RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Prends un siège, Ursula...(et autres sièges).

Ainsi commence le Ve Acte de la tragédie de Corneille, Cinna :

« Prends un siège, Cinna », invitation ou injonction qui a donné son nom à une marque de meubles bien connue. Assis sur ce siège, le conspirateur Cinna entendra l’Empereur Auguste lui accorder son pardon, et lui offrir la réconciliation et même une participation au pouvoir.

A Ankara, le scénario a été bien différent, on a plutôt eu affaire à un siège de la discorde. A la façon dont on rapporte parfois l’incident, on peut avoir l’impression que les deux hommes, Erdogan et Michel, ont laissé Ursula debout. En fait, elle était bien assise, mais sur un somptueux sofa, alors qu’elle estimait avoir droit au fauteuil.

On se croirait à la Cour de Versailles, où le Duc de Saint-Simon, dans ses Mémoires, raconte d’épiques querelles de préséance. En effet, selon l’étiquette en vigueur sous Louis XIV, « les duchesses peuvent s’asseoir sur des tabourets au cercle de la reine et aux repas du roi ; les ducs et duchesses ont droit à des pliants chez les petits-enfants de France, un fauteuil chez les princes du sang et un carreau [coussin] de pied à la messe » (source : cairn.info) ; les autres restent bien sûr debout. Mais, ici, l’étiquette est inversée : le prestige est associé au siège le plus modeste (le fauteuil), tandis que le plus majestueux (le sofa) implique une humiliation.

Pourtant, le sofa, et son cousin le divan, sont associés à des idées positives, en particulier celle du pouvoir : le divan, c’est la salle où se réunit le Conseil du sultan (le Diwan désigne par métonymie le gouvernement ottoman) ; dans les maisons particulières, c’est là qu’on reçoit les visites de cérémonie. Quant au sofa, c’était, en Orient, une estrade élevée, couverte de tapis et coussins, où on recevait les personnes qu’on voulait honorer, tel le vizir ; ainsi, le sofa correspond bien aux enjeux de l’incident d’Ankara : Mme von der Leyen, vizir de la Commission, aurait bien voulu être reconnue comme le Calife de l’Europe !

Un autre synonyme conviendrait aussi à cette histoire : le canapé, lui, vient du grec par le latin conopeum, qui signifiait moustiquaire, puis rideau de lit, puis le lit lui-même ; l’origine du mot est donc : kônôps, le moustique : Ursula n’a-t-elle pas voulu jouer la mouche du coche (alors qu’en matière d’affaires étrangères, c’est le Conseil qui a la préséance) ?

On assure du reste que, sur son sofa, ou son ottomane, Ursula a pu tenir sa partie dans les discussions, et si on a envie (pour faire plaisir aux commentateurs qui réduisent tout à l’opposition homme/femme) d’ajouter au premier hémistiche ce deuxième : « Tiens ta langue captive », c’est bien moins du fait du siège que du masque-bâillon, handicap bien plus sérieux pour se faire entendre.

En ce moment où tout est écrasé par le mantra sempiternel covid, vaccin, covid, vaccin..., la moindre anecdote est la bienvenue, et les sièges tiennent décidément la vedette : s’asseoir à la « table » des négociations peut s’avérer scabreux, mais s’asseoir à table tout court est pénalement bien plus dangereux : on nous a montré le salon du Palais Vivienne avec ses tables et ses chaises comme une véritable scène de crime : quoi, les riches s’empiffrent de homard, pendant que les gueux ne peuvent même pas s’offrir un pot chez MacDo ! Quoi, nous nous bâillonnons, nous nous ligotons, et eux s’amusent librement ? Cela tient, à mon avis, de la réaction pavlovienne : n’y aurait-il pas d’autres réflexions à faire ? « Tiens, ces grands bourgeois, ces Beautiful People, si soucieux de leur santé, de leur bien-être, n’hésitent pas à se réunir dans une salle pour goûter au plaisir d’un repas convivial ? Mais alors... »

On rejoint ici une polémique sur l’interprétation du XVIIe siècle et de la montée de l’absolutisme royal (de nouveau Corneille) : Richelieu s’est fixé comme but de supprimer toutes les libertés, ou privilèges, des nobles féodaux, il a donc œuvré dans le sens de l’égalité ; les autres, le peuple, en ont-t-il été plus libres pour autant ? Tocqueville répond qu’en domestiquant les nobles, le pouvoir monarchique a fait disparaître pour tous l’esprit de liberté, préfigurant le régime « démocratique » où les individus égaux et isolés n’ont aucune protection face au « monstre doux », nom tocquevillien du futur totalitarisme. Réduire les riches au pain sec et à l’eau aurait un sens si on avait pour perspective une révolution où tous auraient du pain en suffisance. Mais hurler contre le homard avec les loups médiatiques pour mieux inciter les pauvres à rester sagement à leur place tient plutôt de l’opération de diversion.

Mais concluons plus légèrement avec Molière :

Le véritable Amphitryon
Est l’Amphitryon où l’on dîne.

URL de cet article 37044
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Ainsi parle Chávez
Hugo Chávez, figure du Venezuela et de l’Amérique latine contemporaine, si critiqué et diffamé dans la plupart des médias, était indéniablement le président métisse, issu d’une famille pauvre, avec lequel les classes populaires pouvaient s’identifier. Pendant 13 ans, chaque dimanche, il s’est adressé à son peuple dans une émission appelée « Allô président », fréquemment enregistrée sur le terrain et en public. Ce livre recueille certaines de ses allocutions. Tour à tour professeur, historien, blagueur, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, il s’agit maintenant de le transformer.

Karl Marx

Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.