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John Negroponte et l’application du modèle latino-américain à la politique américaine, par Joe Kay.





WSWS, 18 mai 2006.


Dans le débat étroitement limité, au sein de l’establishment politique et médiatique américain, au sujet des divers programmes d’espionnages qui ont été démasqués durant les derniers mois, un fait principal est accepté par tous les participants : l’administration Bush, peu importe les erreurs qu’elle peut commettre ou les libertés civiles qu’elle peut violer, mène une lutte au terrorisme, et cet objectif principal doit être appuyé par tous.

D’un côté, l’administration Bush insiste que le peuple américain doit croire le gouvernement sur parole, qu’il doit croire que le gouvernement utilise les nouveaux et importants pouvoirs d’espionnage qu’il s’est arrogés pour s’attaquer à Al Qaïda. Le gouvernement n’a émis aucune information concrète sur la nature des divers programmes d’espionnage qu’il a initiés. Ces programmes ont été élaborés pour constituer des bases de données sur les communications téléphoniques et Internet de dizaines de millions de citoyens américains. Et de nombreux autres programmes sont encore totalement cachés à la population. La soi-disant justification pour les garder secrets serait que toute information disponible au public aiderait les terroristes à éviter d’être détectés.

D’un autre côté, la soi-disant opposition officielle au sein de l’establishment politique suppose toujours dès le départ que l’administration mène une « lutte au terrorisme » qui doit être gagnée. Les tactiques peuvent être contestées, à savoir si elles sont appropriées ou nécessaires, mais les principaux motifs ne sont jamais remis en question. Dimanche dernier, Patrick Leahy, président démocrate du comité judiciaire du Sénat, a fait la déclaration typique suivante : « Nous devrions espionner les terroristes, pas des Américains innocents. Je souhaite notre sécurité, mais je ne crois pas que cette administration s’y prend de la bonne façon. »

Mis à part le fait d’accepter la prémisse de base qu’est la guerre au terrorisme, de telles déclarations sont complètement malhonnêtes, étant donné que les dirigeants du Parti démocrate avaient été informés des aspects du programme d’espionnage de l’Agence nationale de sécurité bien avant qu’ils ne soient divulgués dans les médias.

N’est-il pas possible que le gouvernement des États-Unis espionne le peuple américain dans le but délibéré d’amasser des noms et de l’information sur des opposants politiques actuels ou potentiels, qu’il utilise la « guerre au terrorisme » comme une excuse pour préparer une rafle de milliers d’individus qui s’opposeraient à la guerre ou à d’autres aspects de la politique de l’élite dirigeante américaine ? Le fait de simplement soulever cette question serait accusé de complot, si elle n’était pas si soigneusement ignorée.

Toutefois, le véritable objectif des actions de l’administration devient évident si l’on considère les individus qui ont été chargés de mener ces actions à terme. Il vaut la peine, tout particulièrement, de réexaminer le dossier de John Negroponte, l’actuel directeur du Renseignement national, qui est en charge de centraliser et de coordonner les diverses agences d’espionnage américaines. Negroponte est apparu comme un personnage crucial dans le vaste développement de la surveillance intérieure des États-Unis.

Negroponte est généralement considéré comme celui qui a joué le rôle crucial dans les événements plus tôt ce mois-ci qui ont mené à la démission du directeur de la CIA, Porter Goss. Pour le remplacer, l’administration Bush a nommé Michael Hayden, l’assistant de Negroponte et ancien dirigeant de l’Agence nationale de sécurité.

Negroponte a été nommé directeur du Renseignement national en février 2005. Alors que le poste a été créé en réponse à une recommandation d’un comité qui avait pour but d’enquêter sur les attaques du 11 septembre, le véritable objectif de cette position est d’augmenter les attaques sur les droits démocratiques et de préparer des mesures répressives contre le peuple américain.

Pour cette raison c’est Negroponte qui a été choisi à ce poste. Une de ses principales qualifications a été son rôle en tant qu’ambassadeur américain au Honduras de 1981 à 1985. Dans ce poste, il a aidé à superviser l’intervention américaine en appui aux « contras » qui menaient une guerre vicieuse contre le gouvernement sandiniste nationaliste au Nicaragua. Durant cette guerre financée par la CIA, 50.000 personnes ont été tuées et les contras droitiers ont employé les méthodes brutales de disparitions, de tortures et d’assassinats de masse.

Negroponte a aussi supervisé l’augmentation massive de l’aide américaine aux militaires du Honduras qui appuyaient les contras. Il a fait l’éloge du régime militaire du pays en tant que modèle de démocratie et a aidé à couvrir les preuves de meurtres et de tortures extrajudiciaires. Peu avant le vote bipartisan au Sénat en avril 2005 confirmant Negroponte dans ses fonctions, le Washington Post a signalé de nouveaux documents détaillant les liens étroits de Negroponte avec l’armée du Honduras. Il s’est opposé à toute tentative d’en arriver à une entente négociée avec les sandinistes et a plutôt favorisé une politique de « changement de régime ».

