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Etats-Unis contre Julian Assange : Comptes-rendus des audiences - JOUR 14 (25 septembre 2020)

  • La juge reconnaît le caractère politique de l’affaire Assange
  • Assange "craignait pour la sécurité des informateurs"
  • Patrick Eller démystifie la "conspiration" Manning/Assange
  • Témoignage de Jakob Augstein
  • Témoignage de Patrick Eller

Compte-rendu de Craig Murray

C’est difficile à croire, mais la juge Baraitser a décidé vendredi qu’il n’y aurait pas de plaidoirie de clôture à l’audience d’extradition d’Assange. Elle a accepté la proposition initialement avancée par l’avocat du gouvernement américain, selon laquelle les plaidoiries finales devraient simplement être présentées par écrit et sans audition orale. La défense a accepté cette proposition, car elle a besoin de temps pour traiter du nouvel acte d’accusation dans les plaidoiries finales, et Baraitser n’a pas voulu que les plaidoiries aient lieu après le 8 octobre. En n’acceptant que les arguments écrits, la défense a gagné trois semaines supplémentaires pour préparer la clôture de son dossier.

Mais toute cette audience s’est déroulée dans un secret effectif, un secret total qui donne un aperçu précis des structures politico-économiques de la société occidentale actuelle. L’accès physique à la salle d’audience a été extrêmement limité, la galerie publique ayant été réduite à cinq personnes. L’accès par liaison vidéo a également été extrêmement limité, 40 ONG ayant vu leur accès coupé par le juge dès le premier jour à l’Old Bailey, dont Amnesty International, PEN, Reporters sans frontières et des observateurs du Parlement européen, parmi beaucoup d’autres. L’État et les médias commerciaux ont pratiquement occulté cette audience, avec une unanimité vraiment inquiétante, et malgré les implications de l’affaire pour la liberté des médias. Enfin, les entreprises qui font office de gardiens de l’Internet ont fortement limité les messages circulant dans le médias sociaux sur Assange et le trafic vers les quelques sites Web qui font des reportages.

Cela me rappelle les paroles d’un autre de mes amis, Harold Pinter, qui a accepté le prix Nobel de littérature. Cela semble parfaitement correspondre au procès de Julian Assange :

"Cela n’est jamais arrivé. Rien n’est jamais arrivé. Même si cela arrivait, cela n’arrivait pas. Cela n’avait pas d’importance. Cela n’avait aucun intérêt. Les crimes des États-Unis ont été systématiques, constants, vicieux, sans remords, mais très peu de gens en ont réellement parlé. Chapeau l’Amérique. Elle a exercé une manipulation tout à fait clinique du pouvoir dans le monde entier tout en se faisant passer pour une force au service du bien universel. C’est un acte d’hypnose brillant, voire spirituel, très réussi."

Harold m’a envoyé une copie de ce discours imprimé pour la cérémonie, avec une aimable dédicace que je savais déjà douloureuse pour lui à l’époque, sous forme de lignes d’encre projetées de manière incontrôlée sur la page. Après sa mort, je l’ai fait encadrer et l’ai accrochée au mur de mon bureau. C’était une erreur. Quand je rentrerai à Edimbourg, je briserai le cadre et je sortirai la page. Il faut la lire, souvent.

Les plaidoiries sont la partie de tout procès que les médias sont le plus susceptibles de rapporter. Elles résument toutes les preuves entendues par les deux parties et ce qui peut en être tiré retiré. Les présenter simplement sur papier, sans le drame de la salle d’audience, c’est s’assurer que l’audience restera un événement non médiatique.

Le calendrier qui a été accepté est le suivant : la défense déposera ses conclusions finales par écrit le 30 octobre, l’accusation y répondra le 13 novembre, la défense pouvant faire une nouvelle réponse d’ici le 20 novembre, uniquement sur des questions juridiques ; Baraitser rendra ensuite son jugement en janvier. Elle a clairement indiqué qu’elle n’accepterait pas d’autres conclusions entre-temps en fonction des évènements, y compris l’élection présidentielle américaine.

Vendredi était encore un autre jour où le processus était aussi important pour le résultat que les preuves entendues, sinon plus. La journée avait commencé par une discussion sur une tentative de la défense de soumettre deux nouvelles déclarations de deux nouveaux témoins. Tous deux étaient des psychiatres ayant une connaissance approfondie du système pénitentiaire américain. Les témoins précédents, psychiatres et avocats américains, qui avaient témoigné pour la défense, avaient été critiqués par l’accusation comme n’ayant pas une connaissance directe de la prison spécifique, ADX Florence, Colorado, dans laquelle Julian purgerait sa peine s’il était reconnu coupable.

