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Quand les mots de La Boétie nous éclairent sur les maux actuels

De la servitude volontaire

Je voudrais seulement comprendre comment il se peut que la nouvelle aliénation, la servitude version 2.0, puisse phagocyter la plupart des existences.

Comprendre comment il se peut que la « révolution numérique » puisse s’épanouir sans défiance.

Comment il se peut que ce vrai mouvement réactionnaire puisse se développer en toute confiance.

Comment le système hégémonique et tyrannique peut perdurer malgré toutes les souffrances.

Comment Trumpion, le « tribun » des patriciens, peut réformer à marche forcée sans susciter une vraie résistance.

Comment il peut, en toute impunité, ne servir que les intérêts de ceux qui vivent dans l’opulence.

« Je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire. Chose vraiment étonnante - et pourtant si commune qu’il faut plutôt en gémir que s’en ébahir -, de voir un million d’hommes misérablement asservis, la tête sous le joug, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et pour ainsi dire ensorcelés par le seul nom d’un, qu’ils ne devraient pas redouter, puisqu’il est seul, ni aimer puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel. Telle est pourtant la faiblesse des hommes : contraints à l’obéissance, obligés de temporiser, ils ne peuvent pas être toujours les plus forts. Si donc une nation, contrainte par la force des armes, est soumise au pouvoir d’un seul - comme la cité d’Athènes le fut à la domination des trente tyrans -, il ne faut pas s’étonner qu’elle serve, mais bien le déplorer. Ou plutôt, ne s’en étonner ni ne s’en plaindre, mais supporter le malheur avec patience, et se réserver pour un avenir meilleur.

Si l’on voit non pas cent, non pas mille hommes, mais cent pays, mille villes, un million d’hommes ne pas assaillir celui qui les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves, comment qualifierons-nous cela ? Est-ce lâcheté ? Mais tous les vices ont des bornes qu’ils ne peuvent pas dépasser. Deux hommes, et même dix, peuvent bien en craindre un ; mais que mille, un million, mille villes ne se défendent pas contre un seul homme, cela n’est pas couardise : elle ne va pas jusque-là, de même que la vaillance n’exige pas qu’un seul homme escalade une forteresse, attaque une armée, conquière un royaume. Quel vice monstrueux est donc celui-ci, qui ne mérite pas même le titre de couardise, qui ne trouve pas de nom assez laid, que la nature désavoue et que la langue refuse de nommer ?

Ce tyran seul, il n’est pas besoin de le combattre, ni de l’abattre. Il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s’agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner. Pas besoin que le pays se mette en peine de faire rien pour soi, pourvu qu’il ne fasse rien contre soi. Ce sont donc les peuples eux-mêmes qui se laissent, ou plutôt qui se font malmener, puisqu’ils en seraient quittes en cessant de servir. C’est le peuple qui s’asservit et qui se coupe la gorge ; qui, pouvant choisir d’être soumis ou d’être libre, repousse la liberté et prend le joug ; qui consent à son mal, ou plutôt qui le recherche... S’il lui coûtait quelque chose pour recouvrer sa liberté, je ne l’en presserais pas ; même si ce qu’il doit avoir le plus à cœur est de rentrer dans ses droits naturels et, pour ainsi dire, de bête redevenir homme. Mais je n’attends même pas de lui une si grande hardiesse ; j’admets qu’il aime mieux je ne sais quelle assurance de vivre misérablement qu’un espoir douteux de vivre comme il l’entend [c’est là, il me semble, le point primordial : servitude-certitude ou liberté-inconfort ; à mesure que le sédentaire - « être assis »- gagne ou veut gagner en confort, en protection, il cède de « son bien le plus précieux » ; cf. la fable Le loup et le chien de La Fontaine].

Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos viles vies. Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort. Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s’il n’était d’intelligence avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n’étiez les receleurs du larron qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes ? Vous semez vos champs pour qu’il les dévaste, vous meublez et remplissez vos maisons pour fournir ses pilleries, vous élevez vos filles afin qu’il puisse assouvir sa luxure, vous nourrissez vos enfants pour qu’il en fasse des soldats dans le meilleur des cas, pour qu’il les mène à la guerre, à la boucherie, qu’il les rende ministres de ses convoitises et exécuteurs de ses vengeances. Vous vous usez à la peine afin qu’il puisse se mignarder dans ses délices et se vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez afin qu’il soit plus fort, et qu’il vous tienne plus rudement la bride plus courte. Et de tant d’indignités que les bêtes elles-mêmes ne supporteraient pas si elles les sentaient, vous pourriez vous délivrer si vous essayiez, même pas de vous délivrer, seulement de le vouloir. Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.

Ainsi donc, puisque tout être pourvu de sentiment sent le malheur de la sujétion et court après la liberté ; puisque les bêtes, même faites au service de l’homme, ne peuvent s’y soumettre qu’après avoir protesté d’un désir contraire, quelle malencontre a pu dénaturer l’homme - seul vraiment né pour vivre libre - au point de lui faire perdre la souvenance de son premier état et le désir de le reprendre ?

Il y a trois sortes de tyrans. Les uns règnent par l’élection du peuple, les autres par la force des armes, les derniers par succession de race. Pour dire vrai, je vois bien entre ces tyrans quelques différences, mais de choix, je n’en vois pas : car s’ils arrivent au trône par des moyens divers, leur manière de règne est toujours à peu près la même. Ceux qui sont élus par le peuple le traitent comme un taureau à dompter, les conquérants comme leur proie, les successeurs comme un troupeau d’esclaves qui leur appartient par nature.

Il est incroyable de voir comme le peuple, dès qu’il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de sa liberté qu’il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir : il sert si bien, et si volontiers, qu’on dirait à le voir qu’il n’a pas seulement perdu sa liberté mais bien gagné sa servitude.

Il est vrai qu’au commencement, on sert contraint et vaincu par la force ; mais les successeurs servent sans regret et font volontiers ce que leurs devanciers avaient fait par contrainte. Les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la servitude, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni d’autres droits que ceux qu’ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature l’état de leur naissance. Toutefois il n’est pas d’héritier, même prodigue ou nonchalant, qui ne porte un jour les yeux sur les registres de son père pour voir s’il jouit de tous les droits de sa succession et si l’on n’a rien entrepris contre lui ou contre son prédécesseur. Mais l’habitude, qui exerce en toutes choses un si grand pouvoir sur nous, a surtout celui de nous apprendre à servir et, comme on le raconte de Mithridate, qui finit par s’habituer au poison, celui de nous apprendre à avaler le venin de la servitude sans le trouver amer.

On ne regrette jamais ce qu’on n’a jamais eu. Le chagrin ne vient qu’après le plaisir et toujours, à la connaissance du malheur, se joint le souvenir de quelque joie passée. La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir l’être, mais il prend facilement un autre pli lorsque l’éducation le lui donne. Disons donc que, si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue, seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude. Voilà ce qui arrive aux plus braves chevaux qui d’abord mordent leur frein, et après s’en jouent, qui, regimbant naguère sous la selle, se présentent maintenant d’eux-mêmes sous le harnais et, tout fiers, se rengorgent sous l’armure.

Il est certain qu’avec la liberté on perd aussitôt la vaillance. Les gens soumis n’ont ni ardeur ni pugnacité au combat. Ils y vont comme ligotés et tout engourdis, s’acquittant avec peine d’une obligation. Ils ne sentent pas bouillir dans leur cœur l’ardeur de la liberté qui fait mépriser le péril et donne envie de gagner, par une belle mort auprès de ses compagnons, l’honneur et la gloire. Chez les hommes libres au contraire, c’est à l’envi, à qui mieux mieux, chacun pour tous et chacun pour soi : ils savent qu’ils recueilleront une part égale au mal de la défaite ou au bien de la victoire. Mais les gens soumis, dépourvus de courage et de vivacité, ont le cœur bas et mou et sont incapables de toute grande action. Les tyrans le savent bien. Aussi font-ils tout leur possible pour mieux les avachir.

