RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 41 / avril 2006
Deux propositions pour le titre, à choisir entre :
« Douce France... »
ou
« On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus »
Les cachots de France se remplissent très vite. Au fur et à mesure que la lutte avance, que la colère monte, que les rues sont occupées par des millions de manifestants, jeunes et vieux, que lycées, collèges, facs, gares, autoroutes... sont occupés, que la vraie France lève le poing, la répression policière et judiciaire montre ses dents. Les arrestations, gardes à vue tombent par milliers, les condamnations par centaines, allant jusqu’à huit mois ferme. Le matraquage des manifestants tombés à terre est banal. Cyril vient juste de sortir du coma. Il faut mettre en taule le plus de monde possible, casser le plus de côtes possible, c’est le credo du pouvoir. Les patrons, leur Etat, ses bras armés policiers et judiciaires, les bureaucrates à leur service... c’est toute une chaîne de répression qui s’active. Sauf que la répression est une arme à double tranchant. « On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus » disait Talleyrand. Les coups reçus font mal, mais font aussi réfléchir, chacun regarde qui donne les coups et au compte de qui. Et quelle que soit l’issue de la bataille contre la loi dite (in) « égalité des Chances » et ses semblables, le principal acquis restera : la jeunesse s’est politisée et elle n’oubliera pas qui était de l’autre côté de la barricade.
Viol en garde à vue
« J’étais en garde à vue, un policier est rentré dans ma cellule, je me suis tout de suite réveillée, je me suis mise debout en me disant que j’allais partir, il m’a touché les cheveux, m’a dit que j’étais jolie, j’ai dit que je ne voulais pas qu’il me touche, il m’a demandé ce que je faisais avec mon copain, il a glissé sa main sous mon t-shirt, il a touché mes seins, mon corps, je n’ai pas arrêté de lui dire stop, il a enlevé sa main de sous mon t-shirt, je me suis dit que c’était fini, puis il a dit qu’il voulait sentir plus de mon corps, j’ai dit que c’était hors de question, il m’a mis une claque, j’ai commencé a pleurer, à partir de là je savais qu’il y aurait un problème et que cela allait mal finir, il m’a tenue de force et a glissé sa main dans mon pantalon, j’ai senti sa main contre ma peau, je me suis débattue comme je le pouvais, il me tenait encore, j’ai beaucoup pleuré, et là il a enlevé sa main, et m’a remis une claque, il m’a bloquée face au mur, il s’est mis contre moi et a commencé à beaucoup s’exciter, il a arraché mon pantalon, je n’avais plus de ceinture a cause de la garde a vue, je lui ai dit que je ne voulais pas de ça, j’ai résisté comme je pouvais, il m’a violée par pénétration anale, après il s’est moqué de moi, il m’a dit que j’étais coincée et prude, il m’a fait des menaces sur moi et mon compagnon, si je parle, puis ironiquement il m’a dit que je pouvais me rendormir... »
(Témoignage reçu à l’adresse du site de Résistons Ensemble)
Chronique d’une culture policière ordinaire
Eunice Barber, 7 jours d’ITT, a porté plainte. Le 18 mars aux abords du Stade de France, en voiture avec sa mère et son neveu, Eunice Barber tourne à gauche alors que la police lui demande de prendre à droite. Elle raconte ensuite qu’un flic tape sur sa voiture et lui donne une giffle lorsqu’elle ouvre la fenêtre. S’en suit une interpellation musclée, cheveux tirés, main tordue, plaquage au sol... Dans le fourgon, deux femmes lui marchent sur les mains et la tête, « tu crois qu’on fait ça en Afrique ? ». Mais lorsqu’ils apprennent son identité, les policiers changent radicalement de comportement.
Insultes racistes, claques dans la gueule, c’est le traitement de choix réservé dans le silence aux anonymes, le fonctionnement au quotidien de la police. « Vous savez, une Black dans le 93 qui se fait interpeller, c’est une gifle », c’est ainsi que se serait justifiée une policière, le tarif de base en quelque sorte.