L’accusation avait fourni deux déclarations sous serment sur les conditions de détention dans la prison, une du procureur adjoint américain Gordon Kromberg datée du 20 août 2020 et une autre d’un psychiatre de la prison nommé Lukfeld (tel qu’entendu) datée du 3 septembre 2020. Or, il est très étrange que la défense n’ait pas le droit de contre-interroger les témoins qui sont des employés fédéraux américains lors de ces audiences d’extradition. Gordon Kromberg a soumis cinq déclarations sous serment distinctes, contenant de nombreux éléments qui sont vivement contestés quant aux faits, mais il ne peut pas être contre-interrogé. Lukfeld ne peut pas non plus être contre-interrogé.

Fitzgerald a fait remarquer que la défense devait répondre à ces nouvelles accusations d’une manière ou d’une autre, car elles ne pouvaient pas être contre-interrogées. Il a déclaré que, comme elles avaient été soumises par l’accusation au cours des quatre dernières semaines, la défense avait mis du temps à trouver des témoins experts qui étaient en mesure de répondre, puis à recueillir leur témoignage. La défense dispose maintenant de deux excellents témoins ayant une connaissance personnelle de l’ADX Florence, et souhaite apporter leur témoignage. La défense a accepté que, puisque Baraitser avait déclaré que le procès se terminerait la semaine prochaine, il n’y aurait pas le temps de contre-interroger ces nouveaux témoins. Mais alors, les témoins de l’accusation ne pouvaient pas non plus être contre-interrogés. Comme l’a dit Fitzgerald, "l’accusation n’a pas le droit divin de contre-interroger nos témoins alors que nous n’avons aucun droit de contre-interroger leurs témoins".

Pour le gouvernement américain, James Lewis QC s’est "fermement opposé" à la présentation de ces nouvelles preuves. Il a déclaré que la défense avait plus d’un an pour préparer ces déclarations et a continué à essayer de prolonger l’audience. Il a déclaré que les témoins de la défense n’avaient pas l’autorité des témoins du gouvernement américain, et qu’ils devaient être contre-interrogés parce que de nombreux "experts" de la défense n’étaient pas vraiment des experts du tout. Si ces témoins étaient appelés, il insisterait sur le droit à un contre-interrogatoire et cela prolongerait l’audience.

Après avoir entendu les avocats, la juge Baraitser a de nouveau lu un jugement sur son ordinateur portable, qui avait été rédigé avant qu’elle n’entende Lewis ou Fitzgerald parler. De manière tout à fait prévisible, elle a décidé que les déclarations de la défense n’étaient pas recevables, car elles étaient trop tardives. La défense "avait eu une occasion équitable d’enquêter". Les témoins de la défense doivent pouvoir être soumis à un contre-interrogatoire. Ces procédures ont déjà duré trop longtemps et il faut mettre un terme aux nouvelles preuves. "Par souci d’équité, il faut tracer une ligne de démarcation", a-t-elle entonné. Elle semble particulièrement préoccupée par la notion d’"équité" qui, apparemment, implique presque toujours de statuer contre la défense.

Pour la première fois au cours de ces audiences, Baraitser a brièvement consulté son jugement préparé à l’avance pour y insérer une référence à quelque chose que Fitzgerald avait dit au tribunal, qu’une approche possible pourrait être que les nouvelles preuves de la défense soient simplement citées comme s’il s’agissait d’un article universitaire. Mais seulement pour la rejeter.

Donc, pas de plaidoirie de clôture et deux témoins clés non admis.

Nous sommes ensuite passés à l’étape suivante de cette procédure très particulière, dans laquelle la "gestion de l’affaire" l’emporte toujours sur la justice, avec un autre exposé des preuves de la défense dont l’"essentiel" convenu est simplement mentionnée dans le procès-verbal, sans contre-interrogatoire. Dans le cadre de cette procédure, que Baraitser a expressément lancée pour gagner du temps, lorsque la défense est d’accord, les déclarations des témoins sont réduites aux seuls faits qui ne sont pas contestés, et un "résumé" ou une modification de cette modification est lue à haute voix, l’ensemble de la déclaration expurgée étant consigné dans le dossier du tribunal.