Cette ruse des tyrans d’abêtir leurs sujets n’a jamais été plus évidente que dans la conduite de Cyrus envers les Lydiens, après qu’il se fut emparé de leur capitale et qu’il eut pris pour captif Crésus, ce roi si riche. On lui apporta la nouvelle que les habitants de Sardes s’étaient révoltés. Il les eut bientôt réduits à l’obéissance. Mais ne voulant pas saccager une aussi belle ville ni être obligé d’y tenir une armée pour la maîtriser, il s’avisa d’un expédient admirable pour s’en assurer la possession. Il y établit des bordels, des tavernes et des jeux publics, et publia une ordonnance qui obligeait les citoyens à s’y rendre. Il se trouva si bien de cette garnison que, par la suite, il n’eut plus à tirer l’épée contre les Lydiens. Ces misérables s’amusèrent à inventer toutes sortes de jeux si bien que, de leur nom même, les Latins formèrent le mot par lequel ils désignaient ce que nous appelons passe-temps, qu’ils nommaient Ludi, par corruption de Lydi. Le théâtre, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes curieuses, les médailles, les tableaux et autres drogues de cette espèce étaient pour les peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté ravie, les outils de la tyrannie. Ce moyen, cette pratique, ces allèchements étaient ceux qu’employaient les anciens tyrans pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples abrutis, trouvant beaux tous ces passe-temps, amusés d’un vain plaisir qui les éblouissait, s’habituaient à servir aussi niaisement mais plus mal que les petits enfants n’apprennent à lire avec des images brillantes.

Les empereurs romains n’oubliaient surtout pas de prendre le titre de Tribun du peuple, parce que cet office était tenu pour saint et sacré ; établi pour la défense et la protection du peuple, il jouissait d’une haute faveur dans l’État. Ils s’assuraient par ce moyen que le peuple se fierait mieux à eux, comme s’il lui suffisait d’entendre ce nom, sans avoir besoin d’en sentir les effets. Mais ils ne font guère mieux ceux d’aujourd’hui qui, avant de commettre leurs crimes les plus graves, les font toujours précéder de quelques jolis discours sur le bien public et le soulagement des malheureux.

J’en arrive maintenant à un point qui est, selon moi, le ressort et le secret de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie. Celui qui penserait que les hallebardes, les gardes et le guet garantissent les tyrans, se tromperait fort. Ils s’en servent, je crois, par forme et pour épouvantail, plus qu’ils ne s’y fient. Ce ne sont pas les armes qui défendent un tyran, mais toujours (on aura peine à le croire d’abord, quoique ce soit l’exacte vérité) quatre ou cinq hommes qui le soutiennent et qui lui soumettent tout le pays. Il en a toujours été ainsi : cinq ou six ont eu l’oreille du tyran et s’en sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ils ont été appelés par lui pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés et les bénéficiaires de ses rapines. Ces six dressent si bien leur chef qu’il en devient méchant envers la société, non seulement de sa propre méchanceté mais encore des leurs. Ces six en ont sous eux six cents, qu’ils corrompent autant qu’ils ont corrompu le tyran. Ces six cents en tiennent sous leur dépendance six mille, qu’ils élèvent en dignité. Ils leur font donner le gouvernement des provinces ou le maniement des deniers afin de les tenir par leur avidité ou par leur cruauté, afin qu’ils les exercent à point nommé et fassent d’ailleurs tant de mal qu’ils ne puissent se maintenir que sous leur ombre, qu’ils ne puissent s’exempter des lois et des peines que grâce à leur protection. Grande est la série de ceux qui les suivent. Et qui voudra en dévider le fil verra que, non pas six mille, mais cent mille et des millions tiennent au tyran par cette chaîne ininterrompue qui les soude et les attache à lui.

En somme, par les gains et les faveurs qu’on reçoit des tyrans, on en arrive à ce point qu’ils se trouvent presque aussi nombreux, ceux auxquels la tyrannie profite, que ceux auxquels la liberté plairait.

