RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

D’un type développé par des menteurs

J’ai maintenant reçu la confirmation d’une source bien placée au FCO (Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth – NdT) que les scientifiques de Porton Down (zone gouvernementale de recherche militaire – NdT) ne sont pas en mesure d’identifier l’agent neurotoxique comme étant de fabrication russe, et éprouvent du ressentiment à l’égard des pressions exercées sur eux pour le faire. Porton Down n’a approuvé la formulation « d’un type développé par la Russie » qu’après une réunion plutôt difficile pour aboutir à ce compromis. Les Russes auraient fait des recherches, dans le cadre du programme « Novichok », sur une génération d’agents neurotoxiques qui pourraient être fabriqués à partir de produits disponibles dans le commerce, tels que les insecticides et les engrais. Dans ce sens, cette substance est un « novichok ». C’est un produit du même type. Tout comme je suis en train de taper sur un ordinateur portable d’un type développé par les États-Unis, mais fabriqué en Chine.

Chose évidente depuis plusieurs jours pour toute personne ayant une expérience du Pouvoir. Le gouvernement n’a jamais dit que l’agent neurotoxique a été fabriqué en Russie, ou qu’il ne pouvait être fabriqué qu’en Russie. La formulation exacte « d’un type développé par la Russie » a été utilisée par Theresa May devant le Parlement, par le Royaume-Uni au Conseil de sécurité de l’ONU, et par Boris Johnson à la BBC hier et, surtout, « d’un type développé par la Russie » est l’expression précise utilisée dans le communiqué commun publié hier par le Royaume-Uni, les États-Unis, la France et l’Allemagne :

Cette utilisation d’un agent neurotoxique de qualité militaire, d’un type développé par la Russie, constitue la première utilisation offensive d’un agent neurotoxique en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Lorsque le même phrasé extrêmement prudent est systématiquement employé, vous savez que c’est le résultat d’un compromis très délicat au sommet du Pouvoir. Ma source du FCO, comme moi, se souvient des pressions extrêmes exercées sur le personnel du FCO et d’autres fonctionnaires pour qu’ils signent le dossier sur les Armes de Destruction Massive irakiennes, dont certaines pressions que j’ai racontées dans mes mémoires Murder in Samarkand. Elle a fait la comparaison avec ce qui se passe actuellement, en particulier à Porton Down, sans que je ne l’y incite.

De mon côté, j’ai écrit au bureau des médias de l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) pour leur demander de confirmer qu’il n’y a jamais eu de preuves matérielles de l’existence de Novichoks russes, et le programme d’inspection et de destruction des armes chimiques russes a été achevé l’année dernière.

Connaissiez-vous ces faits intéressants ?

Les inspecteurs de l’OIAC ont eu pleinement accès à toutes les installations d’armes chimiques russes connues depuis plus d’une décennie - y compris celles identifiées par le lanceur d’alerte "Novichok" présumé Mirzayanov - et l’an dernier, les inspecteurs de l’OIAC ont achevé la destruction des 40 000 dernières tonnes d’armes chimiques russes.

En revanche, le programme de destruction des stocks d’armes chimiques des États-Unis a encore cinq ans à courir.

Israël dispose de stocks importants d’armes chimiques, mais a toujours refusé de les déclarer à l’OIAC. Israël n’adhère pas à la Convention sur les armes chimiques et n’est pas membre de l’OIAC. Israël a signé en 1993 mais a refusé de ratifier car cela signifierait l’inspection et la destruction de ses armes chimiques. Israël a sans doute autant de capacités techniques que n’importe quel Etat pour synthétiser les "Novichoks".

Jusqu’à cette semaine, la croyance quasi universelle parmi les experts en armes chimiques, et la position officielle de l’OIAC, était que les "Novichoks" étaient tout au plus un programme de recherche théorique que les Russes n’avaient jamais réussi à synthétiser et à fabriquer. C’est pourquoi ils ne figurent pas sur la liste des armes chimiques interdites de l’OIAC.

Porton Down n’est toujours pas sûr que ce sont les Russes qui ont apparemment synthétisé un "Novichok". D’où l’expression "d’un type développé par la Russie". Notez bien : développée, pas fabriquée, produite ou manufacturée.

Il s’agit d’une propagande soigneusement formulée. D’un type développé par des menteurs.

MISE A JOUR

Cet article a incité un autre ancien collègue à prendre contact. La bonne nouvelle, c’est que le FCO a persuadé Boris qu’il devait laisser l’OIAC analyser un échantillon. Mais pas tout de suite. On s’attend à ce que le comité d’enquête soit présidé par un délégué chinois. Le plan Boris est d’obtenir que l’OIAC adhère également à la formule « d’un type développé par la Russie », et la diplomatie est aux manoeuvres en ce moment même à Pékin.

Je suppose qu’il n’y a aucun chance que la BBC fasse son travail de journalisme sur ce sujet ?

Craig Murray
ancien ambassadeur et haut fonctionnaire britannique

Traduction "contrôlez le vocabulaire et vous contrôlez les termes du débat" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles de types habituels.

»» https://www.craigmurray.org.uk/archives/2018/03/of-a-type-developed-by-liars/
URL de cet article 33066
   
Même Thème
La télécratie contre la démocratie, de Bernard Stiegler.
Bernard GENSANE
Bernard Stiegler est un penseur original (voir son parcours personnel atypique). Ses opinions politiques personnelles sont parfois un peu déroutantes, comme lorsqu’il montre sa sympathie pour Christian Blanc, un personnage qui, quels qu’aient été ses ralliements successifs, s’est toujours fort bien accommodé du système dénoncé par lui. J’ajoute qu’il y a un grand absent dans ce livre : le capitalisme financier. Cet ouvrage a pour but de montrer comment et pourquoi la relation politique (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Parfois sans le savoir, nous gagnons tous les jours. Ailleurs.

Viktor Dedaj

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.