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« Près de quarante pays bénéficient de l’aide médicale cubaine »

Solidarité. Enseignante-chercheuse en civilisation latino-américaine, Janice Argaillot évoque l’action des médecins de la Grande Île envoyés dans le monde pour lutter contre la pandémie et dénonce l’embargo contre La Havane.

Quelle est l’action des autorités à Cuba ?

Janice Argaillot, Maître de conférences à l’université Grenoble-Alpes

Janice Argaillot La stratégie adoptée concilie veille épidémiologique, réaffectation des personnels médicaux dans les unités les plus à risques (soins intensifs, gériatrie...), formation d’un maximum de personnel au diagnostic et information importante auprès de la population.

La prévention est renforcée auprès des groupes « vulnérables ». Elle se fait par les médecins de famille qui vont sur le terrain, mais également par les Comités de défense de la révolution (CDR). Ces derniers surveillent l’apparition de symptômes chez les habitants, ce qui ne plaît pas à tout le monde. Des mesures locales de confinement ont été adoptées. Il s’agit d’une cuarentena, plus que d’un confinement général.

Comment ce pays peut-il envoyer des brigades médicales dans le monde, y compris en Europe et dans les Antilles françaises ?

Janice Argaillot La médecine mais également l’internationalisme sont dans l’ADN de la Révolution. Cuba n’est pas un pays riche, au sens où on l’entend généralement, mais l’île partage ce qu’elle a. Et malgré toutes les difficultés économiques, elle dispose de médecins qualifiés.

Dans la lutte contre le Covid-19, Cuba a envoyé des médecins en Chine, puis en Italie. On note effectivement un appui aux départements d’outre-mer français, mais également à d’autres espaces : Angola, Togo, Nicaragua, Venezuela, Jamaïque... Une quarantaine de pays profitent de l’aide médicale cubaine dans la lutte contre ce coronavirus. Il s’agit donc bien d’internationalisme.

Certains disent que le gouvernement cubain profite de cette coopération médicale. Qu’en est-il exactement ?

Janice Argaillot On parle souvent de la « diplomatie médicale » cubaine, et il est certain que les médecins sont une source de devises. 11 milliards de dollars seraient rapportés, par an, à l’État cubain par ces médecins internationalistes (contre moins de 3 milliards de dollars de bénéfices générés par le tourisme). Cependant, tous les pays dans lesquels des interventions ont lieu ne reçoivent pas de facture, et il est évident que certains ne pourraient pas payer.

Pour certains, l’internationalisme médical signifie une ingérence politico-idéologique dans les pays aidés, en plus d’être un système contraignant pour les médecins. Les représentants diplomatiques cubains évoquent eux-mêmes une « armée en blouse blanche ». Comme toujours, lorsqu’on évoque Cuba, il est difficile d’analyser les données posément, tant le débat « pour ou contre » la Révolution s’invite dans la réflexion.

On entend souvent que les médecins envoyés à l’étranger ne perçoivent qu’une part minime du salaire versé par le pays qui les accueille. Le reste tombe effectivement dans les caisses de l’État, mais... pour financer le système de santé cubain, gratuit pour les patients (même si des cas de corruption sont signalés), et l’Élam (École latino-américaine de médecine), qui permet à des étudiants du monde entier d’étudier la médecine, pour certains gratuitement. Ainsi, il s’agit d’un système « circulaire » : les médecins envoyés à l’étranger rapportent de l’argent à l’État, qui peut le réinvestir dans la formation de professionnels de santé...

L’embargo pèse-t-il encore plus durement sur les Cubains en ces temps de pandémie ?

Janice Argaillot Oui. Les pertes sont colossales au niveau économique. Le ministère des Affaires étrangères de Cuba annonçait 4,3 milliards de dollars de manque à gagner pour l’île entre avril 2017 et mars 2018 ; depuis 1962, le même ministère évoque des préjudices pour l’économie cubaine s’élevant à presque 135 milliards de dollars.

Même si on n’est plus aux heures sombres de la Période spéciale, l’arrivée de Donald Trump au pouvoir complique le quotidien des Cubains. Ces derniers emploient souvent le verbe « resolver » : le quotidien, c’est inventer.

Mais l’embargo fait apparaître des situations encore plus cruelles en temps de pandémie. Par exemple, le fondateur du groupe chinois Alibaba avait fait envoyer une cargaison médicale, avec masques, respirateurs et médicaments, à La Havane. Mais le transporteur a renoncé à se charger de la livraison par crainte de représailles de Washington. En effet, la loi états-unienne connue sous le nom de Helms-Burton interdit dans les faits aux entreprises mondiales de commercer avec Cuba.

N’est-il pas temps de lever cet embargo ?

Janice Argaillot C’est une évidence... On a aujourd’hui le recul nécessaire pour affirmer que cette « mesure » ne fonctionne pas. Elle avait pour but de faire tomber la Révolution, le régime, les Castro. La Révolution est toujours là. Malgré la mort de Fidel et l’élection de Miguel Díaz Canel pour succéder à Raúl. Le but avoué a toujours été de « priver le régime castriste de ressources » ; force est de constater que les ressources nécessaires à la survie de la Révolution ont été trouvées. Par contre, de nombreux amis me relatent les grandes difficultés à trouver certains produits de consommation courante, ou à se faire soigner par manque de matériel, parfois basique. En somme, ce sont les Cubains qui connaissent les pénuries au quotidien, pas le système politique.

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»» https://www.humanite.fr/janice-arga...
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Cuba est une île
Danielle BLEITRACH, Jacques-François BONALDI, Viktor DEDAJ
Présentation de l’éditeur " Cuba est une île. Comment l’aborder ? S’agit-il de procéder à des sondages dans ses eaux alentours de La Havane, là où gisent toujours les épaves des galions naufragés ? Ou encore, aux côtés de l’apôtre José Marti, tirerons-nous une barque sur la petite plage d’Oriente, et de là le suivrons -nous dans la guerre d’indépendance ? Alors, est-ce qu’il l’a gagnée ? C’est compliqué ! L’écriture hésite, se veut pédagogique pour exposer les conséquences de la nomenclature (…)
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