Têtue comme une mule, moi ? Non. Quand je m’engage à dire une vérité rarement exprimée, je n’ai plus rien d’un mammifère. Depuis cinq ans, je suis têtue comme une pierre. La vérité telle que je la dis et la vois est la suivante : Julian Assange doit être libre. Il n’a commis aucun crime. Mais cet homme qui n’est pas un criminel fait aujourd’hui l’objet d’une surveillance étatique accrue, selon ce compte-rendu de Consortium News.
La vérité, c’est qu’il n’y a jamais eu d’accusation. Aucune. Aucune accusation n’a été portée. Julian Assange n’a pas été accusé de viol, ni d’aucun autre crime en Suède, ni celui que l’on traduit généralement par ’sexe par surprise’. La pure vérité, c’est que la vérité n’a pas d’importance.
La vérité. Je l’ai si souvent dite en réponse aux ’accusations’ portées contre Assange en Suède. La vérité, c’est qu’il n’y a jamais eu d’accusation. Aucune. Aucune accusation n’a été portée. Julian Assange n’a pas été accusé de viol, ni d’aucun autre crime en Suède, ni celui que l’on traduit généralement par ’sexe par surprise’. La pure vérité, c’est que la vérité n’a pas d’importance. Pas si vous êtes convaincu par le mensonge qu’Assange est un sale type.
Je pourrais vous dire d’autres vérités. Comme la vérité que WikiLeaks est la seule grande publication occidentale qui n’a jamais eu à publier une rétractation. Une vérité contenue dans tous leurs documents publiés et authentifiés.
Il y a la "vérité" qui dit que ’WikiLeaks a porté préjudice aux personnes sur qui ils ont divulgué des informations privées’, mais c’est totalement faux. Il s’agit d’une spéculation de la part d’organes de presse qui elles-mêmes publient souvent de manière irresponsable des informations privées. (...)
La vérité est que WikiLeaks n’a jamais mis en danger une de ses sources. La vérité, c’est que le chef des investigations de ABC [télévision australienne] a donné des indices aux services de renseignement australiens sur sa source pour les ’dossiers du ministère’ que le patron de la chaîne a décidé de ne pas diffuser. Publier des documents gouvernementaux serait ’faire du WikiLeaks’. Et il n’y a rien de pire que ça. Nous sommes tous d’accord que WikiLeaks fait ce qu’il y a de pire.
Offrir l’identité d’une source aux Five Eyes [« Cinq Yeux », désigne les cinq pays dont les services de renseignement collaborent étroitement – GB, US, Nouvelle-Zélande, Canada, Australie – NdT], s’abstenir de publier les documents fournis par la source et les fourguer à l’ASIO [service de renseignement australien - NdT]. Là, tout va bien, tant que personne ne fait du WikiLeaks.
Ce n’est pas seulement du bon journalisme, c’est aussi du journalisme d’adulte. Gloire à ABC qui ne publie rien, pour ensuite raconter des conneries sur ce rien avant de faire des courbettes à ASIO. Que Julian Assange pourrisse ! WikiLeaks sont des amateurs. Même si quelqu’un trouve ça important, tout a été inventé par ce type bizarre qu’ils accusent de sexe « par surprise ». Voyez-vous, les détails sont sans importance. L’important, c’est la "vérité", et la vérité est qu’Assange et son Wiki-machine chose ne valent pas un clou.
Mais la vérité vraie est que WikiLeaks a continué à publier la vérité pendant toute la détention d’Assange. Des publications comme Vault 7. Moi, je dis que cette preuve d’une surveillance mondiale est un scoop terrifiant et crucial. Je dis qu’apprendre que votre Smart TV peut vous enregistrer et tout envoyer à la NSA, c’est le genre d’infos qui devrait faire les Unes de tous les journaux.
Vous, vous dites : tu parles, je savais qu’ils nous observaient et on peut leur faire confiance, mais on ne peut pas faire confiance à Assange. Nous pouvons faire confiance à ABC, une excellente organisation qui sait quand il faut nous protéger de la vérité, c’est-à-dire toujours.
Vous pensez que WikiLeaks, ’ils étaient bons, avant’. Ce qui est plus facile que de regarder WikiLeaks et de constater qu’ils ont toujours été bons et le sont encore. Ce qui pourrait vous amener à vous demander si ce n’est pas plutôt vous qui n’êtes plus « bon » et si vous ne seriez pas devenu un peu con.
