Définition
Fait d’entretenir la confusion dans les esprits et d’empêcher l’analyse objective des faits. (source : Larousse)
A cette définition, le CNRTL ajoute en clin d’oeil une remarque qui ne manque pas de sel :
Que de gens, même cultivés, seraient à la lettre malades, s’ils ne remplaçaient les mots d’origine par des néologismes informes, les locutions saines par des façons de parler incongrues, dont le ridicule même finit par leur échapper ! On me cite cette phrase d’un ancien ministre : « La guerre a aggravé au centuple le confusionnisme préexistant » (...) je vous demande un peu ce qu’il y a de plus dans confusionnisme que dans confusion`` (A. Hermant, Les Samedis de M. Lancelot, Paris, Flammarion, 1931, p. 246). (source : CNRTL)
On le voit, cette définition nous ramène forcément à celle du mot confusion.
Action de confondre, de prendre quelque chose ou quelqu’un, pour quelque chose, quelqu’un d’autre ; erreur, méprise : Ce malentendu était dû à une confusion de noms. (Source : Larousse)
Et l’on infère naïvement que le sens prêté à confusionnisme serait ici équivalent à l’expression semer la confusion.
Voyons à présent la définition que nous en donne Ornella Guyet, référence en la matière et animatrice du site confusionnisme.info
Le confusionnisme politique est ce phénomène qui conduit sur certains sujets des groupes et individus appartenant à des spectres a priori opposés du champ politique à s’allier pour des raisons opportunistes mais aussi parce qu’ils parviennent sur ces sujets précis à se trouver et à développer des bases idéologiques communes. Les thématiques touchées par le confusionnisme couvrent à peu près l’ensemble des débats politiques possibles : relations internationales et question européenne, santé, écologie et même luttes sociales, cette liste n’étant pas exhaustive. Le confusionnsime politique peut relever d’une stratégie mûrement réfléchie (c’est notamment souvent le cas à l’extrême droite) comme il peut aussi être le fruit de l’ignorance ou de la naïveté de certains militants (notamment à gauche).
Historiquement, on peut situer les débuts de ce phénomène en France à la fin du 19e siècle. Il a par la suite connu, selon les moments et les pays, des périodes de flux et de reflux. On assiste aujourd’hui à l’émergence d’une véritable internationale confusionniste, qui se structure à l’échelle mondiale grâce aux nouvelles technologies de télécommunications et trouve dans certains pays des relais politiques, diplomatiques et médiatiques non négligeables. Quoique difficile à quantifier, on peut penser que le phénomène reste en tout cas en France encore marginal, mais qu’il tend à se développer à l’aune de la crise économique, sociale, écologique et politique que nous traversons, bénéficiant d’importants relais sur Internet mais aussi, de plus en plus, dans le champ médiatique dominant.
Alors que la pensée de droite, conservatrice et réactionnaire tant à devenir hégémonique, contaminant de larges pans de la gauche et trouvant des échos jusque parfois dans ses franges les plus radicales, il est bien entendu que ces porosités confusionnistes que d’aucuns qualifient de « rouges-brunes » profitent essentiellement aux groupes de droite et d’extrême droite impliqués dans ces alliances et à l’idéologie qu’ils entendent promouvoir, y compris au sein de zones du champ politique qui leur étaient jusque là inaccessibles.
S’appuyant souvent sur une vision conspirationniste du monde, le confusionnisme politique est également favorisé par le développement des théories du complot, en même temps qu’il contribue à les relayer. L’implication sur certains sujets de groupes et d’analyses relevant plus du domaine de la croyance religieuse, voire de la dérive sectaire, est enfin à souligner.
Et là, du coup, ça devient vraiment confus, parce que ce qu’elle appelle confusionnisme n’est rien d’autre que le très classique « emprunt idéologique », et c’est aussi vieux que la politique contrairement à ce que Mme Guyet essaie de nous faire avaler. Et le procédé n’a rien de condamnable en soi. Il ne fait que refléter la diversité et la nuance des opinions.
