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Le Brésil n’a plus de démocratie, son gouvernement élu a été déchu par des manœuvres dignes des pires mafias

Brésil urgent : la démocratie assassinée

L’emprisonnement de Lula, décrété le 5 avril, marque l’apothéose d’un coup d’État minutieusement préparé et mis en route depuis 2014. La version des grands médias en Europe ne fait que reproduire celles des cinq grands groupes de communication brésiliens, tous dans les mains de cinq grandes familles, elles-aussi impliquées dans le coup d’État. Voici une chronologie explicative des événements.

Acte 1 – renverser un gouvernement légitimement élu

1) Dans un premier temps, la stratégie est d’annuler un gouvernement légitimement élu. Aecio Neves, le candidat du PSDB (droite) vaincu par Dilma Roussef aux présidentielles de décembre 2014 (aujourd’hui en disgrâce à cause de multiples accusations de corruption), donne le ton dès le mois de juillet 2015 de ce qui sera la stratégie du coup d’État, Même si la présidente Dilma n’est nullement accusée accusation de corruption, Neves déclare : « nous n’avons pas perdu l’élection pour un parti politique, nous l’avons perdue pour une organisation criminelle ». Il conclut qu’« à la fin du mandat de Dilma, que je ne sais pas quand ce sera, mais probablement plus vite que certains l´imaginent, les Brésiliens seront devenus plus pauvres ». Ce climat de confrontation est créé dès le premier jour du mandat de la présidente, puisque la Chambre des Députés, où elle n’avait pas la majorité, empêche la présidente de gouverner, obstruant tout nouveau projet envoyé au parlement.

2) Eduardo Cunha, président-adjoint du Congrès et homme politique submergé d’accusations de corruption (aujourd’hui en prison depuis près de deux ans), se déclare l’ennemi mortel de la présidente, qui refuse d’entrer dans ses schémas corrompus. Il déclare publiquement qu´il la fera tomber. Excellente opportunité pour les barons de la politique et de l’économie brésilienne, associés aux grands médias, à Aecio Neves et son PSDB, il faut créer l’instabilité politique nécessaire. Le jugement pour corruption de Cunha, qui l’entraînera en prison, est reporté aux lendemains de l’impeachment de la présidente, quand il ne sera plus utile.

Sans réussir à trouver des accusations de corruption contre Dilma qui, au contraire, ne reçoit plus les députés dans son cabinet à cause de leurs pratiques de clientélisme, le Congrès déclare illégale une opération comptable-fiscale que tous les 26 États brésiliens pratiquent (en plus de municipalités), soit celle de s’avancer les fonds, en novembre-décembre, sur le budget de l’année suivante, pour ne pas interrompre les payements de projets sociaux comme la « bourse famille » pour les brésiliens très pauvres. Non seulement, ils rendent illégale ce qui est au pire une infraction administrative, en l’élevant à la catégorie de « crime de responsabilité », le seul type de crime qui peut provoquer une demande d’impeachment par le Congrès.

La grande presse transforme cette infraction en une figure de publicité politique, lui donnant un nom plus assimilable par la population : les « pédalages fiscaux ». Dès lors, n’importe quel chauffeur de taxi au Brésil devient capable de discourir pendant des heures combien ce crime est grave et équivalent à de la corruption.

Après une série de manœuvres illégales faites avec l’appui du pouvoir judiciaire (comme des écoutes non constitutionnelles dans la résidence de la présidente, ou l’empêchement de nommer Lula ministre pour aider à gérer la crise, soi-disant, parce qu’il est sous procès, alors que cela ne l’en empêche pas), le Congrès vote la destitution de la présidente. Les sénateurs sont publiquement « achetés » par le vice-président (et futur président) avec des postes importants pour leurs alliés dans la nouvelle administration.

Il faut savoir aussi que Lula et Dilma, mais aussi Cardoso, leur antécesseur du PSDB, ont comme vice-présidents des gens de parti le plus corrompu du Brésil, le PMDB, qui a comme tactique ne jamais s’éloigner du pouvoir, faisait des accords avec n’importe quel parti pour avoir la vice-présidence. Ayant un grand nombre de députés, leur appui est nécessaire pour quiconque veut disposer d’une majorité au parlement. Mais Dilma est trahie par celui qui est aujourd’hui le président-usurpateur, Michel Temer, lui-même mêlé à des dizaines de cas de corruption.