La défense s’est laissée trop facilement intimider par ce "gain de temps", qui est bien sûr recherché par le juge et le gouvernement américain dans le but de diffuser le moins possible d’informations embarrassantes en public et de clore rapidement l’audience. L’une des conséquences de l’approche de la défense, qui adopte une position "de défense", est qu’après la première lecture très efficace des passages clés des preuves d’El-Masri, les "grandes lignes" lues dans le dossier ont été passées en revue à toute vitesse, comme si la défense se rendait compte que ces preuves ont été réduites à une formalité inutile, sans expression ni poids dans la lecture et à une vitesse qui dépasse de loin ma capacité à prendre une note précise.

Comme le témoignage de John Young de Cryptome, la déposition de Jakob Augstein était une preuve importante qui démontrait que ce n’était pas Assange ou Wikileaks qui avait publié les documents non expurgés, et Augstein a apporté des informations supplémentaires selon lesquelles Assange avait justement essayé de l’empêcher. Avant que Der Freitag ne publie son article du 25 août 2011, qui révélait que la clé du mot de passe et le fichier étaient tous deux disponibles, Assange avait téléphoné à Augstein, rédacteur en chef de Der Freitag :

Ces preuves contredisent l’essentiel du dossier de l’accusation, à tel point que je ne comprends pas pourquoi la défense a accepté de le faire glisser dans le dossier d’une manière que personne ne remarque.

L’autre point intéressant concernant les preuves d’Augstein est qu’elles indiquent clairement la possibilité que ce soit Daniel Domscheit-Berg lui-même qui, en faisant défection de Wikileaks, ait été responsable de la mise en ligne d’un fichier cache crypté mais non expurgé.

Nous sommes ensuite passés au seul témoin qui a été effectivement entendu en personne vendredi, Patrick Eller, par liaison vidéo depuis les États-Unis. Il devait répondre à l’accusation selon laquelle Assange avait conspiré avec Chelsea Manning pour déchiffrer un mot de passe de clé et obtenir les documents que Manning avait divulgués, et/ou pour aider Manning à couvrir ses traces. Le témoignange d’Eller était plutôt un coup de maître pour la défense car il ne pouvait y avoir de meilleur témoin expert sur ce sujet particulier. Eller est le PDG de Metadata Forensics et un professeur enseignant en criminalistique à la faculté de droit de l’armée américaine. Vétéran de 25 ans, il a été commandant de l’unité d’enquêtes de criminalité numérique de l’armée américaine au Commandement des enquêtes criminelles de l’armée américaine en Virginie.

Je ne vais pas utiliser ma technique habituelle de compte rendu des éléments de preuve et du contre-interrogatoire d’Eller de manière chronologique, car le sujet ne s’y prête pas, étant à la fois très technique et présenté de manière très décousu. Cela est dû en partie à l’approche de James Lewis QC, avocat du gouvernement américain, qui a adopté une politique consistant à poser de longues séries de questions techniques sur le fonctionnement des systèmes informatiques, dont la plupart étaient élémentaires, non pertinentes, et qui exigeaient et obtenaient toutes deux la simple réponse "oui", puis, après une série de douze à vingt "oui", Lewis faisait une proposition plus douteuse. Cela a fonctionné une fois, lorsqu’il a obtenu un "oui" à la proposition selon laquelle "un excellent hacker peut craquer un excellent cryptage" par ce système de répétition impulsive du "oui". Lewis a poursuivi en affirmant qu’Assange s’était autrefois décrit comme "un hacker fantastique".

Je ne cherche pas à cacher le fait qu’il y a eu des passages du témoignage d’Eller au tribunal que je n’ai tout simplement pas compris. Lorsque j’achète un nouvel ordinateur portable, il me faut des jours pour trouver comment l’allumer et je n’ai pas encore trouvé comment transférer les informations de l’ancien. Il y a très certainement des lecteurs qui auraient fait un bien meilleur travail que moi pour rapporter cela, mais j’étais présent et vous n’y étiez pa. Voilà donc, selon moi, les points clés du témoignage d’Eller.

En ce qui concerne les conversations via Jabber entre Chelsea Manning et "Nathaniel Frank", qui constituent la base de l’accusation d’avoir aidé à commettre une intrusion informatique, il n’existe aucune preuve que "Nathaniel Frank" est Julian Assange, ni même un individu en particulier.