Vous dites que vous ne faites pas confiance à Assange parce qu’il a refusé de répondre aux questions. Je vous répète qu’il a bien répondu aux questions, si c’est de la Suède dont vous parlez. Je vous dis qu’il a accepté plusieurs fois de répondre à d’autres questions. C’est la vérité, c’est un fait établi. Consigné dans les échanges de courriers, dans la presse et dans les notes de l’avocat Amal Clooney, entre autres.
Malgré tout, vous êtes ’déçu’. Vous pensez que WikiLeaks, ’ils étaient bons, avant’. Ce qui est plus facile que d’examiner le travail de WikiLeaks et de constater qu’ils ont toujours été bons et le sont encore. Ce qui pourrait vous amener à vous demander si ce n’est pas plutôt vous qui n’êtes plus « bon » et si vous ne seriez pas devenu un peu con.
Vous ne croirez pas cette désagréable vérité sur vous-même et vous ne croirez pas qu’il pourrait y en avoir d’agréables sur Assange. Pas avant qu’il ne soit trop tard. Ce qui sera bientôt le cas.
Avant d’apprendre ce que signifie Cassandre, prenez une vérité de WikiLeaks tirée du passé récent. Pour les incroyants, la voici : sans Assange, nous n’aurions jamais lu une vérité historique sur Haïti imprimée noir sur blanc. WikiLeaks a révélé que les Etats-Unis soumettent Haïti à la même torture depuis 1805 ; depuis que les courageux esclaves noirs se sont déclarés libres, le grand Etat-nation ’libre’ a fait tout son possible pour maintenir le petit Etat en esclavage.
La vérité. Ça ne sert pas à grand-chose. Je pourrais vous montrer une partie de cette solide vérité sur Haïti que j’ai obtenue grâce à WikiLeaks. En fait, je l’ai fait, mais je l’ai jetée à la poubelle.
Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. Premièrement, la vérité que j’ai écrite sur Haïti montre la secrétaire d’État Clinton sous un mauvais jour. Ce qui peut provoquer une réaction du genre ’Je suis avec elle’ et je sais maintenant que certains lecteurs hurlent de plus en plus fort à chaque vérité dérangeante qu’ils entendent sur Elle, celle avec qui ils sont. Ils disent : ’Eh bien, elle vaut mieux que Trump’, comme si quelqu’un disait le contraire, comme si une mort ordonnée par un Clinton était une mort plus pardonnable, comme si le choix imposé à un électeur américain entre une merde et une sous merde était un choix qui devrait être imposé à tous.
La vérité que je craignais d’apprendre est celle-ci : ce pouvoir suffisamment puissant pour résister à tant de combats humains est un pouvoir suffisamment puissant pour nous vaincre dans notre combat pour la vérité.
Puis, lorsque je refuse de participer à cette élection imaginaire, vous interrompez votre lecture. S’il vous plaît, ne faites pas ça. Parce que la vérité que WikiLeaks m’a enseignée est une vérité que vous aimeriez peut-être connaître aussi. L’importante vérité est que la vérité la plus importante est toujours la plus désagréable à entendre.
La vérité que je craignais d’apprendre, celle que m’ont donnée les cinq années d’étude et de reportages sur Wikileaks, est celle-ci : ce pouvoir suffisamment puissant pour résister à tant de combats humains est un pouvoir suffisamment puissant pour nous vaincre dans notre combat pour la vérité.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont poursuivi la même politique étrangère, la même politique intérieure au service d’une richesse énorme et puissante. Mais nous refusons de voir la nature de ce pouvoir et ne réalisons pas que le peuple américain pourrait élire un bidet comme Président que l’hégémonie US continuerait à mener ses petites affaires pendant encore quelques années.
On pourrait même dire que c’est déjà le cas, que les Etats-Unis ont effectivement élu un bidet et que l’hégémonie US continue à mener ses petites affaires. La tradition de faire des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises se poursuit avec Trump, comme elle avait commencé avec le Recovery Act d’Obama, un loi rédigée par les banquiers de Wall Street. Trump continue d’expulser les ’illégaux’ que le président Obama appelait ’sans papiers’, alors que le bilan des déportations sous Obama est supérieur au total cumulé de tous les présidents US du 20e siècle, et il est peu probable qu’il soit battu par Trump. Quant à la Russie. Bon. Pour la contrer, mille milliards de dollars de plus pour de nouvelles armes et plus de troupes pour les Etats-Unis et l’OTAN....
Oops. Encore une vérité désagréable. Votez dans mes élections. Soutenez Hillary Clinton, ou croyez à quelques news très très fake.