Montrant à quel point tout cela est une farce, le Congrès "démissionne" Dilma, mais en lui laissant comme « prix de consolation » ses droits politiques, une aberration constitutionnelle (l’impeachment devrait enlever les droits politiques pour huit ans). À ce moment, la constitution brésilienne ne vaut déjà plus rien. La Cour suprême, dans sa première démonstration de servitude envers les pouvoirs dominants, préside cette saga d´inconstitutionnalité, lui donnant des airs de légalité.

Des milliers de personnes vêtues avec le maillot jaune de la « seleção » vont dans les rues demander la chute de Dilma. Ils sont convoqués par des campagnes massives de la presse, de grands magasins, de banques, qui financent des campagnes milliardaires dans les médias : « descends dans la rue toi aussi », « le géant Brésil se réveille », etc. La presse reproduit ces photos, qui font le tour du monde.

Ce que la presse ne montre pas, systématiquement, et que le monde n’a probablement pas vu, c´est qu’à chaque manifestation de ce type, une autre, trois fois plus grande, réunit des centaines de milliers de partisans de Dilma et de Lula dans les rues. La manière dont ces photos sont escamotées par les médias mériterait des thèses en journalisme. Heureusement, les réseaux sociaux montrent la force des manifestations en faveur de Lula et Dilma.

Eduardo Cunha, devenu inutile, subit un procès « exemplaire » et est envoyé en prison. Plusieurs scandales révélés par la presse démontrent qu´il reçoit probablement des paiements élevés pour maintenir son silence.

Mais la classe moyenne brésilienne, celle qui justement a le plus bénéficié de la croissance économique sous Lula, démontre ses préjugés envers les plus pauvres. Un président ouvrier et sans université ne peut qu’être un bon à rien. Il ne peut être là que pour voler. La présidente qu´il a mis à sa place ne peut être qu’une voleuse et une incapable. En fin de compte, elle est une femme et de plus, elle est parrainée par un analphabète. Ce discours sournois gagne de la force, grâce à des financements importants dans les médias. Malgré toute sa popularité auprès des plus pauvres (qui pour la première fois, grâce aux politiques en place, commencent à avoir accès aux universités) et des secteurs intellectuels, Lula perd l’appui des classes moyennes et le Brésil se divise.

En même temps, face à la popularité de Lula et de Dilma, la droite et le PSDB ouvrent, comme dernier recours lors des élections présidentielles de 2010 (quand Lula réussit à faire élire Dilma pour la première fois), la porte à l’extrême droite. José Serra, le candidat d’alors, invite les secteurs de l’extrême droite à prendre part active à sa campagne. Sans succès. Mais le mal est fait. De plus en plus visible et sans se gêner avec la justice, qui au Brésil n’existe plus en tant que telle, le discours de la haine, du racisme, des préjugés contre les pauvres, les femmes, devient de plus en plus libre et généralisé. Il sert, en fait, à démoraliser toutes les politiques de Lula et Dilma envers les plus pauvres et les minorités.

3) À peine six mois après le départ de Dilma, le Congrès (parlement) vote à nouveau la légalité des pédalages fiscaux. Tout revient dans l’ordre. Le nouveau président Temer avance les fonds en décembre 2016 sur le budget de 2017, qui sont deux fois plus élevés que ce que Dilma a fait. Maintenant, c’est légal.

Depuis, une série de scandales se succèdent : des assistants proches du président Temer sont surpris avec des valises bourrées d’argent, une écoute (autorisée) de la police fédérale surprend des échanges du président visant à étouffer des témoignages qui peuvent l’impliquer. Le candidat vaincu par Dilma, Aecio Neves, tombe en disgrâce politique, mais il n’est pas menacé d’emprisonnement. L’hélicoptère d’un sénateur de droite est appréhendé alors qu´il transporte 500 kg de cocaïne. Le sénateur n’est pas dérangé. Un autre sénateur dit, sous écoute : « il faut en finir avec cette hémorragie, il faut finir avec cette opération », se référant aux actions anticorruption.

