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Chronique du corona

 Le confinement pour cause du Corona a des vertus qui ne sont pas seulement sanitaires. Nous avons du temps. Du moins pour ceux qui n’ont pas de problèmes de survie journalière. Jamais peut être, partout sur la planète, on a autant réfléchi au sens des choses et de la vie.. Comme si nous n’avions jamais réellement pensé, emportés par le tourbillon de la vie quotidienne. L’atmosphère mondiale est créative. Les idées parcourent à la vitesse de la lumière les autoroutes de la communication. Il en sortira certainement quelque chose vu l’ampleur que prend cette intelligence collective. Un gigantesque Wikipédia universel.

 Les oiseaux reviennent dans les villes. C’est touchant. Dans le quartier où j’habite, on les entend gazouiller. Cela fait longtemps que nous ne les avions pas entendus. Bizarre, j’ai ressenti de l’émotion. Peut-être allons- nous devenir plus raisonnables...

 Partout dans le pays, nous sommes rassemblés tous les soirs pour suivre les chiffres de l’évolution de l’épidémie. Nous les comparons à ceux d’autres pays. Les mêmes sentiments, le même soulagement lorsque nous constatons que l’épidémie n’a pas explosé. Mais surtout, cette pensée fraternelle, émue, qui m’étreint, comme certainement tous les algériens, cette compassion immense pour les victimes de l’épidémie, comme s’ils étaient chacun de nous.

Confiner, ne pas confiner...

 Le confinement, c’est la catastrophe économique. Sans le confinement, c’est la catastrophe sanitaire. A-t-on jamais vécu une telle équation. Quelles sont les solutions. On cherche celles qui pourraient concilier les deux exigences. La bonne nouvelle est que le cynisme a reculé, celui qui consistait, dans certains pays, à être tenté de sacrifier "les vieux" aux impératifs économiques. Mais le problème économique reste réel, il ne faut pas se le cacher, très préoccupant. Le virus pratique une discrimination celle de l’âge. Peut-être faudra-t-il comme certains le proposent, "déconfiner" les jeunes d’abord. Comment ?

Car la vie économique, elle, pratique d’autres discriminations, celles-ci sociales, les conséquences du confinement, le chômage, les conditions de logement, la précarité. Le biologique et le social se heurtent de façon frontale. Situation inédite, et donc solutions inédites ? Un tournant peut-être dans la vie de l’humanité.

 Il y a une mentalité de château assiégé. Le virus rode autour dehors. Il faudra bien sortir un jour du confinement et affronter l’ennemi, affronter le virus, face à face, les yeux dans les yeux. Images un moment délirantes.

Ironies de l’histoire

 Revenons à la réalité. Ironie de l’histoire, tout ceci arrive au moment même où un peu partout dans le monde, il y a eu un déficit de démocratie ou un besoin de démocratie plus approfondie, plus moderne. Un peu partout, des mouvements populaires, des "Hirak" sont nés, poussés, gonflés par les réseaux sociaux, c’est-à-dire par le développement technologique. Ceci sera-t-il la solution à cela. En effet, la démocratie politique va-t-elle souffrir de la situation, puisque par définition elle s’appuie sur le débat, la liberté d’expression, et ses manifestations, y compris les manifestations tout court et les rassemblements de foule. Comment concilier avec le confinement. Ou bien les réseaux sociaux vont-ils prendre le relais. Problème inédit encore. Comme si les nouvelles technologies étaient arrivées au moment même où elles allaient devenir indispensables.

 En France, la consigne officielle est désormais de sortir couvert, masqué. On préconise même les gants pour les mains. De quoi aujourd’hui sourire. On se souvient des campagnes passionnées, passionnelles, hystériques, mobilisant quasiment toute la classe politique française, contre le voile, le niqab, et détournant les gens des combats réels. Quoi, couvrir son visage ne serait-il plus un danger pour la sécurité nationale, un signe d’oppression, d’asservissement de la femme. Tout cela parait désormais bien dérisoire. Le corona est venu, remettant les pendules à l’heure.

 Rien ne semblait capable de s’opposer aux forces d’intervention occidentales, et notamment leur symbole, les portes avions. Ironie, là aussi, de l’Histoire, les porte-avions Théodore Roosevelt et Charles de Gaulle sont immobilisés par ...le corona. Il a fallu qu’ils rentrent d’urgence à leur port d’attache pour être mis en quarantaine.

 Certaines élites politiques et économiques maghrébines et africaines avaient pris l’habitude de se faire soigner à Paris. Un voyage discret et un retour aussi discret. C’était le cas aussi pour l’Algérie, malgré la qualité de notre corps médical et, il faut le dire, de bien des installations hospitalières aussi bien dans le public que le privé. On allait se faire soigner pour une simple cataracte, une hernie, une prostate. Les médecins français avaient beau leur dire qu’ils ne pouvaient faire mieux que leurs collègues algériens, ils y allaient quand même. Beaucoup de ceux-là se sont retrouvés bloqués à l’étranger, pris en flagrant délit de défiance envers leur pays, et affolés par la diffusion fulgurante de l’épidémie en France, et en Europe, et puis, comble de la situation, pressés de revenir. Ils pestent, désormais déçus de leurs précédentes amours, contre " des pays européens qui n’ont ni masques, ni tests, et qui se conduisent comme le dernier des pays sous-développés. " Ah ce Corona...