S’approcher du tyran, est-ce autre chose que s’éloigner de sa liberté et, pour ainsi dire, embrasser et serrer à deux mains sa servitude ? Qu’ils mettent un moment à part leur ambition, qu’ils se dégagent un peu de leur avidité, et puis qu’ils se regardent ; qu’ils se considèrent eux-mêmes : ils verront clairement que ces villageois, ces paysans qu’ils foulent aux pieds et qu’ils traitent comme des forçats ou des esclaves, ils verront, dis-je, que ceux-là, si malmenés, sont plus heureux qu’eux et en quelque sorte plus libres. Le laboureur et l’artisan, pour asservis qu’ils soient, en sont quittes en obéissant ; mais le tyran voit ceux qui l’entourent coquinant et mendiant sa faveur. Il ne faut pas seulement qu’ils fassent ce qu’il ordonne, mais aussi qu’ils pensent ce qu’il veut et souvent même, pour le satisfaire, qu’ils préviennent ses propres désirs. Ce n’est pas le tout de lui obéir, il faut encore lui complaire ; il faut qu’ils se rompent, se tourmentent, se tuent à traiter ses affaires, et puisqu’ils ne se plaisent qu’à son plaisir, qu’ils sacrifient leur goût au sien, qu’ils forcent leur tempérament et dépouillent leur naturel. Il faut qu’ils soient attentifs à ses paroles, à sa voix, à ses regards, à ses gestes : que leurs yeux, leurs pieds, leurs mains soient continuellement occupés à épier ses volontés et à deviner ses pensées.

Est-ce là vivre heureux ? Est-ce même vivre ? »

Étienne de La Boétie, vers 1546 (Extraits de Discours de la servitude volontaire ou le Contr’un)

Ces phrases furent écrites alors que leur auteur n’avait que 16 ans.
Du coup, il en est un qui prend un sacré coup de vieux malgré ses quarante balais : le « fondé de pouvoir de la finance ».

Le tyran contemporain est un maître sans visage et sans pitié, mais aux mille et une identités.

En démocrature de marché, la servitude volontaire a pris les atours de la Liberté. Son meilleur vecteur tient dans la main de chacun, il éblouit par l’éclat de son écran, par sa relative toute-puissance, il obéit au doigt, à l’œil. Bientôt, qui sait, à la pensée.

Alors... alors, on pourra remiser le vieux mot « libre arbitre » (1541).

Personne

COMMENTAIRES  

06/05/2018 12:34 par Palamède Singouin

Le théâtre, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes curieuses, les médailles, les tableaux et autres drogues de cette espèce étaient pour les peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté ravie, les outils de la tyrannie

Et encore La Boëtie n’avait-il pas connu le foot, les jeux olympiques mondialisés, Johnny Hallyday, les pokémon, la Star Académie...
J’espère tout de même qu’il n’inclue pas la tragédie grecque dans sa stigmatisation du théatre.

06/05/2018 15:41 par Coconutyoyo

Joli texte mais inepte malheureusement.
On n’en veut pas à la Boetie : les poètes sont d’abord là pour embellir le monde, pas pour l’expliquer.
Le libre arbitre n’existe pas.Bon nombre de scientifiques et de philosophes, parmi les plus sérieux, le réfutent totalement et depuis longtemps. C’est assez incroyable , en 2018, d’être encore témoin d’argumentations faisant appel à ce concept fallacieux.
Celui qui souhaite vraiment et efficacement penser la condition humaine doit enlever le libre arbitre de sa boite à outils, sous peine de perdre irrémédiablement son temps. Il n’y a pas d’alternative...même si ça fait mal à notre narcissisme ainsi qu’à nos croyances les plus profondes.
Si le citoyen verse dans la servitude béate vis à vis de ses exploiteurs, ce n’est pas volontaire, on a modelé son cerveau en ce sens. Il n’y peut rien.Son ’environnement informationnel’, dominés notamment par des médias aux mains de ces mêmes ’exploiteurs’, en est le principal responsable.
Car nos ’exploiteurs’ sont bien conscients, eux, de la nature déterministe du monde et ne s’y trompent d’ailleurs pas : ils sondent, ils observent, ils mesurent, ils analysent, ils croisent les données, etc... afin d’être certains de nous proposer ’l’environnement informationnel’ qui nous poussera à agir dans leur intérêt. Ce qu’on appelle pudiquement la ’communication’ (ou la Com’) n’est ni plus ni moins que la sciences des mots à prononcer pour déterminer et obtenir le consentement de celui qui l’écoute, quel que soit le sujet.
A l’air du neuro-marketing et de la fabrique du consentement, il faut bien admettre qu’ils y arrivent plutôt bien : qu’y a t-il de plus beau qu’un smicard qui s’achète le dernier Iphone à 900 € à crédit tout en votant pour Macron ! :-)