> SUR LE VIF
Le son des bottes à Toulouse
Le 7 mars à Toulouse, la manifestation contre le CPE s’est déroulée dans le calme. Lorsque les CRS décident de vider la Place du Capitole, lacrymo, charges, passages à tabac, M. quitte la manif et discute tranquillement avec des amis :
« Lorsqu’une compagnie de CRS est passée à l’angle de la rue, un des affreux a lancé une grenade lacrymogène, à tir tendu, que j’ai reçu dans la tempe. Résultat le sourcil droit découpé en trois morceaux, mon crâne qui a vu l’air avant l’heure et pour finir les urgences, une trentaine de points de sutures et un cocard énorme. Quelque part j’ai eu de la chance, j’ai toujours mon oeil. J’ai voulu porter plainte auprès de la police nationale, mais ils ne peuvent pas enregistrer les infractions de leurs aimables congénères »
Le témoignage dans son intégralité sur http://resistons.lautre.net/
Répression au Polygone
« Lors de la manif du 18 mars à Montpellier des centaines de manifestants ont décidé d’occuper le "temple de la consommation" le Polygone. Un homme lance une canette sur une vitrine. Au bruit du verre cassé, les vigiles apeurés attrapent des chaises, des tables en fer et les lancent sur les manifestants, utilisent des gaz lacrymogènes, parfois à 10 centimètres des visages. Tout le monde court, des femmes accompagnées d’enfants dans des poussettes tentent désespérément de rejoindre les sorties. Dans le mouvement de panique, les policiers de la BAC revêtent leur brassard et c’est là que je m’aperçois que l’homme à la canette est un flic ! Ils gazent à tout va et balancent des grenades aveuglantes et des gaz lacrymo... A l’entrée du Polygone, un jeune a le crâne ouvert, les visages sont tuméfiés, les yeux exorbités... On pleure, on vomit, on hurle, personne ne comprend... C’est alors que les CRS arrivent. Ils ne se mettent pas en ligne, mais attaquent directement, coups de tonfa, coups de pied... »
Le témoignage dans son intégralité sur http://resistons.lautre.net/
> CHRONIQUE DE L’ARBITRAIRE
La prison comme politique
A chaque manifestation, occupation, blocage... son lot d’arrestations. Début avril : 1502 interpellations, 590 procédures et 203 majeurs déferrés devant le tribunal correctionnel. Et comme son confrère de l’intérieur, le Ministre de la justice demandait le 29 mars « que les représentants du ministère public n’hésitent pas à requérir des peines d’emprisonnement ferme ».
A Paris, 23e chambre du TGI, les procès pour violences à agent et autres jets de projectiles s’enchaînent. Un jeune, la vingtaine, est interpellé le 23 mars au soir, un peu après les affrontements survenus dans le quartier St-Jacques/Soufflot. Rapide interrogatoire, le prévenu nie les faits. Le juge énervé, « les policiers sont des menteurs ? »... Ca va vite, l’abattage de la comparution immédiate, un mois ferme. Le 30 mars c’est les interpellés du 28 mars qui passent, et toujours les seuls PV des flics pour appuyer l’accusation. Le procureur a bien retenu la leçon, « sévérité contre les casseurs », il requiert systématiquement deux mois ferme. Il n’y aura aucune relaxe, ça va du TIG à la prison ferme. Deux mois ferme pour un ingénieur du son qui s’est interposé lors d’une arrestation violente...
A Rennes, un jeune, 18 ans, est condamné à huit mois ferme avec mandat de dépôt pour violences contre des CRS et dégradations lors des heurts après la manifestation du 28 mars. Deux autres sans casier écopent de trois mois ferme pour les mêmes motifs.
L’humiliation en garde-à -vue
Le mercredi 22 mars M., 16 ans, se rend devant le lycée Mozart au Blanc-Mesnil pour manifester contre le CPE. Des heurts ont lieu avec les forces de l’ordre. Dans les heures qui suivent la police arrête le jeune homme avec d’autres manifestants, « Ils m’ont jeté contre la voiture et frappé ». Conduits au commissariat du Blanc-Mesnil, ils sont fouillés, mais contrairement aux autres, on le met tout nu. « Accroupi et à poil, les policiers me poussaient pour que je tombe, je me sentais humilié », raconte-t-il dans le journal régional. Il est libéré en fin de journée...