D’une manière générale, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » (N. Boileau). Quand, pour définir l’acception d’un mot, on vous présente un pavé de presque 2.500 caractères, vous pouvez être bien sûr d’une chose : on essaie de vous enfumer. D’ailleurs, dès le deuxième paragraphe, ça part littéralement dans la stratosphère : internationale confusionniste, relais politiques diplomatiques et médiatiques (mais inquantifiables). Porosités confusionnistes « rouges-brunes », et puis l’incontournable conspirationnisme, véritable terreau du confusionnisme.
Les objectifs
Une fois encore, je me référerai au site confusionnisme.info, pompeusement baptisé « Observatoire du confusionnisme politique »
Pourquoi ce site ?
Confusionnisme.info a pour but d’informer sur le confusionnisme politique. (...)
Quelle est la ligne éditoriale de Confusionnisme.info ?
Il est bien entendu que ce site n’a pas vocation à rester neutre sur un tel sujet. Considérant en effet qu’il s’agit là d’un phénomène extrêmement dangereux pour l’ensemble des mouvements et idées dits progressistes, Confusionnisme.info assume une ligne de combat contre le confusionnisme politique.
Quelle est sa politique de modération ?
Confusionnisme.info n’a certainement pas non plus vocation à offrir des tribunes aux confusionnistes, la tendance à spammer et à exiger à tout va des droits de réponse étant une stratégie de harcèlement bien connue des confusionnistes soucieux de déstabiliser leurs adversaires. De toute façon, ceux-ci ont bien assez de leurs propres médias pour nous répondre sans qu’il soit nécessaire de leur donner la parole ici et donc de contribuer, même indirectement, à diffuser leurs idées.
A ce titre, tous les commentaires faisant la promotion du confusionnisme politique, du conspirationnisme, d’une orientation religieuse, d’une idéologie conservatrice, réactionnaire ou d’extrême droite et bien entendu tous les propos à caractère injurieux, diffamatoire, raciste, anti-LGBTI ou sexiste seront modérés, de même que seront neutralisés tous les liens pointant vers des sites affichant une ou plusieurs de ces orientations. Seuls seront acceptés les commentaires portant des interrogations sur les sujets traités, apportant des précisions aux informations diffusées ou développant des analyses et préoccupations voisines des nôtres.
Si je comprends bien, il s’agit « d’informer » mais en pratique, on assume une « ligne de combat contre le confusionnisme politique ». Et très logiquement, sans aucun débat contradictoire. La démocratie, dans ta gueule.
Les méthodes
Tous ces sites partagent la même propension à dresser des listes [1] de personnes et de sites dont ils ont décidé qu’elles diffusaient des écrits jugés confusionnistes. Ou conspirationnistes. Ou tout ce que vous voudrez pour peu que ça termine en -iste et que cela aie une connotation bien péjorative. À vrai dire, la plupart d’entre-eux sont parfaitement infoutus de faire la différence, de toutes façons. L’important, c’est la liste ! Il s’agit de la liste de ce qu’il ne faut surtout, surtout ne jamais lire.
Ils font des beaux petits visuels, aussi, censés montrer les liens absolument irréfutables qu’il peut y avoir entre des personnes, ou des partis politiques. Avec plein de couleurs, et forcément beaucoup, beaucoup de flèches.
Comment ces listes sont-elles établies ?
Eh bien c’est très simple : ils observent ! Ils catégorisent ! Tout doit rentrer dans sa petite case, et nulle part ailleurs, sinon c’est immédiatement classé confusionniste rouge-brun puant. Un homme politique qui défendrait la vision d’un État souverain ? Caca, c’est du nationalisme beurk, presque aussi grave qu’Adolf himself. Un journaliste de gauche qui s’aviserait de défendre la cause palestinienne ? Un putain d’antisémite de base !
En pratique, ça va nettement plus loin encore, il semblerait que le confusionnisme soit une sorte de maladie virale extrêmement contagieuse qui s’attraperait même via des liens internet. En fait, tout lien, réel ou supposé entre un individu et un autre qui aurait déjà l’honneur de figurer sur la liste tient lieu de parrainage !
Un petit exemple assez éloquent qui m’avait fait beaucoup rire.