Dans une série télévisée produite par Netflix, ayant comme thème les opérations contre la corruption au Brésil (dirigée par le polémique metteur en scène de la série Narcos), cette phrase, exactement la même, est prononcée, non pas par un sénateur corrompu du nouveau gouvernement, mais par un personnage ex-président à la barbe blanche, qui rappelle en tout Lula. Tous les moyens sont utilisés pour faire de Lula le bandit numéro 1 de la corruption au Brésil.

En même temps, Temer met en route un processus de destruction systématique des conquêtes sociales obtenues sous le gouvernement Lula : fin des lois régulant le travail, révision à la baisse de la retraite, réduction des terres autochtones, fin du programme de logements, et ainsi de suite.

Acte 2 – Détruire le Parti des travailleurs (PT) et son leader, Lula

Le problème est qu’avec tout cela, Lula, qui a présidé au pays alors qu’il connaissait la plus forte croissance économique de son histoire, leader populaire incontesté, se voit catapulter en première place dans tous les sondages présidentiels, place qu´il n’a plus jamais quitté jusqu’à maintenant. Il n´est alors plus suffisant d’enlever la présidente, il faut à tout prix casser ce mouvement et la force de Lula.

1) Sergio Moro, un juge de première instance de Curitiba, là où le mouvement anti-Lula est très fort, et où s’exprime fortement un « séparatisme » par rapport au « Brésil pauvre (et non blanc) du Nord », décide d’ouvrir un procès pour corruption contre l’ancien président.

Moro a quelques caractéristiques qui ne peuvent être ignorées : il est le fils d’un homme politique du PSDB, le parti d’opposition qui a mené à l’élimination de Dilma ; son épouse est elle-même un cadre du parti dans son État (le Paraná) ; il est connu par sa haine contre Lula, qu´il distille, même en étant juge, dans les réseaux sociaux ; il est connu pour appeler l’ex-président « nine fingers », une allusion au fait que Lula a perdu un doigt dans un accident de travail quand il était ouvrier.

Moro décide de persécuter Lula à partir de la construction d´une fable pittoresque. Une grande entreprise de bâtiment (OAS) aurait offert à Lula un appartement triplex à la plage (de 250 m²), en échange de faveurs de celui-ci pour des contrats avec Petrobras, le géant pétrolier brésilien (entreprise publique), que Lula a fait exploser sur les marchés mondiaux, grâce notamment à la découverte, lors de son gouvernement, des réserves sous-marines. Il se trouve que la femme de Lula (aujourd’hui décédée d’un épanchement cérébral à la suite de ces persécutions) avait en effet demandé d’acheter cet appartement, en 2007, mais Lula s’était désisté par la suite. Il n´y a mis les pieds qu´une seule fois dans sa vie, et l’appartement, en construction jusqu’à il y a quelques mois, n’a jamais été à son nom ni à celui de sa femme (il est toujours au nom de l’OAS). Les huit premiers témoins lors du jugement ont d’ailleurs innocenté Lula. Lors du procès, Lula n’a cessé de répéter (les vidéos sont disponibles sur internet) : « Monsieur le Juge, s’il vous plait, montrez-moi les preuves que je suis le propriétaire de cet appartement, et je me présente immédiatement pour être emprisonné volontairement ». Ces preuves, Moro ne les a jamais eues.

2) L’action suivante a été de promouvoir une version à l’effet que cet appartement était la pointe d’un iceberg d’un réseau de crimes et de corruption avec à sa tête Lula et les principales entreprises de bâtiment et d’infrastructure du pays qui, parce que c´était légal, finançaient toutes les campagnes électorales (y compris celles du PSDB). C´est Dilma, justement, qui a approuvé la loi interdisant le financement des campagnes par les entreprises privées au Brésil. La question est de réussir à prouver à quel point un président sait et contrôle toutes ces magouilles, et à quel point il doit en être responsabilisé. Ce serait bien utile et intéressant que cette discussion soit faite, mais dans le cadre de la loi, avec des enquêtes sérieuses, des preuves et toutes les échéances et appels garantis. Mais non, au Brésil, c’est utilisé par Morto comme une arme de persécution politique. Sans preuves concrètes.

