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Discrets assassinats de journalistes dans l’Amérique latine

Tuer le messager

Dans l'Antiquité, lorsqu'un monarque où un membre proéminent de sa cour recevait de mauvaises nouvelles, que ce soit de la guerre, des habituelles intrigues au Palais ou de toute autre nature, la première réaction était tuer le malheureux qui était porteur du message. Cela démontre combien, déjà à cette époque-là, perturber le pouvoir avec certaines informations était une tâche très dangereuse.

Les choses ont peu changé. Il suffit de s’arrêter sur les résultats d’un résumé élaboré par la Commission qui enquête sur les attentats contre les journalistes, un organe appartenant à la Fédération Latino-américaine de Journalistes, la FELAP, de par son sigle en espagnol. On peut constater que depuis 2006 et jusqu’à maintenant, un total de 401 journalistes ont été assassinés, la grande majorité d’entre eux, pour s’acquitter des tâches inhérentes à leur profession.

Le Mexique va en tête de liste avec une large marge. 146 communicateurs tués durant cette période. Ces statistiques font de ce pays le plus risqué pour ceux dont la fonction sociale est d’informer la population sur des faits de l’actualité, analyser leurs causes et prévoir leurs conséquences.

Ce pays vit une guerre sourde, qui ne peut plus être qualifiée de basse intensité à cause des victimes qu’elle provoque depuis que les

autorités mexicaines ont décidé de suivre les ordres de Washington de livrer en territoire mexicain le combat contre le trafic de drogue et d’autres formes du crime organisé, dont la cible est d’atteindre le territoire étasunien, le plus grand marché de stupéfiants de la planète.

Il s’agit d’un affrontement où les Mexicains mettent les morts et les États-Unis les armes, pour la plus grande joie du complexe militaire industriel-

Au Honduras, avant le coup d’état qui a évincé le président Manuel Zelaya, en 2009, deux assassinats de journalistes : un en 2007 et un autre l’année suivante.

Après le putsch, une escalade d’assassinats contre ce secteur s’est produite, tout particulièrement contre les journalistes qui critiquaient les autorités au pouvoir. À l’heure actuelle le nombre de journalistes assassinés au Honduras s’élève à 58, ce qui est surprenant dans un pays qui prétendument vit en “démocratie”.

Les choses ne vont pas très bien non plus au Brésil, le géant sud-américain où ces 12 dernières années 47 communicateurs ont été tués. La Colombie vient derrière avec 38 dans cette période.

Le Guatemala est un autre pays affecté par ce fléau. 30 journalistes y ont été criblés de balles. La quasi totalité était liée à des enquêtes sur des affaires de corruption impliquant des fonctionnaires publics et sur les actions du narcotrafic.

Cuba ne figure pas sur la liste de la Commission de la FELAP. Le dernier assassinat d’un journaliste dans notre pays a été perpétré cela fait 59 ans, plus exactement le 13 mai 1958. La police du dictateur Fulgencio Batista a abattu le correspondant équatorien Carlos Bastidas Argüello, qui avait passé quelques semaines à la Sierra Maestra, pour rapporter les activités du Mouvement 26 juillet, dirigé par le commandant en chef, Fidel Castro.

Tuer le messager est encore de nos jours une pratique néfaste de certains secteurs de pouvoir, qui ont trempé dans les réseaux de la corruption, attirés par l’impressionnant pouvoir financier du crime organisé, ainsi que de certaines grandes corporations transnationales qui cherchent à obtenir de recettes fabuleuses et qui sont prêtres à payer ou à tuer pour faire taire la dénonciation sociale et conserver leurs privilèges.

 http://www.radiohc.cu/fr/especiales/comentarios/128714-tuer-le-messager
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COMMENTAIRES  

06/05/2017 12:25 par ozerfil

Il y a bien assez à s’occuper de la liberté de la presse en Russie, à Cuba, en Iran, en Syrie, en Algérie et en Corée du Nord !!

Si, en plus, il faut s’intéresser à toute l’Amérique du Sud, où allons-nous ?!!

Et puis, il est bien connu qu’il n’y a qu’en Russie (après l’URSS) que des journalistes d’opposition meurent sous les balles du pouvoir...

06/05/2017 13:11 par abc

Merci pour l’article, par contre la 2eme photo a ete prise en asie du sud-est.

06/05/2017 14:31 par Siggi

"Dans l’Antiquité, lorsqu’un monarque où un membre proéminent de sa cour recevait de mauvaises nouvelles, que ce soit de la guerre, des habituelles intrigues au Palais ou de toute autre nature, la première réaction était tuer le malheureux qui était porteur du message."