Maxime Vivas, qui avait été quelque peu surpris et outré de retrouver son site, Le Grand Soir sur la liste d’un site antifa avait posté ceci en commentaire :
Si l’antisémitisme est un délit et pas une opinion, l’accusation non étayée d’antisémitisme est aussi un délit. Ne soyez pas surpris le jour où vous recevrez du papier bleu et où vous sera demandé un dédommagement à la hauteur de vos calomnies. (14.02.2015 : 10h58)
La réponse, sous forme de « mise au point » vaut son pesant de cacahuètes, mais le premier paragraphe, est un petit chef-d’oeuvre à lui tout seul.
Nous avons noté la réaction outrée et menaçante de Maxime Vivas dans les commentaires de la Liste non exhaustive des sites conspirationnistes et confusionnistes peu après sa publication, et, à vrai dire, nous nous en sommes amusés. Le Grand Soir souffrira toutes les peines du monde à prouver qu’il n’est pas antisémite.
Donc en gros, ils accusent un journal d’antisémitisme, et quand on leur fait remarquer que la calomnie et la diffamation sont punissables par la loi, ils considèrent que c’est « menaçant » et que ce sera au journal de prouver qu’ils ne sont pas antisémites. Je trouve que c’est assez révélateur de leur méthodes.
Qui se cache derrière ces sites ?
C’est à dessein que j’utilise la formule « se cache » parce que dans 99% des cas à l’exception de Mme Guyet, les éditeurs responsables de ces sites sont des courageux anonymes. Aucun article signé, la plupart du temps ils ne sont même pas datés, c’est écrit avec les pieds et au diable les sources fiables. On se référence les uns, les autres comme si cela pouvait donner quelque légitimité à leurs écrits ? Les mêmes méthodes, très exactement que celles des sites qui relaient des fausses nouvelles.
Et même dans le cas d’Ornella Guyet, il semble que celle-ci n’ait pas dédaigné à l’occasion d’écrire sous le pseudo de Marie-Anne Boutoleau afin de cracher son venin sur Le Grand Soir alors que sous son vrai patronyme, elle entretenait avec eux des échanges amicaux. (Source : Silvia Cattori)
À cet égard, l’article publié par l’UPR sur Ornella Guyet et ses rapports intriguants avec des cercles d’influence américains est instructif. Peu de chances que François Asselineau s’y serait risqué à publier quoi que ce soit qui pourrait être attaquable.
Leur influence, bien au delà de leur popularité
Leur influence est indéniable, elle est aussi inexplicable, comme nous le verrons. Oh bien sûr, ils disposent de puissants relais notamment dans la presse mainstream qui les mettra en avant chaque fois qu’ils le peuvent. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis, c’est ce que l’on appelle une convergence d’intérêts. Le pouvoir aussi les instrumentalise pour pouvoir justifier de lois toujours plus liberticides et attentatoires à la liberté d’expression.
Mais si l’on y regarde de plus près, on peut se poser quelques questions tout de même ! Ce site est en état de mort clinique, ne publie pratiquement rien, et quand ils publient, personne ne les lit.
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Le problème
Ce qui me choque ici, c’est que des gens puissent accepter de remplacer leur esprit critique par une liste, même pas écrite par eux. Renoncer à leur propre analyse en faveur d’une collection d’anathèmes lancés par on-ne-sait qui, poursuivant des agendas dont on ne sait rien.
Avez-vous songé une seconde qu’avec de pareilles méthodes d’association, on pourrait mettre à l’index la totalité des médias, la totalité des personnalités politiques ou d’opposants ? Vous ne voyez pas la ficelle ?
Ph. Huysmans
[1] L’Index librorum prohibitorum (Index des livres interdits), aussi appelé Index expurgatorius, Index librorum prohibitorum juxta exemplar romanum jussu sanctissimi domini nostri, est un catalogue instauré à l’issue du Concile de Trente (1545-1563). Il s’agit d’une liste d’ouvrages que les catholiques romains n’étaient pas autorisés à lire, des « livres pernicieux », accompagnée des règles de l’Église au sujet des livres. Le but de cette liste était d’empêcher la lecture de livres jugés immoraux ou contraires à la foi. Depuis la « Notification de la suppression de l’index des livres interdits », émise par le Vatican en 1966, cet index perd son caractère obligatoire et n’a plus valeur de censure, même s’il reste un guide moral. (Source : wikipedia)