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Cotisations sociales et enfumage

J’ai entendu, sur France 2 et France 3 (comprimée au milieu d’un hommage hypertrophié à Charles Aznavour) cette annonce : aujourd’hui 1er octobre, le salaire net des salariés du privé va augmenter par suppression de la cotisation chômage. Les salariés au SMIC, par exemple, vont voir leur salaire net augmenter de 17,36 euros par mois.

Comment un journaliste peut-il prononcer une telle phrase sans se poser de questions, sans regimber, sans envoyer paître son rédacteur en chef ?

Remarque 1. La cotisation chômage n’est pas une indemnité de guerre versée à un pays ennemi qui s’appelle Assurance chômage. La vocation de la cotisation chômage n’est pas de disparaître dans un trou sans fond mais de revenir au salarié lorsque celui-ci perd son emploi.

Remarque 2. Du fait que la cotisation chômage repose sur le principe de la mutualisation, la somme que touche le salarié devenu chômeur est très supérieure à ces 14 euros mensuels. C’est le principe même de la mutualisation : être un grand nombre à payer de façon modique pour permettre au petit nombre de ceux qui sont frappés par le malheur d’obtenir bien plus qu’ils n’auraient pu obtenir avec leur épargne. Du coup, si la cotisation disparaît, l’indemnisation disparaît aussi. Où est alors l’avantage, pour le salarié d’avoir 14 euros de plus sur sa fiche de paye mensuelle (ce qui représente 50 centimes par jour, une demi-baguette...) si, le premier mois où il tombe au chômage... il touche zéro euro ?

Remarque 3. C’est ce qui risque de se passer si la disparition de cette cotisation n’est pas compensée par une autre rentrée d’argent. Or d’où peut venir cette rentrée : de l’ISF ? Il a été supprimé. Des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu ? Leur taux a été fortement diminué. De l’impôt sur les sociétés ? Il est raboté. De la chasse efficace à la fraude et à l’évasion fiscales (de 60 à 80 milliards d’euros) ? On peut toujours rêver...

Remarque 4. Si l’indemnisation chômage ne passe pas à la trappe, c’est que son financement aura été compensé par autre chose. Mais si on ne ponctionne ni les hauts revenus ni les sociétés, sur qui reposera le financement ? Sur ce qui reste : sur les salariés et sur les retraités, et essentiellement sur ceux qui figurent dans les 9 premiers déciles des revenus, c’est-à-dire sur à peu près tout le monde (en dehors des riches). Ce financement viendra de l’augmentation de taxes directes et indirectes, fiscales et parafiscales (sur la TVA, le gaz, l’essence, la CSG – impôt proportionnel, donc injuste – etc.) dont la diversité et le nombre sont tels qu’il sera difficile pour le salarié d’établir le solde entre la disparition de sa cotisation chômage, d’une part, et l’augmentation de tout le reste, d’autre part. Mais on ne perdrait pas grand chose à parier que ce solde sera négatif.

Remarque 5. Si l’indemnisation des chômeurs ne passe plus par la cotisation, cela veut dire qu’elle sera décorrélée du salaire (et ne sera donc plus considérée comme partie intégrante de celui-ci). Elle pourra être fiscalisée ou versée comme une aide (une charité...), mais on habituera les salariés à la dissocier de leur paye, à ne plus la considérer comme un droit indissociable attaché à leur statut. On leur mettra dans la tête qu’elle n’a qu’un caractère précaire et qu’elle peut être "avantageusement" remplacée par une assurance privée facultative. Bien plus chère, cela va sans dire...

Philippe ARNAUD

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Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse :
renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l’exploitation et à l’écrasement.

H. Krazucki
ancien secrétaire général de la CGT

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