06/05/2018 19:22 par AF30

À Coconutyoyo, le libre arbitre/le déterminisme, vaste sujet comme dirait l’autre. Il y aurait sans doute de quoi remplir des bibliothèques des livres écrits sur ces sujets. Toutefois il me semble que la réalité est faite de la combinaison des deux. Refuser le libre arbitre c’est absoudre par avance mais aussi à posteriori le violent ou le criminel, ne pas admettre le déterminisme, c’est ne pas croire en l’éducation.

06/05/2018 21:07 par Mad Max

La tyrannie n’est pas une condition entièrement définissable. Il existe de nombreuses formes de tyrannie et de nombreux niveaux de contrôle qui existent dans une société donnée à un moment donné. En fait, les formes les plus abjectes de la tyrannie sont souvent les plus subtiles ; les types de tyrannie dans lesquelles les opprimés sont trompés en pensant qu’ils ont le choix, ce qui les rend nécessairement libres. La tyrannie dans son essence même n’est pas toujours la suppression des choix, mais le filtrage de ces choix – l’effacement d’options ne laissant que les choix les plus bénéfiques pour le système et ses contrôleurs.

La Tyrannie, ça me gonfle !

06/05/2018 21:57 par geabr

Excellent texte de d la Boetie. Les deux (seuls !) commentaires qui suivent ne sont pas mal quoi qu’insuffisant. Certes à un certain niveau l’homme ,l’être humain n’a gère de libre arbitre : il n’a pas le choix de naitre ou et quand il veut et du milieu, il n’a pas le choix pour vivre de manger et de boire, il n’a pas le choix pour que son espèce se perpétue de s’unir avec une personne du sexe opposé, il n’a pas le choix de s’habiller quand il fait froid... Il y a beaucoup de contraintes dans l’existence qu’on le veuille ou pas, c’est ainsi. Toutefois, l’être humain a quand même la possibilité d’adoucir ces contraintes et c’est le but, normal, de toute civilisation de faire en sorte que ses membres puissent jouir d’une vie relativement tranquille et confortable. Même si tout le monde ne nait pas avec les mêmes capacités, certains sont plus intelligents que d’autres, d’autres plus forts et ainsi de suite, ils se doivent de mettre leurs capacités au service de l’ensemble. l’exemple bien connu d’un brin de fagot et du fagot, il est facile de casser un brin de fagot mais casser tout le fagot est beaucoup plus difficile... On dit que ceux qui se comportent égoïstement qu’ils sont comme des animaux, en fait c’est faux car même les animaux sont solidaires entre eux. Exemples vus dans des documentaires animaliers : quand un corbeau s’approche de nids d’oiseaux plus petits (pinsons par exemples) ceux-ci réagissent immédiatement et ensemble chassent le corbeau, même des buffles quand l’un est attaqué par un lion, il arrive que le reste du troupeau se retourne contre le lion et l’attaque le forçant à lâcher sa proie... on peut multiplier les exemples. Ceci montre que ces individus descendent plus bas que l’animal, c’est dans l’infra humain, car on ne peut plus appeler cela des être humains. Le terme "psychopathe" est tout à fait indiqué. Un malade requiert des soins parfois intensifs selon le degré de développement de la pathologie. Il faut donc agir en conséquence.
Donc, il ne suffit plus de dénoncer ce fléaux mais d’agir contre. Pour cela il faut bien définir les armes qu’utilisent ces personnes, ces malades, s’en prémunir et faire le "forcing" vers nos proches, nos amis, relations pour qu’ils fassent de même. Prendre conscience de nos chaines et comment elles sont entretenues et déjà un pas majeur. en parallèle définir une méthode de "gouvernance" puisqu’il en faut bien une pour que tout fonctionne, sans idéologie partisane car qui dit partisan dit forcément "esprit de clan" donc tendance à vouloir imposer son idéologie, sa méthodologie contre ceux qui ne la partage pas : croyants contre non croyants, capitalistes contre communistes, etc ;, etc ; Chacun est certes libre de ses opinions mais n’a pas à l’imposer à autrui. S’il considère à tord ou raison que sont point de vue est juste, qu’ils en débattent ensemble sereinement, après à chacun de faire son choix. l’essentiel est d’abord de faire en sorte que tout le monde est un toit, de quoi se nourrir et se vêtir, de vivre tranquillement sans craindre qu’on ne le vole ou lui impose quelque chose qu’il ne veut pas. C’est le b à ba. Aussi, rejetons la télévision et tout ce qui va avec,les jeux de hasard, le sport de compétition, les samrtphones et autres. Cessons de voter même quand on nous mais devant le choix entre un partisan de l’extrême droite et un libéral (situation sciemment provoquée) rejeter tout. Abstention totale. Boycoter tous les médias officiels... Il aurait encore bien des choses à dire et à faire mais comme le dit un proverbe anglais : mille milles s’ouvrent devant tes pas, qu’importe que tu ailles lentement pourvu que tu avance. Ou comme a dit je ne sais plus qui, celui qui combat peut réussir, celui qui ne fiat rien à déjà tout perdu !