Délit de blocage !
Six lycéens de seconde du lycée Fénelon ont été interpellés par la police le jeudi 30 mars, amenés au comico, fichés avec « mise à l’épreuve » pendant 3 ans pour avoir « volé » des barrières de chantier pour bloquer les portes du lycée...
Justice pour Cyril !
Le syndicaliste Cyril Ferez a été laissé pour mort sur le pavé suite à une charge de CRS lors de la manifestation du 18 mars place de la Nation à Paris. D’après le bulletin du 7 avril de l’hôpital il est sorti du coma, mais il reste toujours sous assistance respiratoire et son infection au poumon est toujours en cours de traitement. A la fin de la manif du 29, Sarkozy sablait le champagne place de la République avec les CRS pour les féliciter de leur « courage » et de leur « professionnalisme exemplaire ». Cyril en est la preuve !
Infos, soutien, images : http://justicepourcyril.zeblog.com/
« Syndicats et policiers font ordre commun »
Titre le journal Libération daté du 29 mars, où l’on apprend qu’en prévision de la manifestation du 28 mars « La collaboration a été préparée entre le ministère de l’Intérieur, la préfecture de police de Paris et les services d’ordre (SO) des organisations syndicales » lors de « plusieurs réunions [qui] ont permis de travailler, selon la place Beauvau, "dans un climat constructif" »...
2OOO antidélateurs dans la rue
2OOO personnes à peu près ont manifesté le 22 mars à Paris contre le projet de loi sur la prévention de la délinquance qui fait obligation aux travailleurs sociaux de coopérer avec la police...
Pour une fois c’est Mohamed qui gagne...
Le 9 mars, le TGI de Créteil a reconnu coupable de « violences volontaires » le contrôleur de la RATP qui a agressé le 19 mai 2002 Mohamed (fracture grave du nez, traumatisme de la face, 10 jours d’ITT). L’agresseur niait aussi les insultes racistes lancées contre Mohamed (« rentre chez toi si tu n’es pas content ... »). Pourtant il est condamné à 6 mois avec sursis, sans inscription au casier, 600 euros de provision pour la prochaine expertise médicale. (Momo devra subir encore une autre opération faciale), et à 1500 euros de provision.
Répression du mouvement lycéen de 2005
La justice ne t’oublie jamais : les convocations et gardes à vue (saucissonnées) des occupants de l’annexe du ministère de l’éducation nationale le 20 avril 2005 s’accélèrent. Rappelons que plus de cent soixante personnes, pour la plupart mineures, ont été interpellées ce jour là et ont subi des gardes à vue de 24h à 48h. Neuf d’entre elles, dont David Prévôt, jeune prof, ont même été déférées au parquet et sont mises en examen sous des chefs d’accusation très graves et mensongers. Pétition de solidarité avec David Prévôt à signer sur : http://www.sudeducation.org/article1092.html
Non à la loi Sarkozy sur l’immigration ! Non à l’immigration jetable !
Le projet de loi anti-immigré, nommé CESEDA représente une nouvelle agression grave contre les immigrés. Pour s’informer sur la mobilisation : http://www.contreimmigrationjetable.org/
> AGIR
Infos juridiques
Assistances juridiques
Un collectif d’élèves avocats de Bobigny (93) pour fournir conseils et assistances juridiques en cas d’interpellations en marge des manifestations contre le CPE. Contact : 06 50 29 86 80 assistancejuridiquecpe@hotmail.fr
Guides juridiques
très utile par les temps qui courent à consulter dans la rubrique fiches juridiques sur http://resistons.lautre.net
Concert de soutien pour l’amnistie des révoltés
dont les fonds récoltés seront transmis aux familles pour les aider à payer les frais d’avocat et mieux se défendre et aussi aider les jeunes à cantiner en prison... au Bataclan le 23 avril de 15h à 22h - Infoline : 06 73 30 99 63 - PAF :10 euros (mais les dons pour les familles sont les bienvenus !) -info : http://atouteslesvictimes.samizdat.net/