l’ambassade équatorienne."

C’est ainsi que la BBC dissimule les abus de procédure. Les procédures ne dépendent pas des sentiments des procureurs ; elles sont exécutées selon des lois et des normes. Faire obstruction à sa propre enquête est un abus et a été un facteur dans la décision de détention arbitraire du GTNUAD.

Cet article de la BBC de mars 2015 cite Ny sur sa décision de faire marche arrière pour finalement interviewer Assange afin d’éviter de saboter complètement sa propre enquête. Elle ne montre aucun sens de l’urgence ou de la responsabilité à l’égard de l’affaire sur laquelle elle était censée enquêter : "Mon opinion a toujours été que réaliser un entretien avec lui à l’ambassade d’Équateur à Londres diminuerait la qualité de l’entretien".

Pourtant, lorsque la BBC a rapporté que les procureurs suédois ont finalement abandonné la supposée enquête en 2019 car : "...les preuves se sont considérablement affaiblies en raison de la longue période de temps qui s’est écoulée depuis les événements en question." nous devons nous interroger, car ni la BBC ni les tribunaux ne l’ont fait, est-il normal que les procureurs suédois arrêtent quelqu’un, refusent de l’interroger pendant des années puis se plaignent d’avoir des preuves insuffisantes ? Mais nous sommes dans le monde fictif de la BBC où la fantaisie des procureurs a priorité sur la loi, qui est vraisemblablement le même monde que celui habité par la juge Taylor.

Son comportement montre que la BBC ne sert pas les intérêts du public mais ceux du Foreign Office, de l’élite britannique et de ses alliés de l’État sécuritaire américain, les véritables bénéficiaires de la culture d’impunité cultivée à l’égard d’Assange. Les faits critiques sont enterrés ou manipulés par la BBC, et arbitrairement ignorés par les tribunaux britanniques, de sorte que nous avons une version déformée de la réalité où les décisions des tribunaux reflètent ce qui est colporté par la BBC : la désinformation, l’anormal présenté comme normal et le mépris flagrant envers Assange.

En toute logique, les juges et autres professionnels regardent et lisent autre chose que BBC News, même s’il est probable qu’ils digèrent la propagande d’autres médias commerciaux sur Assange, comme le Guardian. Et comme on le sait, beaucoup de choses influencent les juges. Cependant, on ne peut ignorer les préjugés auxquels Assange a été confronté dans les tribunaux, et un procès par les médias se déroule parallèlement aux procédures judiciaires depuis des années.

On ne peut pas non plus ignorer le pouvoir de la BBC, comme l’a affirmé David Clementi, ancien directeur : "Aucun autre actif national n’a le potentiel de servir la Grande-Bretagne de manière aussi puissante".

Dans le cas d’Assange, elle a servi les intérêts de l’appareil d’État britannique, favorisant une culture de l’impunité en donnant à son public des récits gouvernementaux, en manipulant la perception et en encourageant le ridicule et le mépris. La persécution d’Assange qui ressemble de plus en plus à un assassinat lent par les autorités britanniques et américaines ne serait pas concevable sans des médias serviles. La BBC est intervenue. Il est temps que le procès par les médias prenne fin.

Nina CROSS

1ère partie : https://www.legrandsoir.info/le-role-de-la-bbc-dans-la-persecution-de-julian-assange-the-indicter.html

Traduction "toute ressemblance avec d’autres médias..." par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

»» https://theindicter.com/the-role-of...
URL de cet article 37471
   
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