La "clé de hachage", ou la moitié chiffrée d’un mot de passe, que M. Manning avait demandé de l’aide pour le craquer, n’aurait pas pu être craquée avec la technologie disponible en 2010. C’était "impossible" et "irréalisable sur le plan informatique", selon M. Eller. Cela n’aurait pas pu être fait avec une attaque par force brute, une attaque par dictionnaire ou une table arc-en-ciel. En contre-interrogatoire, Lewis a longuement exploré cette question et a lu un article de 2009 sur une vulnérabilité de Windows XP concernant précisément le système de clé de hachage. Eller a répondu que c’était bien connu, mais que Microsoft l’avait corrigé avec un patch bien avant les événements en question. Cela a rendu impossible dans la pratique de craquer le code en utilisant une moitié de la clé de hachage. Lewis n’a pas posé de question et est rapidement passé à autre chose ; il semble qu’il connaissait le correctif depuis le début.

Le témoignage le plus éloquent d’Eller est peut-être le fait que Manning avait en fait déjà téléchargé la majeure partie du matériel transmis à Wikileaks avant même d’entamer la conversation avec Frank. Manning avait un accès complet au SIPRnet, ou à l’infranet de matériel classifié jusqu’à secret, sous son propre nom d’utilisateur, et avait déjà téléchargé en utilisant un programme appelé wget. En outre, Manning avait déjà pris des mesures pour protéger son identité en redémarrant à partir d’un CD Linux, contournant ainsi plusieurs éléments de sécurité de Windows. Cela aurait été au moins aussi efficace que le téléchargement à partir du compte FTP si l’objectif était d’empêcher la détection.

Manning n’a donc pas eu besoin de l’aide de "Nathaniel Frank", ni pour obtenir les documents classifiés ni pour couvrir ses traces, bien que le problème de la traçabilité des téléchargements à l’adresse IP demeure. Mais ce problème n’aurait pas été résolu de toute façon par l’intérêt de Manning à se connecter à un compte de protocole de transfert de fichiers. Il y a eu beaucoup de discussions pour savoir si le compte FTP aurait ou non des privilèges d’administrateur, mais comme Eller a insisté sur le fait que cela n’aurait pas augmenté son accès aux documents classifiés ni lui aurait permis de mieux couvrir ses traces, et qu’ils n’auraient de toute façon pas pu craquer le mot de passe avec la moitié de la clé de hachage, je n’ai pas bien compris où cette discussion menait.

Une information particulièrement surprenante de la part d’Eller est que le SIPRnet à partir duquel Manning avait téléchargé tout le matériel était ouvert à des "millions" d’utilisateurs. Le dernier point clé d’Eller était que toutes ses preuves étaient conformes aux conclusions de l’accusation devant la cour martiale de Manning, et donc probablement aux enquêtes de son ancienne équipe d’enquêteurs. Certains des arguments opposés par Lewis - notamment le fait qu’il était en fait possible de craquer le mot de passe à partir de la demi-clef de hachage - ne sont pas cohérentes avec les preuves scientifiques de l’accusation américaine lors de la cour martiale de Manning.

Le témoignage d’Eller est un exemple d’un de ces cas où je sais que les commentaires des lecteurs seront beaucoup plus éclairés que les miens !

Enfin, et c’est inquiétant, Baraitser a entendu les arguments des médecins et psychiatres qui ont témoigné sur la question de savoir si les dossiers médicaux complets d’Assange devraient être communiqués aux médias. Ils ont été demandés par la presse. Les dossiers contiennent une grande quantité d’informations et de nombreux détails intimes sur l’enfance et les relations de Julian, qui sont des preuves mais n’ont pas été données en audience publique par les médecins. La défense et l’accusation se sont toutes deux opposées à leur divulgation, mais Baraitser n’a cessé de parler de "justice ouverte". Vous vous souviendrez qu’au début de cette année, Baraitser avait décidé qu’il était dans l’intérêt de la "justice ouverte" de communiquer aux médias l’identité de la partenaire de Julian, Stella Moris, et de ses enfants. Cela aussi était contraire aux souhaits de l’accusation et de la défense.

Il est très ironique qu’un juge si déterminé à faire taire ou à refuser d’entendre les preuves de la défense soit soudainement si préoccupé par la "justice ouverte" lorsqu’il s’agit de faire du mal à Assange en divulguant ses informations extrêmement personnelles. Baraitser se prononcera sur ce point lundi et j’espère qu’un reste d’humanité prévaudra.