Mieux vaut croire qu’Assange est un sale type que de s’informer à la hauteur exigée par l’histoire. Mieux vaut se dire que les Etats-Unis sont la puissance mondiale, et qu’ils le méritent, et que la seule chose qui leur manque est un président plus sympa et moins vulgaire que Trump pour préserver sa propre vérité et celle de la démocratie libérale.
Argh. Voilà que je recommence, mais n’arrêtez pas de lire, svp. Restez avec moi pour un peu de cette vérité que j’ai apprise au cours de cinq années houleuses. Pas seulement la vérité sur WikiLeaks et la vérité que WikiLeaks a publiée. Car j’ai aussi appris la vérité sur la vérité. Et c’est un putain de bordel.
C’est plus gratifiant de se fâcher contre Trump qui a traité Haïti de ’trou à rat’ que de se fâcher contre Hillary Clinton qui a fait de Haïti un trou à rat.
Voilà donc une deuxième raison d’avoir jeté cette vérité haïtienne à la poubelle : elle est moche et ennuyeuse. Ce bilan brutal de l’intervention américaine en Haïti est vrai. Il est vrai que WikiLeaks a publié ce compte-rendu véridique. Mais cette vérité prend beaucoup de temps à analyser et à raconter. Pourquoi s’embêter ? C’est plus gratifiant de se fâcher contre Trump qui a traité Haïti de ’trou à rat’ que de se fâcher contre Hillary Clinton qui a fait de Haïti un trou à rat.
On finit par s’assoupir quand la vérité prend trop de temps. Même celle qui porte sur la torture, le viol et la monstrueuse exploitation. Nous aimerions une vérité bien propre. Nous voulons croire en la vérité. Nous voulons être Avec Elle, ou avec quelqu’un. N’importe qui. Juste quelqu’un d’un peu ’vrai’.
La vérité, c’est que je ne veux pas être ’avec’ Assange et je ne le vois pas comme ’la vérité’. Je n’ai pas transformé une partie de moi-même en pierre pour un homme, et j’ai autant besoin d’un nouveau héros blanc que d’une nouvelle mise en demeure d’un huissier. Non, ce dont j’ai le plus besoin, c’est mon compagnon, une personne très raisonnable, mais dont la blague avant d’aller se coucher est ’Tu aimes Julian plus que moi’ ce qui me fait dire, encore une fois, que cette vérité dont je vous parle est vraiment désagréable.
J’ai envie d’aller me coucher. Je veux oublier le nom de ce Julian Assange. Je veux que mon cerveau oublie toute la vérité sur les mandats d’arrêt, les procureurs suédois, les grands jurys, etc. J’espère même oublier le vrai nom du chat d’Assange, qui s’appelle Bruce. Ne croyez pas aux articles de presse qui l’appellent James – c’est absurde, Bruce est à l’évidence un meilleur nom.
Une autre vérité : j’ai passé une journée à découvrir comment Julian Assange traite ce chat appelé Bruce pour contrer les messages du genre « Assange ne change pas la litière du chat ». C’est le genre de message que vous recevez et le genre de message auquel vous croyez si vous êtes en manque d’une fixette de vérité. Assange est un Sale Type et un Sale Menteur qui Mérite la Prison est une croyance, fondée en partie sur une vérité qui dérange mais fondée principalement sur des mensonges.
La vérité : Bruce se porte bien et mieux que la plupart des chats d’intérieur de Londres, qui tiennent ce chat d’ambassade en haute estime. Ce qui n’est pas vrai, évidemment. Les chats n’ont d’estime pour personne.
Malgré tout, Assange tient Bruce en haute estime. Je tiens à vous informer qu’il traite son compagnon le plus proche avec gentillesse. Il traite Bruce comme on traiterait le seul ami qui est là pour vous tous les jours : avec le tendre respect suffisant pour satisfaire même Mme Pamela Anderson, défenseur des animaux d’abord, et de M. Assange, ensuite.
Ma vérité rassurante : Assange s’occupe bien de Bruce. Toutes les autres vérités sont dérangeantes sauf celle-là, et présentent un « intérêt humain » bien plus important que comment Assange s’occupe de son chat.
Ce mensonge sur Assange est la ’vérité’ qui annonce le début de la fin. C’est le rire qui vous aide à oublier une vie. Parce que le rire a besoin d’un traumatisme, et les bons mots ont besoin de tension et la tension se nourrit... allez, vous avez gobé toutes ces conneries servies par Hannah Gadsby [humoriste australienne « spécialisée » dans l’auto-dérision - NdT], alors pourquoi ne pas les avaler ?