Negroponte a fait campagne pour que l’administration Reagan continue à financer les contras même après que le Congrès américain eût voté pour interdire que cette aide continue. Cette politique a éventuellement mené au scandale Iran-Contra, lors duquel il fut révélé que l’administration Reagan finançait secrètement les contras en vendant illégalement des armes à l’Iran. Toutefois, cette politique ne fut pleinement opérationnelle qu’après que Negroponte eût quitté son poste.

Avant de servir au Honduras, Negroponte a eu d’importants postes au sein de l’administration Nixon, spécialement en lien avec le Vietnam. Durant la guerre du Vietnam, il était un opposant acharné de toute concession à Hanoi. A la fin des 1980 et dans les années 1990, il a passé le clair de son temps dans diverses fonctions diplomatiques, y compris en tant qu’ambassadeur au Mexique et plus tard aux Philippines.

Ensuite, en 2001, l’administration Bush l’a nommé ambassadeur aux Nations Unies, un poste qu’il a occupé jusqu’en 2004. Dans cette fonction, il a joué un rôle crucial pour promouvoir les mensonges de l’administration Bush pour justifier l’invasion de l’Irak. Dans la période précédent l’invasion, les États-Unis espionnaient les autres pays à l’ONU dans une tentative d’obtenir une majorité des votes qui aurait justifié l’invasion.

Il a quitté l’ONU pour prendre le poste d’ambassadeur américain en Irak en 2004, où il a supervisé l’escalade de violence contre la population irakienne, y compris le siège dévastateur contre la ville de Fallujah en novembre 2004.

Malgré son implication passée dans le scandale Iran-Contra, les nominations de Negroponte à ses différents postes ont toutes été confirmées avec le soutien décisif tant des démocrates que des républicains.

Depuis qu’il est devenu directeur du Renseignement national, Negroponte a aidé à transférer aux États-Unis les mesures anti-démocratiques et répressives qu’il a supervisées dans d’autres parties du monde, particulièrement en Amérique latine.

Tout comme d’autres membres de l’administration, il a menti dans le but de cacher au peuple américain l’ampleur des attaques sur les droits démocratiques. Un article publié dans le numéro du 15 mai du Washington Post note que Negroponte a déclaré le 8 mai que les États-Unis ne surveillaient « absolument pas » sans mandat les appels intérieurs. Quelques jours seulement avant la révélation d’une telle surveillance (dans l’article de USA Today dévoilant la mise en place par l’Agence nationale de sécurité de bases de données contenant l’historique des appels de millions d’Américains), Negroponte affirmait : « Je ne qualifierais pas ceci d’espionnage intérieur. Il s’agit du terrorisme international et d’appels téléphoniques entre des gens soupçonnés de travailler pour le terrorisme international et des gens ici aux États-Unis. »

Dans une entrevue à la CNN lors de sa nomination à l’ONU, Negroponte a cherché à défendre des aspects de sa propre histoire de soutien à des dictatures militaires en Amérique latine : « Certains de ces régimes, pour un observateur externe, peuvent ne pas avoir été aussi acceptables que les Américains auraient pu le vouloir », a-t-il expliqué. « Il se peut qu’il y ait eu des dictateurs, ou des dictateurs en herbe, alors qu’on aurait voulu appuyer la démocratie dans la région. Mais avec les troubles qui [sévissaient], il n’était peut-être pas possible de le faire. »

Cette déclaration reflète l’attitude de Negroponte non seulement envers le passé, mais aussi envers le présent et l’avenir. La classe dirigeante américaine est confrontée à des « troubles » de plus en plus nombreux au sein des États-Unis, avec la montée de l’opposition à l’administration Bush et à toute la direction de la politique américaine. Les conditions sociales des masses se détériorent alors que les inégalités sociales sont en hausse. Dans un effort pour assurer son hégémonie sur la scène mondiale, l’élite dirigeante américaine planifie de nouvelles agressions militaires, contre l’Iran, la Chine, la Russie ou tout autre pays qui serait une menace à ses intérêts, même si l’opposition intérieure à l’occupation de l’Irak croît tous les jours.

Les troubles que Negroponte a découverts au Honduras et au Nicaragua (et plus tard en Irak), à savoir l’opposition populaire aux politiques des banques et des sociétés américaines, ne sont pas fondamentalement différents des troubles qui s’accumulent maintenant au pays. Pour cette raison, les mêmes formes dictatoriales de pouvoir que le gouvernement américain a encouragées ailleurs pendant des décennies seront de plus en plus appliquées au sein même des États-Unis.

Joe Kay


 Source : WSWS www.wsws.org


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