Craig Murray

https://www.craigmurray.org.uk/archives/2020/09/your-man-in-the-public-gallery-assange-hearing-day-18/


La juge reconnaît le caractère politique de l’affaire Assange

Avant le début des témoignages aujourd’hui, la juge Baraitser a reconnu pour la première fois les dimensions politiques de l’affaire contre Julian Assange. Au milieu de la discussion sur la date de présentation des conclusions finales et sur le temps nécessaire pour les préparer après la fin des témoignages la semaine prochaine, la juge a demandé à la défense si l’élection présidentielle américaine aurait un impact sur l’argumentation de la défense.

L’avocat Ed Fitzgerald a déclaré : "Une grande partie de ce que nous disons au sujet de M. Trump lui-même découle de la raison pour laquelle cette affaire a été lancée, et tout cela restera valable", et "Une grande partie de ce que nous disons au sujet du sort qui attend M. Assange reste valable parce qu’il s’agit de failles systémiques dans les prisons et de ses conditions sous-jacentes". Mais "la situation serait encore pire" si M. Trump devait être réélu, a-t-il déclaré.

La juge a déclaré qu’elle espérait rendre sa décision ou au moins avoir des arguments finaux avant l’élection américaine du 3 novembre. Mais en accordant à la défense quatre semaines pour présenter ses conclusions après le témoignage et au gouvernement deux semaines supplémentaires pour répondre, elle a déclaré que sa décision devra être rendue au début de l’année prochaine.

Le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson, a immédiatement réagi à ces commentaires :

"En demandant à la défense comment l’issue de l’élection présidentielle américaine affecterait son dossier et en indiquant qu’elle espérait rendre une décision avant le jour de l’élection, la juge de district Vanessa Baraitser a reconnu ce qui était clair depuis avant même que la première accusation contre Julian Assange ne soit rendue publique, à savoir qu’il s’agit d’une poursuite à caractère politique.

L’article 4 du traité d’extradition entre les États-Unis et le Royaume-Uni stipule que "l’extradition ne sera pas accordée si l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée est une infraction politique".

Jakob Augstein : Assange "craignait pour la sécurité des informateurs"

La défense a ensuite lu une brève déclaration de témoin de Jakob Augstein, rédacteur en chef de l’hebdomadaire allemand Der Freitag, qui a publié en 2011 un article indiquant que le livre des journalistes du Guardian Luke Harding et David Leigh avait révélé un mot de passe qui pouvait être utilisé pour décrypter les fichiers contenant les câbles non expurgés du Département d’État. L’article était intitulé "Fuite chez WikiLeaks", faisant référence à Daniel Domscheit-berg, ancien collaborateur de WikiLeaks, qui s’est brouillé avec M. Assange en 2010 et a emporté des fichiers avec lui pour tenter de créer un nouveau site de divulgation de fuites.

La déclaration d’Augstein fait allusion au fait que c’était un site miroir créé ou contrôlé par Domscheit-berg qui contenait le fichier pouvant être décrypté avec ce mot de passe.

Elle confirme également que Julian Assange avait contacté Augstein avant la publication de l’article pour exprimer qu’il "craignait pour la sécurité des informateurs". Comme nous l’avons signalé, les accusations de publication du gouvernement ne concernent que les publications câblées non expurgées du Département d’État et reposent sur l’affirmation selon laquelle Assange ne se souciait pas de la divulgation des noms des sources.

Patrick Eller démystifie la "conspiration" Manning/Assange

Le premier témoin en direct d’aujourd’hui est l’expert en criminalité numérique Patrick Eller, qui a servi dans l’armée américaine pendant 20 ans en tant qu’enquêteur criminel. Ellis est aujourd’hui président de Metadata Forensics, qui propose des enquêtes et expertises numériques dans le cadre d’affaires civiles et pénales.

Eller a examiné les actes d’accusation contre Assange et les transcriptions de la cour martiale de Chelsea Manning en 2013 pour analyser l’allégation selon laquelle Assange et Manning se seraient livrés à un complot pour dissimuler l’identité de Manning et voler d’autres documents. L’argument est que lorsque Manning a clavardé [bavarder via un clavier - Ndt] sur Jabber avec un utilisateur "Nathaniel Frank" (que le gouvernement prétend mais n’a pas prouvé être Julian Assange) et a demandé de l’aide pour craquer un code, qui est une partie cryptée d’un mot de passe, elle essayait d’obtenir un accès accru aux bases de données gouvernementales et de dissimuler son identité.