Science et politique

 Les médecins généralistes se succèdent sur les plateaux télé en France. Ils prennent leur revanche sur les spécialistes et les professeurs. C’est la revanche des sans grades, des sous-off sur les officiers supérieurs et les généraux. Les polémiques font rage. Chacun veut sauver le monde, y va de sa solution. ou pense avoir enfin l’occasion d’émerger. La polémique autour du Professeur Raoult et de son traitement prend des dimensions politiques, sans qu’on sache lequel des deux est en vérité ciblé, lui ou le traitement. Mais pourquoi, diable, le Pr Raoult n’a-t-il pas, constitué un groupe témoin, un groupe placebo comme l’exige la méthode scientifique. Mystère.
Lorsque la politique et la science se mélangent c’est bien l’indice d’une crise profonde de la société, d’une situation de désarroi, le rationnel recule au profit des croyances, voire des superstitions. Le fameux cartésianisme "en prend un coup". On retrouve l’atmosphère des épidémies et des grandes peurs du Moyen âge. On croit ou non au traitement. On proclame que les malades doivent avoir le droit de choisir eux-mêmes leur traitement. On va jusqu’à faire un sondage chez les français au sujet du traitement proposé par le Pr Raoult. Un ancien ministre de la santé et médecin fait même une pétition en ligne sur Internet pour soutenir ce traitement.

Dans l’atmosphère de pénuries de masques, des médecins et même quelques professeurs, trop proches des "décideurs" étaient venus dire à la Télé " que les masques ne servent à rien quand on n’est pas malade". Leurs confrères sont indignés. Le scandale enfle, devient politique. Le pouvoir n’arrivera pas à se dépêtrer de cette affaire de masques malgré toutes les explications données. Gratter une erreur, vous l’approfondirez. À être trop médiatisés, des médecins, des professeurs prennent des risques. Certains cèdent même à la psychose ambiante. Le virus est inconnu. Ils disent à son sujet tout simplement n’importe quoi, comme tout le monde. L’opinion découvre qu’être médecin est une chose, être un scientifique en est une autre.

 Chaque soir à 20h, la population applaudit au balcon le corps médical, toutes professions confondues. Cela a commencé en Italie, et s’est répandu en Europe. Le monde est reconnaissant. En Algérie aussi, jamais un corps professionnel n’a trouvé autour de lui autant d’affection, de respect. Sur le champ de bataille du Corona, ils sont les héros, un héroïsme nouveau, quotidien, sans tambours ni trompettes.

Le Professeur Raoult

 Le professeur Raoult a le vent en poupe au Maghreb et en Afrique. Il l’est d’autant plus qu’il vient de proclamer "qu’il n’y aurait pas de science française sans les chercheurs émigrés ou expatriés arabes et Africains". Le professeur est entre l’artiste et le savant. Mais, selon Wikipédia, il a été accusé, dans le passé, à plusieurs reprises de fraude et de manipulation de données scientifiques. Il a même été interdit de publication, pour cette raison, en 2006, dans la revue de la Société américaine de biologie (ASM). Il plait pourtant à une certaine jeunesse pour son anticonformisme. Preuve de son ouverture d’esprit en France, il se serait même opposé à l’ interdiction du voile dans son institut. Une vidéo à son sujet est devenue virale en Algérie. Il dit même "des Africains et des Arabes [qu’ils sont] les plus travailleurs, les meilleurs, les plus formés". Tiens ! pour ceux des nôtres qui passaient leur temps à gémir sur notre" système de formation sinistré"" et qui ne reconnaissent ses vertus, qu’une fois qu’elles permettent la reconnaissance et le travail à l’étranger. Bien sûr ce que dit Le Pr Raoult nous valorise mais il y a un hic. Le hic c’est que le Professeur Raoult et son institut, l’Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée, fonctionnent comme une pompe à l’exode des compétences et donc au pillage de nos ressources humaines si chèrement constituées. On pourrait bien sûr s’empresser de nous dire, comme toujours, qu’il y aura des retombées chez nous. Le problème c’est qu’elles ont toujours tardé à venir depuis des décennies. L’Institut est une énorme bâtisse, largement financée par les autorités françaises, dont l’armée, disproportionnée pour son objet, mais située en face de l’Afrique, et une machine à produire des publications. Beaucoup de jeunes scientifiques algériens, y ont fait, d’abord des stages, envoyés par leurs professeurs algériens. Pour ceux qui cherchent une solution au départ, cet institut est l’une des voies royales pour l’obtention rapide d’un visa, la production de quelques publications, et donc le pied à l’étrier pour une insertion à l’étranger, du moins avant...le temps du corona. Tout cela a aussi permis à l’Institut et au professeur Raoult d’avoir un solide réseau de sympathie au Maghreb, qui se manifeste, d’ailleurs aujourd’hui dans la confiance au traitement qu’il propose, et dans le soutien qui est apporté autant au traitement qu’au professeur.