En faveur de Lula, il faut savoir que gouvernement précédent de Cardoso (PSDB), avait, en huit ans, donné l’ordre de lancer 48 opérations anti-corruption de la Police fédérale. Pour leur part Lula et Dilma, en 12 ans, en ont ordonné 2.226 ! De plus, c´est Lula qui a restructuré la même Police fédérale pour augmenter sa capacité à combattre la corruption. Le plus insolite, cependant, est la démesure de l´accusation. Dans un pays où les propriétaires des chaines de télé et les grands milliardaires possèdent – illégalement – des îles entières, avec des villas non autorisées de quelques milliers de m² valant des millions de dollars, Moro et sa troupe d´accusateurs font passer l’idée que Lula serait corrompu pour des contrats du géant pétrolier, contre un appartement de moins de 300 m², le long d’une plage de classe moyenne sur le littoral de São Paulo. L’acceptation de la crédibilité de cette accusation n’a d’explication que dans les préjugés existants au Brésil envers les plus pauvres : « Lula ne sait même pas être corrompu. Lula négocie ce qui est à sa hauteur. Le monde des villas et des millions n’est pas pour lui » ! C’est la base de ce discours médiatique.

Le plus impressionnant est qu´une simple recherche sur Google démontre que Cardoso, l’ancien président a reçu une ferme d’une de ces entreprises (Camargo Correa), qu’il y a même construit une piste d’atterrissage permettant de recevoir…. des Boeings ! Cardoso est aussi accusé d’avoir acheté un appartement dans le quartier le plus cher de São Paulo, à un prix de loin inférieur à celui du marché. Rien de tout cela, cependant, n’est motif à des enquêtes ou des procès.

Il faut bien comprendre qu’en 14 ans au pouvoir, le PT a commis beaucoup d’erreurs et s’est probablement impliqué dans plus d’une affaire douteuse. La corruption est endémique au Brésil depuis 500 ans et ce n´est pas un gouvernement qui, d’un seul coup, peut l’arrêter. Le PT n’est pas exempt d’avoir fait des mauvais choix et d’être entré bien des fois dans la logique de la politique brésilienne (quand même beaucoup moins que les autres partis, étant encore le seul à exercer des gouvernements tournés vers les intérêts des plus pauvres). Mais il ne faut pas confondre les choses : sous l’excuse d’une fausse lutte contre la corruption, ce que les élites brésiliennes, et surtout la justice ont mis en place, est en fait une persécution qui met en échec toute la démocratie.

Pour obtenir des « preuves », quelles qu’elles soient, Moro innove du point de vue juridique. Il reçoit de la Cour suprême, et c´est là sa deuxième action en faveur du coup d’État, que les gardes à vue se transforment en prison indéterminée. En 2016, après la sortie de Dilma, la Cour décide, par 6 voix contre 5, d’interpréter un texte de la Constitution, selon lequel au Brésil une personne ne peut être emprisonnée qu’une fois terminés tous les appels possibles. Elle décide que finalement, ce n’est pas le cas, qu’après le jugement de la deuxième instance, une personne peut être emprisonnée, alors que les appels aux instances supérieures continuent encore.

Cette décision est importante pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui avec l’emprisonnement de Lula.

Ces deux décisions de la Cour suprême permettent au juge Moro de mettre en place une forme de chantage juridique, Il envoie en prison des personnes ayant une quelconque relation avec Lula, en leur promettant leur libération, s’ils acceptent de devenir délateurs. La presse laisse échapper que dans l’un des cas, la demande a été spécifique : « je vous laisse sortir si vous me présentez des accusations contre Lula ». Lorsque l´une de ces délatrices a dit que le Juge Moro lui avait demandé deux millions de réais pour permettre sa libération, elle a été rapidement oubliée par la presse.