07/05/2018 15:06 par Assimbonanga

@coconutyoyo, vous en connaissez des scmicard qui se paient un smartphone à 900 € à crédit ? Moi, ça m’étonne. N’est-ce pas une vue d’esprit, un préjugé ?
D’autre part, il faut lutter pour qu’existe une portion de libre arbitre, même s’il est vrai qu’on se heurte à nos formatages précoces, ceux de l’enfance. Celui qui guette aujourd’hui l’humanité c’est la volonté politique de recourir aux camps religieux. La croyance infligée dès l’enfance sur des cerveaux immatures laissera forcément des réflexes inconscients, automatiques. La croyance et les préceptes rituels, les injonctions sur la vie quotidienne, la distribution des rôles, les préjugés H/F.
@geabr. Rejetons la télévision ? Que voilà un anathème ! Moi, je dirais : au contraire ! Sachons décoder la télévision. Sous le commentaire prodigué par le journaleux, sachons débusquer dans l’image les détails qui nous montrent des lieux et des gens que nous le connaîtrions pas sans cela. Réfléchissons, objectons, prélevons les indices contradictoires, investiguons, ne prenons pas pour argent comptant et parlons-en avec les autres !
@La Boëtie, dis-moi mon garçon, tu n’as que 16 ans quand tu écris cela. Tu as presque l’âge de devenir un black bloc ! Nickel. N’oublie pas les lunettes de piscine pour tes yeux, les bouchons d’oreille pour épargner tes tympans des déflagrations de la police, et un foulard mouillé sur ta bouche, rapport aux gaz lacrymogènes. Et puis, toute façon, pour éviter le fichage, il vaut mieux dissimiler les traits de son visage.

07/05/2018 22:46 par François de Marseille

@coco... : "Bon nombre de scientifiques et de philosophes, parmi les plus sérieux, le réfutent totalement et depuis longtemps".
Quel argument !
Si on devait dresser la liste des conneries declamées en choeur par "Bon nombre de scientifiques et de philosophes, parmi les plus sérieux", une vie n’y suffirait pas.
Quand on prend conscience de son conditionnement, on dispose alors de tout les outils pour s’en affranchir, c’est une question de volonté.

08/05/2018 00:08 par irae

philosophes

genre ferry, enthoven ou bhl par exemple ?
Scientifiques à la noix ? Heu Villani, tyrole s’il pouvait comme il le désire tant se classer dans la catégorie.

08/05/2018 21:45 par depassage

"Bon nombre de scientifiques et de philosophes, parmi les plus sérieux, le réfutent totalement et depuis longtemps".