La blague ou le rire n’est pas la question. La question, c’est la propagande US : rabaisser l’ennemi, faire croire qu’il est maléfique et puissant, mais en même temps ridicule et petit. Vous devez fabriquer un consentement pour couvrir vos crimes - et n’oubliez pas de lire ce bon vieux Chomsky, s’il vous plaît.
Bien sûr, je comprends qu’il y a des façons plus agréables de remplir votre journée qu’une leçon sur comment la puissance US transforme une fois de plus un pays en un désert violent et appelle ça la paix. Mais il y a de bien meilleures façons pour vous de passer cette vie que de croire que la plus grande puissance serait ce qu’elle n’est pas.
Vous pouvez penser que je suis en train de dire que vous êtes stupide, trop stupide pour voir la vérité. Je dis : Non. Vous n’êtes pas stupide. Je ne le crois pas du tout. Si c’était le cas, je serais au lit avec mon compagnon, et pas ici en train d’expliquer ce que WikiLeaks explique : la vérité, c’est ce que le pouvoir veut nous cacher.
Chomsky a raison : il y a bien des techniques de propagande que nous pouvons percevoir. Ce que nous ne percevons pas, qui n’est pas contrôlé par la conscience, c’est cette autre force en nous. Notre besoin de conserver notre foi dans le pouvoir.
Révéler une vérité sur les Etats-Unis, c’est vous retrouver dans la merde jusqu’au cou. Pas du genre produite par Bruce le Chat, mais celle dans laquelle se trouve un Snowden. Le genre de merde dans laquelle on tombe parce qu’on est un empêcheur de tourner en rond, le genre de merde qui fait croire à tant de gens que vous êtes tombé dedans tout seul. Une merde bien méritée.
Snowden croyait aux États-Unis. Il croyait en l’armée américaine. Chelsea Manning aussi. C’étaient des Américains fidèles qui ont tous les deux atteint un point au-delà de la foi.
Quand quelqu’un qui a fidèlement servi les États-Unis avec son corps et son esprit craque un jour et dit : ’Nous tuons des gens et nous mentons à ce sujet’ ou ’Nous espionnons des gens et nous mentons à ce sujet’, il faut les écouter. Ce sont des actes de foi en crise. Ces fidèles n’avaient pas d’autre choix que de vivre une vie de merde. Il n’y avait pas d’autre choix pour eux que la vérité.
Ce n’est pas un choix que de perdre votre foi en la démocratie libérale. Ce n’est pas un choix que de dire la vérité qui vous a fait perdre cette foi. Ce n’est pas un choix que de voir la vérité, pour commencer. Et nous n’avons pas le choix de dé-voir la vérité. Autant attendre que votre foi revienne. Je l’ai fait, mais j’attends toujours.
Si j’étais un parieur, je parierais cent dollars qu’Assange ne va pas tarder à se retrouver entre quatre nouveaux murs. Si j’avais l’argent, je parierais encore plus que d’autres journalistes plus ordinaires le suivront. Et je parierais enfin mon dernier dollar sur vous. Si vous ne vous souciez pas du sort d’Assange maintenant, je parie que vous ne vous soucierez pas de ceux qui vont le suivre.
Vous décrire la profondeur de la vérité sur cette perte de foi m’est difficile, voire impossible sans me lancer dans un radotage interminable. Il me faudrait revenir sur la publication de la vidéo Collateral Murder. Il me faudrait décrire les vérités que je ne voulais pas voir mais que j’ai finalement vues au cours des huit dernières années.
Avec le bilan de la brutalité américaine, présumée avoir été divulguée par Chelsea Manning, beaucoup ont dit que ’les États-Unis racontent encore des mensonges’. Moins nombreux ont décrit ce que l’on ressent lorsqu’on vit la douleur de cette vérité. S’entendre sur le fait qu’ils mentent toujours est une chose. Ressentir la profondeur et l’ampleur de ce mensonge, c’est autre chose. C’est très désagréable de connaître la vérité sur le pouvoir. Je suis incapable de vous le décrire.
Je dirais qu’une fois que vous avez vu cette vérité que vous ne pouvez plus dé-voir, il ne vous reste plus beaucoup d’amis. Cette chose que vous voyez comme étant intrinsèquement incapable de vérité est vue par les autres comme quelque chose de fondamentalement correcte, mais qui manque parfois de dirigeants bons et honnêtes. Le pouvoir que vous savez est complexe et opaque est perçu par les autres comme simple et transparent. Les mensonges racontés par le pouvoir, quel que soit celui qui les relaie, sont entendus par les autres comme autant de vérités. Peu importe le nombre de frappes de drones ordonnées par Obama ou le nombre de millions de Noirs que Bill Clinton a mis dans les prisons à but lucratif. La seule "vérité" que tes anciens amis voient c’est celle racontée par un type qui ne la raconte même pas très bien. Ils ne voient pas que le mensonge est intrinsèque à un pouvoir aussi immense. Mais toi, tu ne vois plus que ça.
