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Syrie : Son armée va reprendre le nord-est – Son isolement politique prend fin

Photo : Rodi Said/Reuters

Tout s’enchaîne comme prévu depuis la décision du président américain Trump de se retirer de la Syrie.

Trump avait d’abord annoncé un retrait rapide des troupes américaines de Syrie. Ensuite, il a parlé d’un processus contrôlé qui permettrait à la Turquie de prendre le contrôle des zones occupées par les États-Unis dans le nord-est de la Syrie. Ce plan, probablement suggéré par le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, est totalement irréaliste. Une occupation d’une telle ampleur, à laquelle s’opposeraient beaucoup d’importantes forces, n’est pas dans l’intérêt de la Turquie. Néanmoins, le président turc Erdogan utilisera la menace d’une invasion turque pour obtenir le démantèlement des forces kurdes des YPG que les Etats-Unis ont formées et équipées.

Ce matin, l’armée arabe syrienne (en rouge) a annoncé qu’elle était entrée dans Manbij, à l’ouest de l’Euphrate. Elle s’est établie sur la ligne de contact entre les forces soutenues par la Turquie (en vert) et les YPG kurdes soutenues par les Etats-Unis (en jaune). Le drapeau syrien a été hissé à Manbij. Cette opération fait suite au retrait volontaire des troupes américaines et de leurs mandataires kurdes de la région. Manbij était menacée par l’armée turque et les forces djihadistes à son service. Pour empêcher un assaut turc, les groupes armés locaux qui collaboraient avec l’armée américaine ont demandé à l’armée syrienne de revenir dans la ville. Il y aura d’autres opérations similaires.

Une délégation kurde se trouve actuellement en Russie pour négocier la reprise par les forces gouvernementales syriennes des provinces d’Hasaka et de Qamishli, occupées, au nord-est, par les États-Unis. Les Kurdes espèrent toujours obtenir assez d’autonomie de la part du gouvernement syrien pour pouvoir garder leurs forces armées. Mais ni Damas, ni personne, ne l’acceptera jamais. Il n’y aura qu’une seule force armée en Syrie, l’armée arabe syrienne. Il est cependant possible que certaines unités kurdes y soient intégrées.

Une délégation turque se trouve également à Moscou, et Erdogan la rejoint demain. La Russie a refusé de laisser la Turquie s’emparer du nord-est de la Syrie, ou même d’une partie, comme le voulaient les Etats-Unis. Erdogan n’obtiendra pas le soutien de la Russie ni de l’Iran pour cela. En outre, la Turquie va devoir quitter les autres régions de Syrie qu’elle occupe actuellement.

Les troupes américaines sont censées demeurer, pour l’instant, près de l’Euphrate, où la lutte contre ce qui reste de l’Etat islamique continue. Elles ne resteront pas longtemps. Trump a réussi à obtenir le retrait complet de la Syrie, malgré l’opposition de ses militaires. Ceux qui s’opposent à ce mouvement sont, évidemment, ceux qui ont contribué à l’essor de l’État islamique. Après la démission du secrétaire à la Défense Mattis, les efforts des militaires pour repousser le retrait seront probablement vains.

Pour ne pas avoir l’air de faire retraite, l’armée américaine a établi deux nouvelles bases en Irak. Ces deux bases ont aussi pour rôle d’empêcher le commerce terrestre entre le Levant et l’Iran. Il est peu probable que les États-Unis occupent ces bases très longtemps. Le parlement irakien se prépare déjà à expulser à nouveau toutes les forces américaines de son pays.

Ces opérations militaires s’accompagnent d’un processus politique qui rétablit le rôle central de la Syrie en tant qu’État arabe.

Hier, les Émirats arabes unis ont rouvert leur ambassade à Damas. Le Bahreïn suivra. Le Koweït rouvrira son ambassade en janvier. Oman n’a jamais fermé son ambassade à Damas. Parmi les pays du Golfe, seuls le Qatar, allié de la Turquie, et l’Arabie Saoudite n’ont pas encore annoncé la reprise de leurs relations avec la Syrie. Avant la guerre contre la Syrie, les EAU et d’autres pays du Golfe finançaient plusieurs grands projets d’investissement en Syrie. La relance de ces projets aidera l’économie du pays à se remettre sur pied. L’Egypte devrait emboîter le pas à ses sponsors du Golfe.

C’est le désir de contrer les ambitions néo-ottomanes turques qui explique la décision des Émirats arabes unis. La Syrie est (à nouveau) considérée comme le rempart qui protège l’Arabie contre les prédateurs turcs. Les EAU veulent ainsi prévenir la Turquie que toute tentative de s’emparer d’une plus grande partie de la Syrie se heurtera à la résistance des États du Golfe et peut-être même à celle de l’armée égyptienne. L’Égypte et la Russie font office de médiateurs entre les Kurdes et le gouvernement syrien.

Le retour des états arabes en Syrie a aussi pour but de contrer l’influence iranienne en Syrie. Mais ils n’y parviendront pas. La Syrie a été sauvée de l’attaque tous azimut qu’elle a subie par l’intervention de l’Iran. C’est le général iranien Soleimani qui a convaincu la Russie d’envoyer des troupes en Syrie. C’est l’Iran qui a dépensé des milliards pour soutenir le gouvernement syrien tandis que les Arabes du Golfe en dépensaient encore plus pour le renverser. La Syrie n’oubliera pas qui sont ses ennemis et qui sont ses vrais amis.

Les liaisons aériennes entre Damas et les pays arabes reprennent. La semaine dernière, une liaison directe avec la Tunisie a été rétablie. En janvier, Gulf-Air, la compagnie aérienne officielle de Bahreïn, proposera à nouveau des vols au départ de Damas. La Ligue arabe, qui a expulsé la Syrie en 2012, va lui demander de revenir. La Syrie pourrait bien accepter l’offre, mais seulement en échange d’une importante compensation.

L’attaque aérienne israélienne du 26 décembre contre des installations militaires syriennes a globalement échoué. Les avions de guerre israéliens ont largué environ 16 bombes, à distance de sécurité depuis l’espace aérien libanais. Ils se sont lâchement cachés derrière deux avions de ligne commerciaux volant du Golfe vers l’Europe. Il était donc impossible à la défense aérienne syrienne de cibler directement les avions de guerre israéliens. La plupart des bombes israéliennes ont été détruites par les défenses aériennes syriennes à courte portée. Un missile syrien a été envoyé en Israël proprement dit, pour montrer au pays que des nouvelles règles d’engagement avaient été adoptées comme promis. A chaque attaque contre la Syrie, il y aura, en réaction, des attaques directes contre Israël. Le tir du missile en Israël a sonné le glas des agressions israéliennes.

Israël, comme d’autres, va s’apercevoir qu’attaquer la Syrie, non seulement ne sert à rien mais engendre de dures représailles. La guerre contre la Syrie, bien qu’elle ne soit pas encore complètement terminée, touche à sa fin. L’isolement politique de la Syrie est terminé. Ceux qui veulent continuer à marginaliser la Syrie seront perdants au bout du compte.

Moon of Alabama

Traduction : Dominique Muselet

»» https://www.moonofalabama.org/2018/...
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Wayne Smith, ancien chef de la Section des Intérêts Américains à La Havane (SINA) sous l’administration Reagan

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