Hum, je pense qu’il y a là un faux-pas historique. Il n’y a jamais eu de coutume de "tuer un messager" dans l’Antiquité, ce n’était pas une "première réaction". Il y a eu des cas où en effet un messager était mis à mort, or ce n’était pas nécessairement le fait du "monarque", on a des cas où ce sont les habitants qui massacrent des hérauts. Ces meurtres par ailleurs n’étaient pas commis du fait d’une "mauvaise nouvelle" (on allait pas tuer quelqu’un qui vous annonce une mauvaise récolte) mais du fait que le messager, ou bien le message, était une provocation. Tout les cas où on a pu voir le messager être mis à mort sont arrivés quand le messager exigeait la soumission de ses destinataires de la part de son maître. Il s’agissait d’une pratique de défiance contre la menace brandie d’une attaque militaire (et dans l’antiquité, quoi qu’on en dise, on était ouvertement plus cruel qu’aujourd’hui, qu’une armée s’empare d’une ville que celle-ci donnait place à un pillage si sauvage que les membres de Daesh en seraient choqués eux-mêmes). Quand une puissance vous menaçais une telle éventualité, c’était une réaction qui ne manque pas d’être explicable, bien que réprouvée à l’époque même.

Je dis cela non pas pour faire un cour d’histoire, mais pour remettre les choses à leur place. L’assassinat de journalistes n’a rien à voir avec une prétendue tradition antique ; c’est un fait de partis et d’intérêts qui est en jeu où l’objectif n’est pas de "punir" un journaliste pour son insolence ou d’envoyer clairement un message d’ouverture des hostilités à un parti adverse. Ici les journalistes victimes sont mis aux silences ou bien sont abattus pour "faire un exemple". Cela relève d’une pratique absolument mafieuse qui se base sur l’intimidation (et qui elle néanmoins est vieille comme l’histoire), la même qu’userait un messager qui viendrait exiger la soumission d’une ville sous la menace des armes.
Là où hier, on envoyait un messager, ici on se contente d’envoyer directement le message, ce qui n’est pas spécialement plus sauvage, simplement plus manifeste. Hier on aurait un messager pour nous annoncer cette exigence, aujourd’hui, on nous laisse libre de le deviner par des actes, privé du luxe de pouvoir adresser un défi en exécutant le messager.

06/05/2017 16:14 par Autrement

En France aussi les risques du métier sont réels, même s’ils n’atteignent pas les proportions qu’ils ont sous les dictatures imposées à plusieurs pays d’Amérique latine par les intérêts US. Combien de mauvais coups, de censure, de bâillons contre tous ceux qui refusent de se plier à la doxa des médias dominants, et combien en a-t-on vus être victimes de brutalités policières !
Voir ce témoignage sur Reporterre :

« Le journaliste Gaspard Glanz, fondateur et gérant de l’agence de presse Taranis News, est confronté à un acharnement judiciaire et politique d’une rare intensité.
Fiché « S » pour atteinte à la sûreté de l’État, visé par la loi sur l’état d’urgence, poursuivi par les procureurs de la République de plusieurs villes, Gaspard Glanz est manifestement ciblé par le pouvoir. Son travail serait-il si dérangeant ?
Gaspard Glanz est un journaliste de terrain qui montre la violence et la souffrance de notre monde. Ses images documentent notre époque, les réfugiés de Calais, les manifestants en révolte, les mouvements sociaux. Sa contribution à l’information du public est essentielle.
Or, le ministère public et l’administration multiplient les poursuites bâillons contre Gaspard Glanz, qui doit déployer une énergie considérable à se défendre plutôt qu’à faire son travail.
Poursuivi devant le Tribunal de Boulogne-sur-Mer, Gaspard Glanz est toujours sous contrôle judiciaire et n’a pas le droit de se rendre dans le Pas-de-Calais pour informer sur la situation des migrants. Il est toujours dans l’attente de son procès fixé le 7 juin.

Texte complet ICI. Voilà un journaliste empêché de faire son métier parce qu’il montre ce que le pouvoir voudrait cacher. Nos libertés sont menacées par tout ce qu’il y a de plus "officiel", par ceux-là même qui sont censés les défendre. Le combat pour les restaurer vient de loin, et pourtant ne fait que commencer.

09/05/2017 15:11 par Autremnt

Le dernier coup bas du quinquennat Hollande (oui, PS au pouvoir, celui de la primaire "de la gauche", il semble qu’il faille le rappeler aux sommeilleux...) :
http://www.snj.fr/article/photojournalisme-le-dernier-coup-bas-du-quinquennat-hollande-525153330
Il n’y aura bientôt plus personne pour témoigner, preuve à l’appui, que des réfugiés ont été brutalisés, des travailleurs maltraités, des syndicalistes persécutés, ou que vous-même ou vos enfants se sont fait nasser, gazer et matraquer dans une manif démocratique.
Autre cas bien parlant trouvé dans un tweet :
https://www.facebook.com/LIdentiteNationale/posts/1323570317732172?pnref=story
(si le lien marche, car je ne suis pas sur facebook et ne sais pas m’en servir...)

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