Alors, merci WikiLeaks, d’avoir foutu ma vie en l’air. Merci pour votre vérité angoissante et votre leçon sur ce qu’est la vérité, et ce qu’elle n’est pas. Votre projet grandiose a réduit de moitié mes revenus et, souvent, mes heures de sommeil. Votre cause perdue est désormais la mienne, depuis que j’ai perdu la foi.
Le vernis de vérité que vous avez arraché au pouvoir me place devant un abîme. Savoir que le pouvoir n’a pas de vérité n’est pas apprendre la vérité du pouvoir. Le pouvoir est opaque, même pour ceux qui le détiennent. Vous pouvez déchirer quelques-uns de ses voiles mais vous n’en saurez jamais plus que la moitié.
Vous direz ’le journalisme n’est pas un crime’ seulement lorsque vous serez à peu près certain que le pouvoir est de votre côté. C’est le genre de chose que l’on ne dit que lorsqu’il s’agit d’un pouvoir corrompu non-occidental. Dire qu’une Puissance occidentale est corrompue, c’est le genre de choses qui vous mène en prison.
Certains disent que l’histoire est toujours plus dynamique que ceux qui la font et que le pouvoir est un monstre qui échappe au contrôle humain. Je connaissais ce point de vue. Pour moi, rien de nouveau là-dedans. Mais je ne l’aurais pas compris avec une telle acuité douloureuse sans le dévouement d’un certain Julian Assange.
Le Ministre de la Justice des États-Unis s’est engagé à l’arrestation d’Assange. WikiLeaks est considérée par cette administration, comme par la précédente, comme un ’service de renseignement hostile’. Toute personne ou entreprise qui publie des fuites est un agent hostile, selon Pompeo. Donc moi, New Matilda et le New York Times pourrions légalement être soumis à la torture. Je suppose que c’est peut-être vrai.
Vraiment ? Est-ce donc vrai, Miss Je Sais Tout qui écrit des textes longs et désordonnés parce qu’elle se prend pour je ne sais qui ?
C’est possible.
Dans quelques heures, Julian Assange sera peut-être arrêté par la police britannique. Il se peut que le ministère de la Justice des États-Unis finisse par mettre la main sur sa proie. Qui sait ? Tout ce que je sais, c’est que si j’étais un parieur, je parierais cent dollars qu’Assange ne va pas tarder à se retrouver entre quatre nouveaux murs. Si j’avais l’argent, je parierais encore plus que d’autres journalistes plus ordinaires le suivront. Et je parierais enfin mon dernier dollar sur vous. Si vous ne vous souciez pas du sort d’Assange maintenant, je parie que vous ne vous soucierez pas de ceux qui vont le suivre.
Vous direz ’le journalisme n’est pas un crime’ seulement lorsque vous serez à peu près certain que le pouvoir est de votre côté. C’est le genre de chose que l’on ne dit que lorsqu’il s’agit d’un pouvoir corrompu non-occidental. Dire qu’une Puissance occidentale est corrompue, ça c’est le genre de choses qui vous mène en prison.
Vous serez heureux. Vous croirez connaître la vérité sur le pouvoir et croirez au pouvoir quand il vous dira la ’vérité’ sur ces nouveaux journalistes dissidents. Que ce sont des hostiles, des amateurs, des misogynes, qui ne cherchent pas la vérité, mais des ennuis. Et ils font l’objet de mandats d’arrêt occidentaux parce que c’est ce qui arrive aux méchants. Les bons, eux, font l’objet de mandats d’arrêt de puissances non occidentales corrompues. Les méchants détestent tellement l’Occident qu’ils sont capables d’en dire une vérité. Des terroristes. Des dérangés. Des criminels. Qu’on leur coupe la tête à tous ces menteurs.
Lavez, rincez, puis recommencez, bande d’enfoirés. Ce sale mensonge ne vous libérera pas. Mais, vous serez heureux.
Pas moi. Libérez Julian Assange. Il n’a commis aucun crime. Connaître cette vérité ne me rend pas heureuse. Mais, voilà, je le sais. Têtue comme une pierre.
Helen Razer
Traduction "oh, regardez comme ils font tous semblant de ne rien voir, rien entendre..." par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.