Il est vrai que le libre arbitre n’est pas donné à tout le monde, mais il peut s’acquérir sous beaucoup de conditions qu’il n’est pas aisé de remplir. Le libre arbitre est presque un état sauvage qui nécessite d’être affiné pour qu’il soit productif. C’est un sujet qui n’est pas facile et nécessite d’échapper à son propre conditionnement pour l’aborder. Disons que dès qu’un sujet touche aux intérêts humains, il devient litigieux. On peut le voir avec le marxisme. C’est une théorie simple qui fait appel à des évidences comme toutes les autres sciences de la nature vivante ou physique, mais à voir tous les préjugés qui l’entourent, on se dit que ce n’est pas demain la veille que l’humain se réveillera à sa condition, sauf s’il en est forcé. Par quoi ?

09/05/2018 15:12 par Salvador

Le déterminisme bourdieusien est d’ailleurs souvent critiqué par des gens pour qui la réussite a été grandement déterminée par la naissance, à croire qu’il est difficile de s’entendre dire que notre position n’est qu’en partie due à notre travail...

La servitude de La Boétie me fait penser à un texte que Bergerac a fait paraitre moins d’un siècle plus tard, et dont le passage suivant illustre assez bien les interrogations politiques d’alors relatives au meilleur gouvernement des Hommes : Histoire comique des Etats et Empires de la Lune et du Soleil. Après avoir voyagé sur la lune, le héros découvre sur le soleil une société d’oiseaux, et engage une conversation avec une pie :

"[...] Nous fûmes interrompus par l’arrivée d’un aigle qui se vint asseoir entre les rameaux d’un arbre assez proche du mien. Je voulus me lever pour me mettre à genoux devant lui, croyant que ce fût le roi, si ma pie de sa patte ne m’eût contenu en mon assiette. « Pensiez-vous donc, me dit-elle, que ce grand aigle fût notre souverain ? C’est une imagination de vous autres hommes, qui à cause que vous laissez commander aux plus grands, aux plus forts et aux plus cruels de vos compagnons, avez sottement cru, jugeant de toutes choses par vous, que l’aigle nous devait commander.

« Mais notre politique est bien autre ; car nous ne choisissons pour notre roi que le plus faible, le plus doux, et le plus pacifique ; encore le changeons-nous tous les six mois, et nous le prenons faible, afin que le moindre à qui il aurait fait quelque tort, se pût venger de lui. Nous le choisissons doux, afin qu’il ne haïsse ni ne se fasse haïr de personne, et nous voulons qu’il soit d’une humeur pacifique, pour éviter la guerre, le canal de toutes les injustices.

« Chaque semaine, il tient les États, où tout le monde est reçu à se plaindre de lui. S’il se rencontre seulement trois oiseaux mal satisfaits de son gouvernement, il en est dépossédé, et l’on procède à une nouvelle élection.

« Pendant la journée que durent les États, notre roi est monté au sommet d’un grand if sur le bord d’un étang, les pieds et les ailes liés. Tous les oiseaux l’un après l’autre passent par-devant lui ; et si quelqu’un d’eux le sait coupable du dernier supplice, il le peut jeter à l’eau. Mais il faut que sur-le-champ il justifie la raison qu’il en a eue, autrement il est condamné à la mort triste. »

Je ne pus m’empêcher de l’interrompre pour lui demander ce qu’elle entendait par le mot triste et voici ce qu’elle me répliqua :

« Quand le crime d’un coupable est jugé si énorme, que la mort est trop peu de chose pour l’expier, on tâche d’en choisir une qui contienne la douleur de plusieurs, et l’on y procède de cette façon :

« Ceux d’entre nous qui ont la voix la plus mélancolique et la plus funèbre, sont délégués vers le coupable qu’on porte sur un funeste cyprès. Là ces tristes musiciens s’amassent autour de lui, et lui remplissent l’âme par l’oreille de chansons si lugubres et si tragiques, que l’amertume de son chagrin désordonnant l’économie de ses organes et lui pressant le cœur, il se consume à vue d’œil, et meurt suffoqué de tristesse.