 Des voix s’élèvent actuellement en France pour demander à l’armée d’intervenir, pour dire qu’il faut, pour gérer la crise sanitaire, et bientôt économique et sociale, une autorité véritable, "un quartier général, un maréchal Foch". On se souvient que pendant la première guerre mondiale, le maréchal Foch avait rétabli l’ordre dans l’armée en faisant "fusiller pour l’exemple" des centaines de soldats.

Signe des temps, l’armée, en Algérie, bien au contraire avait réclamé un président civil et le respect strict de la Constitution.

En Algérie

 Étrangement : autant on ressent du doute, une crise de confiance dans les pays occidentaux dans les capacités à affronter la crise, autant on sent poindre, en Algérie, depuis le Hirak peut être et la fierté retrouvée, plus de confiance en soi, moins de place à ces sentiments d’auto dévalorisation qui nous rendaient si fragiles. Est-ce aussi parce que tous les pays se retrouvent face à la même crise, et que certains clichés s’écroulent concernant les pays dits développés ? Ou est-ce parce qu’à l’occasion de cette crise, nous découvrons nos capacités, les réserves médicales accumulées, les compétences existantes, nos capacités sociales, autant de facteurs auparavant sous-estimés. Peut-être que nous allons nous en tirer pas trop mal ? Ce sentiment fait son chemin.

Finalement, l’humanité avance toujours par nécessité. Avec cette épidémie, beaucoup de questions qui faisaient en Algérie l’objet de débats récurrents trouvent comme par enchantement, tout naturellement des solutions. La propreté des villes. L’utilisation des moyens de paiement électroniques.
En Algérie, dans les villes et les villages, un peu partout, les gens se mobilisent et sont fiers qu’on les voit ainsi au combat, en mission contre la maladie, pour la stopper chez nous. Corps médical, personnels de santé, protection civile, services de sécurité , services de nettoyage. Il n’y a pas de petites tâches, de petites missions, chacun le sait. C’est comme si le Hirak se prolongeait, cette fois-ci contre l’épidémie, toujours dans le même élan national. On est même frappé par de nombreux signes de modernité qui apparaissent aujourd’hui : ces exercices de la protection civile avec des équipements modernes, les équipes de santé et leur mode opératoire, l’hygiène impeccable de leurs tenues protectrices, l’utilisation des technologies, les initiatives partout pour fabriquer des masques, ce pont aérien vers la Chine d’où les pilotes d’Iliouchine ramènent dans des vols aller-retour d’une journée des tonnes d’équipement, la discipline des masques dans l’administration, les services, l’armée, autant d’images de modernité qui nous parviennent. Sont-ce des images de propagande ? Peut-être. Mais certaines images sonnent si vraies.

C’est comme si la lutte contre cette crise était aussi pour chaque pays, en même temps une préparation à la sortie de la crise. Le Président de la République parle juste, lorsque hier, lors de sa visite à l’hôpital de Beni Messous, il souligne ce point, et l’occasion que doit être cette crise pour préparer l’avenir, corriger le passé, notamment en matière de santé publique. Mais, quand il parle, pourquoi faut-il qu’il tombe, lui aussi, dans ce travers d’utiliser parfois ce mélange affreux de français et d’arabe, confus, sans élégance et qui n’apporte rien. Un détail, dira-t-on. Pas si sûr. Mais passons. Le Président Tebboune veut rassurer, il veut donner confiance à l’Algérie dans ses capacités. Il semble ressentir ce besoin d’un nouveau style politique, plus simple, plus démocratique . Ce serait bien, dans ce sens, qu’il mette un terme, symboliquement, au style pompeux, d’un autre temps, de cette grande salle du conseil des ministres. Dans les États démocratiques, quelques tables et des chaises suffisent à la réunion du gouvernement. La dimension de la salle et le cérémonial suranné du conseil des ministres n’ajoutent rien à son importance. Espérons que cette volonté affichée de plus d’humilité, de plus de modestie et donc d’efficacité et d’esprit démocratique dans la conduite des affaires de l’État s’impose durablement. Car la lutte contre le Corona, c’est aussi cela . C’est un combat qui rend encore plus vitaux les sentiments d’égalité et de justice, c’est une épreuve qui révèle actuellement les capacités de chaque nation.

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Si un homme blanc veut me lyncher, c’est son problème. S’il a le pouvoir de me lyncher, c’est mon problème. Le racisme n’est pas une question d’attitude ; c’est une question de pouvoir. Le racisme tire son pouvoir du capitalisme. Donc, si vous êtes antiraciste, que vous en soyez conscient ou non, vous devez être anticapitaliste. Le pouvoir du racisme, le pouvoir du sexisme, vient du capitalisme, pas d’une attitude.

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