Plus tard, le procès suit son cours, pendant que la population est harcelée par une campagne intense de diffamation de Lula et de Dilma. À chaque nouvel épisode du procès, alors qu’apparaît de plus en plus le manque de preuves, les élites sortent leurs casseroles pour les frapper dans les vérandas des appartements de luxe. La population plus pauvre a de plus en plus de difficultés à suivre les méandres juridiques. La classe moyenne fête la « fin de la corruption », alors que le gouvernement actuel, sous Temer, est probablement l’un des plus corrompus de l’histoire du Brésil.

Alors qu’un procès au Brésil dure des années à cause de la nonchalance du pouvoir judiciaire, celui de Lula sous le juge Moro est conclu en un temps record. Sans preuve, Moro condamne l’ex-président, toujours loin devant dans tous les sondages présidentiels, à neuf ans de prison. Une petite ironie envers le « nine fingers » ? C’est possible. Le juge qui ne met que des chemises noires avec cravates rouges, rappelant des moments sombres de l’histoire du monde, n´a plus aucun scrupule.

Un livre signé par plus de 200 juristes brésiliens est alors publié, sans aucune couverture médiatique. Les juristes y dénoncent l’inconsistance du jugement de Lula sur une affaire sans preuves concrètes. Les arguments du juge Moro sont si peu solides que lui-même admet ne pas avoir de preuves, mais la « conviction » de la culpabilité de Lula. Depuis, au Brésil, vous pouvez vous faire incarcérer lors d’une garde à vue suite à une simple « conviction » du juge. C’est ce que le pouvoir judiciaire entend faire, d’ailleurs, en poursuivant cinq présidents des plus grandes universités fédérales, les emmenant en prison lors d’opérations policières avec mitraillettes et camions blindés (alors que la loi prévoit une convocation amiable devant le juge) pour des affaires insensées, comme « des erreurs de factures à l’achat de machines photocopieuses ». L’objectif de tout cela ? Montrer à la population que les universités fédérales, objet d’une des actions les plus impressionnantes du gouvernement Lula qui avait créé une centaine de campus partout au Brésil, ne sont en fait qu’un antre de corruption de la « machine criminelle » du PT. L´un des recteurs, trop humilié par ces événements, s’est suicidé. Mais cela n’a semblé déranger personne, outre la communauté de gauche des réseaux sociaux.

Malgré tout cela, les avocats de Lula font appel à la deuxième instance,. Encore une fois, c’est une procédure qui dure normalement plus de deux ans. Pour Lula, elle ne dure que quelques mois. Ce jury conclut par un jugement éclair, avec des arguments identiques, alors que les votes devraient être sensés indépendants. Les juges confirment le verdict de la première instance, et augmentent la peine de Lula à douze ans et deux mois. Pourquoi cette précision ? Le « crime » non prouvé de l’appartement remontant à plus de dix ans, Lula aurait le droit de la purger en liberté. Les méandres du coup d’état sont pleins de petits détails.

Acte 3- Les militaires entrent dans le match

Lula peut donc être incarcéré. Mais ses avocats, invoquant que la Constitution a été changée de manière opportuniste, demandent une révision de cette décision. En même temps, ils demandent à la Cour suprême un Habeas Corpus pour que Lula ne soit pas emprisonné.

Les rites « normaux » de la Cour suggèrent, par les dates chronologiques des demandes, qu´elle juge tout d’abord l’inconstitutionnalité de la décision sur l’emprisonnement en deuxième instance, Cependant, Carmen Lucia, la présidente de la cour, sait que ce vote pourra défaire la décision antérieure, car un des juges annonce avoir changé de position, ce qui annulerait l’emprisonnement de Lula et la demande d´habeas Corpus. Elle inverse donc l’ordre, et décide de juger d’abord l’habeas corpus.

La veille du jugement final, le 4 avril, la mobilisation de la droite pour faire pression en faveur de l’emprisonnement est intense. Les casseroles retentissent sur les vérandas des riches bourgeois. Les médias convoquent à des manifestations contre Lula. Un géant de la communication du pays, l’entreprise SKY, autorise ses employés à participer aux manifestations sans perte de salaire.

