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Populisme de gauche : les limites de la stratégie marketing

« On en a gros ! », « Dégagez ! », « Résistance ! » sont autant d’expressions et de mots d’ordres énergiques dont l’utilisation a fleuri à la gauche du paysage politique français pendant la dernière campagne présidentielle, et qui méritent d’attirer notre attention aujourd’hui. Cela n’apparaît pas à première vue mais l’emploi de ce type de slogans, dépourvus de tout contenu idéologique est assez inhabituel pour les organisations de la gauche radicale européenne, et constituent la marque la plus visible du changement de stratégie qu’ont opéré certaines de ces formations . Ce changement a un nom : le populisme de gauche. Théorisé par le couple de philosophes Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, le populisme de gauche est défini par ses partisans comme une « radicalisation de la démocratie ». Cherchant à remplacer le clivage gauche-droite par le clivage peuple-oligarchie (en se plaçant bien sûr du côté du peuple), cette orientation électorale répond aux profonds changements sociologiques et politiques qui ont secoué la fin du dernier millénaire et qui jusque là, n’avaient pas été pris en compte par cette famille politique. Nous allons d’abord nous intéresser à ces changements ainsi qu’aux réponses apportées par le populisme de gauche, et enfin les limites que comporte cette stratégie.

Un constat : l’éclatement des revendications sectorielles

Pour comprendre les phénomènes qui ont abouti à la définition du concept populiste de gauche, il est nécessaire d’effectuer un rapide retour en arrière. Jusqu’au mois de mai 1968 (ou plutôt du 22 mars de la même année pour être précis), un mois qui pour la droite française restera le symbole du désordre et de la subversion, mais qui aura aussi des conséquences très importantes pour la gauche. Mai 68 est en effet l’événement historique qui marque l’éclatement et la multiplication des luttes dites sectorielles : féminisme, défense des minorités, écologie, progrès social... deviennent autant de démarches séparées et divisées qui tranchent avec les revendications de la classe ouvrière que le marxisme avait réussi à unir et à doter d’un programme. Cet éparpillement des luttes sectorielles a comme conséquence l’impossibilité de celles-ci de s’unir et d’arriver au pouvoir.

Une réponse : l’unification de celles-ci

Le populisme part donc de ce postulat pour apporter à ce problème, une réponse simple : la fédération de ces luttes dans un mouvement et un programme commun. Cependant, il n’apparaît pas aisé au premier abord de rassembler des cultures et des objectifs politiques très différentes et agissant jusque là, sans rapport entre eux. C’est pourquoi la stratégie populiste propose deux moyens simples : le signifiant vide et le leader charismatique. Le signifiant vide est à la fois un nom, un slogan et un logo dépourvus de toute référence idéologique et/ou trop précise, l’objectif étant de rester flou afin de ratisser large, c’est-à-dire l’ensemble des luttes sectorielles dont nous avons parlé. Vérifions si le mouvement de Jean-Luc Mélenchon que nous avons déjà évoqué entre les lignes, se conforme à cette stratégie. D’abord le nom « La France Insoumise » est rassembleur (« La France »), utilise un terme plutôt considéré comme mélioratif surtout à gauche (« insoumis ») et surtout ne se revendique d’aucune idéologie. Les slogans utilisés (« Dégagez ! », « Résistance »...) là aussi restent larges et permettent à chacun de les interpréter comme bon lui semble, le logo lui aussi (un « phi » grec, symbole de l’harmonie et de la sagesse) refuse d’être clivant pour réunir toujours plus largement. Enfin, le leader charismatique est tout trouvé : figure de la gauche radicale française, dont la qualité de tribun et le talent oratoire sont unanimement reconnus, Jean-Luc Mélenchon dispose de la verve nécessaire pour fédérer ces luttes (a défaut pour l’instant du peuple) derrière lui.

Indiscutablement, le populisme de gauche présente des intérêts et une efficacité indéniables. Son utilisation en France et en Espagne ont démontré qu’il avait une capacité de résonance importante au sein de l’électorat et la dynamique qu’il a suscité durant ces dernières années de l’autre côté des Pyrénées, et depuis quelques mois de ce côté peut assurément nourrir les espoirs des militants de Podemos comme de la France Insoumise. Attention toutefois à ne pas considérer le populisme de gauche comme un sortilège électoral capable à lui seul, d’assurer la victoire de toutes les formations de gauche du continent. Car cette stratégie présente également des limites importantes qui doivent pousser à s’interroger sur son utilisation.