« Toutefois un tel spectacle n’arrive guère ; car comme nos rois sont fort doux, ils n’obligent jamais personne à vouloir pour se venger encourir une mort si cruelle.

« Celui qui règne à présent est une colombe dont l’humeur est si pacifique, que l’autre jour qu’il fallait accorder deux moineaux, on eut toutes les peines du monde à lui faire comprendre ce que c’était qu’inimitiés. »"

09/05/2018 19:44 par Mad Max

@ Personne
Traduction du vieux Français de La Boétie ?
Sources introuvables pour ma part ...
MERCI

09/05/2018 21:50 par Personne

à Mad Max,

J’ai utilisé la traduction : https://www.singulier.eu/textes/reference/texte/pdf/servitude.pdf

J’ai aussi consulté sur http://gallica.bnf.fr/accueil/?mode=desktop en faisant la recherche "de la servitude volontaire" :
- la traduction de 1836 (proposition 1 de la recherche),
- le texte en vieux français de "1501-1600" (proposition 3)

10/05/2018 13:43 par Mad Max

à Personne,
Merci Infiniment ...

11/05/2018 13:14 par Salvador

Vous pourrez trouver sur le site du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, Université de Lorraine) des dictionnaires des différentes époques (moyen français voire français classique pour le texte qui vous intéresse, pas d’ancien français mais le dico de Chrétien de Troyes devrait convenir), et des outils plutôt ludiques mais aussi pratiques tels que la proxémie (avec quels mots le terme entré dans le moteur de recherche est généralement associé, au sein des ouvrages numérisés ; il vous faudra zoomer sur la structure géométrique que vous pourrez ensuite faire pivoter) ou la concordance (idée similaire, mais on peut cette fois savoir dans quel contexte le mot est employé et dans quels textes (outils se situant dans le portail lexical)).
Pour la synonymie, le dico de l’Université de Caen est pas mal aussi (CRISCO).

http://www.cnrtl.fr/
http://www.crisco.unicaen.fr/des/

11/05/2018 19:34 par Mad Max

Merci à vous Salvador ...

16/05/2018 14:09 par Jag Michel

Nous sommes tout de même 34 ans après 1984… Je crois que Orwell et Huxley voyaient plus clair que La Boétie. Il est facile de se blâmer soi-même, de s’accuser de passivité vis-à-vis de l’oppression, et par la pensée magique se faire croire qu’il suffit de ne plus alimenter l’ogre pour le terrasser ; mais je pense que si nous ne creusons pas un peu pour connaître les raisons de cette passivité nous jouons le jeu de l’oppresseur.

Les rares pays démocratiques sur la planète, les pays bolivariens, n’ont rien de plus pressé que de faire instruire leurs peuples. Or, contrairement au temps où les oppresseurs, les puissants, contrôlaient les peuples en les maintenant dans l’ignorance, ils les contrôlent maintenant en les instruisant, en formant leur pensée ou leur absence de pensée… bien sûr, après la prise du pouvoir qui est inéluctable de la réaction, pas de cours de philo, rien sur le libre-arbitre, le vrai. Phénomène jamais vu dans toute l’histoire de l’humanité, l’oppresseur capitaliste servi par le néolibéralisme, est parvenu par le contrôle parfait des médias, de l’Éducation, du livre, etc., etc., à contrôler la pensée. Dans les pays bolivariens, il prendra d’abord le pouvoir par la dictature médiatique. Ils ne nous tient plus par les baïonnettes, mais par les claviers.

Je me répète, Orwell et Huxley ont vu plus clair que quiconque. Partons de ce principe décrit par Mark Twain : « Il est plus facile de tromper les gens que de les convaincre qu’ils ont été trompés. »

Ces deux descriptions de la servitude de Huxley qui suivent n’auraient pas pu se matérialiser sans un parfait contrôle de la pensée :

« La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. »

« Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur - qu’il faudra entretenir - sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être traité comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu.

Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tel. On observe cependant, qu’il est facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir. »

Michel

16/05/2018 17:36 par Saint Jean

@ Jag Michel
Etes-vous Franc-Maçon ? ...
PS : je ne parle qu’à mes Frères ...

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