Le témoignage d’Eller établit plusieurs points clés :

  • La tentative de craquer le code n’était pas technologiquement possible en 2010, lorsque la conversation a eu lieu

    Tout d’abord, un peu de contexte sur le fonctionnement du cryptage d’un mot de passe : un algorithme transforme le texte en clair (un mot de passe normal avec des chiffres, des lettres et des caractères spéciaux) en une "valeur cryptée" (un mélange unique de caractères écrits en hexadécimal, un système de numérotation qui utilise 16 caractères) et stocké dans une base de données du Security Accounts Manager (SAM), puis crypté avec une clé, qui est elle-même stockée dans le fichier SAM et dans un fichier System. Cela signifie qu’il faut à la fois le fichier SAM et le fichier System pour craquer un mot de passe. Ellis explique :

    "Manning n’a récupéré que la valeur de code crypté du fichier SAM. Elle n’avait pas le fichier System ni les parties du fichier SAM qui sont nécessaires pour reconstruire la clé de décryptage. Cette étape de décryptage est nécessaire avant que le code puisse être craqué et c’est un processus distinct de celui qui consiste à craquer le code en devinant les valeurs des mots de passe différents à l’aide de tables arc-en-ciel. À l’époque, il n’aurait pas été possible de craquer un mot de passe crypté tel que celui que Manning avait obtenu".

  • Même si cela était possible, le but n’aurait pas été de dissimuler l’identité de Manning

    "L’allégation du gouvernement selon laquelle il y a eu une tentative de garder l’anonymat est grandement ébranlée par le système de suivi qui a identifié les utilisateurs." Le gouvernement affirme que Mme Manning a voulu craquer le mot de passe pour pouvoir se connecter à un compte "ftpuser", ce qui, selon lui, la ferait passer pour un administrateur, plutôt que pour le compte Bradley.manning qui lui a été attribué en tant qu’analyste du renseignement. Mais l’armée traquait les ordinateurs en se basant sur les adresses IP et non sur les détails du compte, de sorte que même si elle se connectait avec le compte d’administrateur, il serait toujours possible de remonter jusqu’à son ordinateur identifiable.

  • Même si cela était possible, cela n’aurait pas donné à Mme Manning un accès accru aux bases de données gouvernementales

    La discussion de mars 2010 sur le décryptage a eu lieu alors que M. Manning avait déjà divulgué les dossiers sur le traitement des détenus de Guantanamo Bay, les journaux de guerre irakiens et afghans et les règles d’engagement. Les seuls documents restants sont donc les câbles du département d’État, qui sont stockés dans un intranet gouvernemental (une version interne d’un internet) appelé SIPRNet. L’accès à ce réseau ne nécessite pas d’informations de connexion, de sorte qu’elle y avait déjà accès bien avant. De plus, selon le témoignage d’Eller, toute personne chargée d’utiliser des documents gouvernementaux secrets aurait eu accès à cette base de données. Invitée à donner une estimation du nombre de personnes ayant accès au SIPRNet, Eller a déclaré que c’était "dans les millions".

Ce qui est beaucoup plus probable, selon le témoignage d’Eller, c’est que Manning voulait utiliser le compte administrateur afin de télécharger des films, de la musique et des jeux sur son ordinateur. Le type de compte auquel Manning aurait eu accès aurait eu des privilèges administratifs facilitant l’accès au T-Drive, une base de données partagée où d’autres utilisateurs téléchargeaient ce genre de fichiers.

Le témoignage d’Eller a également établi que le gouvernement américain et lui-même n’ont aucun moyen de prouver que "Nathaniel Frank" était en fait Julian Assange.

La procédure reprendra lundi à 10h00, heure de Londres.

https://assangedefense.org/live-blog-entry/day-14-september-25-2020-assangecase/

Traduction "tout ce que les médias ne vous raconteront pas" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

Etats-Unis contre Julian Assange : Comptes-rendus des audiences
URL de cet article 36501
   
Palestine, photographies de Rogério Ferrari
Préface, Dominique Vidal - Texte, Leïla Khaled Rogério Ferrari n’est pas un reporter-photographe. Il ne scrute pas, ne témoigne pas, n’écrit pas d’images. Il s’emploie à rendre au plus grand nombre ce qu’il a reçu en partage : l’humanité tenace de celles et ceux à qui elle est déniée. Existences-Résistances est un alcool fort, dont l’alambic n’a pas de secret ; il lui a suffit de vivre avec celles et ceux qui en composent le bouquet. Au bout de ces images, point d’ivresse. Mais un (…)
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