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Chez les Étasuniens : nourriture, capitalisme et barbarie (I)

Aux États-Unis, l’agro-alimentaire (exploitations agricoles, usines de transformation, points de vente) est sous la coupe d’une poignée de firmes transnationales qui échappent aujourd’hui à tout contrôle démocratique, divers textes de loi autorisant les entreprises à garder secrètes les informations concernant leurs pratiques. Elles ont de beaux jours devant elles car 80 à 90% de ce qu’ingèrent les Étatsuniens sont des produits transformés. La nourriture est de plus en plus industrielle et complètement déconnectée de la nature : on trouve en effet de tout à tout moment.

C’est toujours le même problème avec la poule et l’œuf : avant la Deuxième Guerre mondiale, on ne sait trop si l’agro-alimentaire industriel naquit de la demande de la restauration rapide ou si cette restauration n’était autre que le débouché inévitable de la production agricole industrielle. La restauration rapide (style McDonalds) répondit à un moment de l’exploitation des travailleurs étasuniens. Comme ils étaient employés de plus en plus loin de chez eux et qu’ils avaient de moins en moins de temps pour se sustenter, il fallut leur fournir une restauration rapide, donc standardisée et préparée par des employés sans grande qualification. Tous les coûts furent tirés vers le bas : nourriture, service, salaires des employés de la restauration et des travailleurs en général. Les dividendes, eux, grimpèrent.

La concentration capitaliste fut foudroyante. McDonalds devint le premier acheteur de bœufs, de pommes de terre, de pommes, de volaille et de laitues. Devenue énorme, la chaîne ne put faire appel qu’à des exploitations agricoles qui, elles-mêmes, étaient gigantesques. Dans les années 1970, les cinq plus grands grossistes en viande contrôlaient 25 % du marché ; quarante ans plus tard, les 4 plus importants contrôlent plus de 80 % de ce marché.

Par exemple, Tyson, le plus important grossiste en volaille au monde qui a la force de frappe d’un boxeur célèbre. Il vous élève aujourd’hui en quarante-huit jours un poulet deux fois plus gros que ceux des années cinquante qui vivaient soixante-dix jours. Á noter que le poulet n’est pas, harmonieusement, deux fois plus gros que son ancêtre : le maïs et les hormones développent le poitrail démesurément. Le volailler n’est généralement plus le propriétaire de ses volailles. Au pays de la libre entreprise sans entraves et non faussée, l’exploitant agricole est employé par une entreprise qui, visant la standardisation à outrance, l’oblige à produire des poulets ayant tous le même poids. Les pauvres bêtes sont entassées par centaines de milliers dans des hangars où elles ne voient jamais la lumière du jour. Elles grandissent au milieu de la saleté et de leurs excréments (d’où les bains de chlore qui ne les débarrassent cependant pas de tous leurs germes et autres microbes mais qui donnent au poulet ce fumet incomparable) et, du fait de la nourriture chimique qu’elles ingèrent, elles poussent plus vite que ce pour quoi leur corps avaient été programmé. Leurs os se brisent et elles deviennent alors des accidents industriels.

Les travailleurs ont à peu près autant d’autonomie que la volaille. Il s’agit aujourd’hui le plus souvent de Latino-américains en situation irrégulière sans contrat qui acceptent de très faibles salaires. Pour qu’ils se pénètrent de l’idée qu’ils ne sont pas grand-chose, des rafles sont régulièrement opérées par la police de l’immigration et 5 à 10 % sont renvoyés dans leur pays selon un taux de rotation bien planifié.

Endettés auprès des entreprises agro-alimentaires qui les obligent à acheter du matériel toujours plus coûteux, les éleveurs subissent les diktats de conglomérats qui les poussent à emprunter. Les éleveurs n’ont alors plus aucune autonomie, aucune liberté quant à leur propre métier. Il est courant qu’un éleveur ayant emprunté 500 000 dollars ne gagne que 1 500 dollars par mois. Durée du remboursement : trente ans.

La plupart des aliments transformés sont des sous-produits du maïs que l’on trouve en effet dans 90% des produits vendus dans les grandes surfaces : coca, sirop, vinaigrette, corn flakes (évidemment !), tortillas, Ketchup, Pringles, jambon blanc, polenta, glaces (pas les Haagen Dazs), bière, chewing gum. Même dans les piles ! Le maïs nourrit de nombreux animaux d’élevage (bovins, porcins et poissons). La production à l’hectare a décuplé en 100 ans grâce aux engrais, aux pesticides et à la sélection des plantes. 30 % des terres cultivables sont réservées au maïs. Un immense réseau de routes et de chemins de fer a été construit pour transporter le maïs des champs jusqu’aux exploitations d’élevages intensifs. Les bovins sont, contre leur nature, forcés de manger du maïs au lieu de l’herbe, ce qui crée de nouvelles bactéries (type E-Coli) dans le premier estomac de la vache qu’on élimine en faisant un trou dans le flanc de la bête. La bactérie se retrouve même dans les légumes (épinards, salade..). Les vaches pataugent dans leurs excréments, dans les abattoirs la viande est souvent contaminée. Il y avait des milliers d’abattoirs en 1970, aujourd’hui il n’en reste plus que treize, ce qui augmente le risque de contamination. Á noter que l’agriculture « moderne » nécessite de plus en plus de pétrole : il faut 285 litres de carburant pour amener le bétail à l’abattoir.

Les contrôles ministériels (US Department of Agriculture) se raréfient : 50 000 inspections en 1972 contre 9 000 en 2006. Dans un univers de plus en plus toxique, la mort plane. Un enfant de deux ans, Kevin a été foudroyé par la bactérie E-Coli en mangeant un burger. La bactérie a détruit ses reins et le petit garçon est mort au bout de 12 jours. Sa mère se situait à la droite du parti républicain. Elle a perdu ses repères mais se bat courageusement contre le Moloch. Le gouvernent (USDA) a imposé des tests dans différentes entreprises agro-alimentaire pour dépister la salmonelle et l’e-cili. Les tribunaux l’ont empêché de faire fermer les entreprises qui contaminaient. Un projet de loi, dite “ loi Kevin ” a été déposé en 2005. Cette loi, qui aurait redonné à la l’USDA son pouvoir de décision, n’a jamais été votée. Redonner de l’herbe aux animaux pendant cinq jours supprimerait 80 % de la bactérie E-Coli de leur système digestif.

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