Le même jour, un général à la retraite se fait menaçant : « Si la Cour suprême n’envoie pas Lula en prison, l’armée interviendra ». Quelques heures plus tard, le commandant de l’état-major sort de ces attributions constitutionnelles lui interdisant de se prononcer sur des questions politiques et écrit : « l’armée se solidarise avec les désirs de tous les citoyens « du bien » de condamner l’impunité, et se maintient attentive pour ses missions institutionnelles ». Le message ne peut être plus clair.

Certes, les commandants de l’armée de l’air émettent plus tard un communiqué plus rassurant, ce qui démontre que, même dans les armées, les avis sont partagés. Mais ce qui est retenu est le menace d’intervention. Ainsi, une des juges de la Cour suprême change d’opinion, ce qui donne contre Lula six votes contre cinq en faveur de l’emprisonnement. Le changement est tellement bizarre, au point où cette juge dit textuellement qu’elle a endossé un jugement anticonstitutionnel. Est-ce la peur des militaires ?

La Cour suprême annonce donc que Lula peut être emprisonné, une fois terminés tous les appels en deuxième instance », ce qui pourrait encore durer 15 jours, étant donné que des appels sont encore possibles et légalement déposables. Mais la justice, le droit de défense, la présomption d’innocence, sont des valeurs périmées au Brésil, en tout cas pour Lula, et sûrement pour les sympathisants du PT. En moins de 24 heures, encore une fois de manière illégale, Moro donne l’ordre d’emprisonnement.

Des milliers de militants encerclent maintenant le siège du syndicat des métallos de São Bernardo, berceau de la carrière politique de Lula. Accompagné de sénateurs et du peuple qui le soutient, Lula ne s´est pas présenté à la justice. Moro lui avait donné jusqu’à 17 heures, le 5 avril, pour se présenter à Curitiba pour être emprisonné. Une action d’humiliation. Moro rajoute : « en raison de la dignité du poste qu´il a occupé, j’ordonne que l´on ne le menotte pas ».

Encore une fois, Moro montre que sa persécution acharnée de Lula passe au-dessus, non seulement des lois et de la Constitution, ce qu’il peut faire grâce à la bienveillance de la Cour dont le rôle ne semble plus de de protéger la Constitution, mais aussi des risques de provoquer une partie imposante de la population. Celle qui, dans les sondages de la semaine dernière, met Lula chaque fois plus loin devant dans la course á la présidence. Tous les débouchés sont maintenant pensables, y compris les plus tragiques. Le Brésil n’a plus de démocratie, son gouvernement élu a été déchu par des manœuvres dignes des pires mafias. La volonté démocratique du peuple est violée par des décisions à chaque fois illégales. Les militaires sont aux aguets. La presse continue son action irresponsable. Le pays est divisé. Le monde n’est plus capable de suivre les subtilités de ce coup d’État ignoble.

Comme l’observe un jeune sur les réseaux sociaux, l’élite « fête » l’emprisonnement imminent de Lula. Comme les brésiliens sont blagueurs, plusieurs messages ironisent. On se moque de son niveau de scolarité, de son doigt en moins, des homosexuels qui « devront maintenant quitter le pays », de l’indigence de Dilma (une femme), des pauvres, des sans-terre, des Noirs, qui maintenant, seront « obligés de travailler au lieu de vivre aux dépens du gouvernement », sur la « mort de la gauche ». La corruption n’est jamais citée. C’est le portrait du Brésil qui émerge des décombres d’une démocratie ravagée.

João Whitaker (urbaniste et militant de gauche à Sao Paulo)

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"Aucune femme en burka (ou en hijab ou en burkini) ne m’a jamais fait le moindre mal. Mais j’ai été viré (sans explications) par un homme en costume. Un homme en costume m’a vendu abusivement des investissements et une assurance retraite, me faisant perdre des milliers d’euros. Un homme en costume nous a précipités dans une guerre désastreuse et illégale. Des hommes en costume dirigent les banques et ont fait sombrer l’économie mondiale. D’autres hommes en costume en ont profité pour augmenter la misère de millions de personnes par des politiques d’austérité.
Si on commence à dire aux gens comment ils doivent s’habiller, alors peut être qu’on devrait commencer par interdire les costumes."

Henry Stewart

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