Un impact idéologique incertain

Beaucoup considèrent que le populisme de gauche est le procédé qui a rendu possible le bon score de Jean-Luc Mélenchon à la dernière élection présidentielle. Or si ce score peut être objectivement qualifié de satisfaisant, on constate en y regardant de plus près, qu’il n’est pas si impressionnant que cela. D’abord il faut garder à l’esprit que depuis 2002, les candidats situés à gauche du PS, enregistrent régulièrement un score compris entre 10 et 15%, la stratégie populiste de Mélenchon lui a simplement permis en rassemblant sur son nom les luttes sectorielles, de faire main basse sur la quasi-totalité de ces électeurs. On pourrait aussi ajouter la logique du vote utile qui a peut être servi de léger tremplin à Mélenchon face à son concurrent Benoît Hamon, mais les raisons du succès « insoumis » sont sans doute davantage idéologiques que stratégiques. Il serait donc intéressant de voir quelles sont elles et comment la gauche peut « capitaliser » (sans mauvais jeu de mots) ce succès pour porter une alternative capable de détrôner le macronisme triomphant.

Les leçons tirées depuis 2012

Comme le désormais député l’a lui-même reconnu, la campagne de Mélenchon de 2017 s’est avérée très différente de la précédente, et pas seulement sur le plan stratégique. Certes, l’ancien ministre socialiste a su présenter durant la campagne une image apaisée, « pédagogue » comme il a été mille fois répété mais sa progression n’est sans doute pas tant une question de forme que de fond. Son programme comme son discours ont en effet tous deux évolué : d’abord notre « insoumis » a très souvent évoqué le patriotisme, la France et sa souveraineté, axant régulièrement sa campagne sur les intérêts de la France et sur la nécessité pour celle-ci de s’affranchir de la tutelle de l’OTAN et des traités austéritaires européens. En outre, l’ex-sénateur a contrarié certaines personnalités classées à gauche ou à l’extrême-gauche (Julien Bayou d’EELV et Olivier Besancenot du NPA notamment) en rompant avec la totale ouverture prônée par « certains milieux gauchistes » (Raquel Garrido) sur les questions relatives à l’immigration. Mélenchon a par exemple, combattu régulièrement la directive des travailleurs détachés et a affirmé que son objectif était de permettre à « chacun de pouvoir vivre dans son pays ». De manière plus symbolique, on notera que les drapeaux tricolores se sont affichés partout durant les meetings et que “ La Marseillaise ” a définitivement remplacé “ L’Internationale ”. Ces évolutions ont permis à Mélenchon de pouvoir incarner une gauche patriote revendiquée capable de rassembler davantage et de récupérer certains anciens électeurs de gauche auparavant tentés par le Front National.

Un « retour aux sources » imparfait

Ce retour aux origines de la gauche française républicaine, sociale et au final très jaurèssienne, semble cependant compromis par les élections législatives et la montée en puissance de personnalités (Danièle Obono, Clémentine Autain ou Farida Amrani pour ne citer qu’elles) et d’un courant issu de l’extrême-gauche opposé d’une part aux positions républicaines et laïques historiques de Jean-Luc Mélenchon, et de surcroît en désaccord total avec l’évolution impulsée par ce dernier lors de la dernière présidentielle. Il demeure cependant urgent de ne pas baisser les bras et de ne surtout pas faire machine arrière. La gauche radicale grâce à ces évolutions souverainistes et patriotes, a atteint un score qu’elle n’avait pas réalisé depuis les années 1960 ! A condition donc, de réaffirmer sa ligne républicaine sur ces sujets-là et de ne plus tolérer d’ambiguïté sur les questions de laïcité, de lutte contre l’islamisme et le terrorisme qui va avec, alors la gauche redeviendra la plus sûre garante de la République, s’adressera à tous les français et ne restera plus cantonnée à ce rang de « premier opposant » au libéralisme. Si celle-ci se définit à nouveau comme sociale, écologique, laïque et républicaine alors elle pourra à nouveau conquérir le pouvoir pour cette fois véritablement changer la vie.

Un populisme utile mais pas indispensable

On peut donc en déduire que si la stratégie du large rassemblement est intéressante, il y a des sujets comme la République ou la laïcité qui pour donner à la gauche la possibilité de gouverner, nécessitent l’intransigeance. Et qu’il ne faudrait pas que le populisme permette de constituer ce qui serait une sorte d’auberge espagnole ouverte à tous y compris aux moins républicains et aux moins laïcs sous prétexte que ceux-ci s’opposent également au libéralisme.

Le populisme de gauche peut ainsi se révéler utile pour rassembler sa famille politique et conférer une certaine dynamique au mouvement qui l’utilise, mais pour autant, sans évolution idéologique celui-ci ne demeurera qu’une stratégie marketing incapable d’assurer la victoire à la gauche, et partant le (vrai) changement de politique.

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