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Du français (I)

L’histoire de la langue, c’est l’histoire du peuple. La langue est aussi complexe que le peuple, en synchronie, comme en diachronie. Il y a des formes de langue plus nobles que d’autres. Mes collègues anglicistes aiment à dire à leurs élèves et étudiants que toutes les catégories de la langue anglaise – régionales, sociales – se valent, mais tous s’efforcent de parler et d’enseigner l’anglais de la reine, en tout cas une prononciation standard (« received »). Allez passer l’oral de l’agrégation avec l’accent et le patois de Huddersfield, juste pour voir.

Quand on écoute du français de manière empirique, on se place dans une démarche identique en classant les divers français qui nous arrivent aux oreilles selon la culture dominante et selon notre propre histoire. Au sommet, on place le français écrit, peut-être pas celui de Chateaubriand, mais tout de même. Qu’on le veuille ou non, ce français est pour nous le “vrai” français. Plus bas, on trouve le français populaire, c’est-à-dire le français oral de tous les jours. Récemment, j’entendais un type dire à un autre : « Mon cher, je n’en ai strictement rien … à branler ». Il avait commencé comme du Roger Peyrefitte et sa phrase avait glissé dans ce qui eût été considéré il y a cinquante ans comme très vulgaire et qui n’est plus aujourd’hui que populaire. Autrement dit du relâché et du compris par tous. Plus bas dans la considération, on trouvera l’argot (on a tous entendu : « Ce n’est pas du français, c’est de l’argot », comme si l’argot n’était pas du français), le jargon. Comme le verlan des banlieues qu’utilisent de plus en plus les enfants de la bourgeoisie. Enfin, on éprouvera quelque commisération pour les patois, les dialectes régionaux. Si je dis, sur le ton de la plaisanterie, quelque chose comme « kinkcétikinkminche ? », à part Dany Boon qui comprendra spontanément cette formulation patoisante ? Pour les linguistes, ces distinctions ne reposent sur aucun critère précis. Quand on qualifie une expression de « vulgaire », on porte un jugement moral. Quand on parle de langue « populaire », on se réfère plutôt à un groupe social.

L’écrit est roi, comme celui du latin qui est devenu progressivement la seule langue écrite de l’Europe occidentale, de l’Afrique du Nord, de l’Asie mineure et de plusieurs régions danubiennes. Outre l’Araméen, Jésus parlait certainement le grec, comme avec Pilate lors de son procès. Mais sûrement pas le latin, langue de l’occupant, des forces armées. Le latin était la langue du droit, de l’administration et des affaires, tout en cohabitant avec le grec. Même après la chute de l’Empire d’Occident au Ve siècle, les Germains adopteront le mode de pensée romain et la langue latine. Mais le latin n’écrasera pas pour autant les autres langues. Ainsi l’étrusque sera-t-il toujours utilisé au premier siècle de notre ère.

La langue gauloise restera à jamais une langue vernaculaire, c’est-à-dire une langue parlée au sein d’une seule communauté (contrairement à la langue véhiculaire qui sert à faire communiquer des populations qui n’ont pas la même langue maternelle). Et puis la Gaule ne fut jamais une communauté, une nation, mais un ensemble de tribus qui se faisaient la guerre. Parlé jusqu’au Ve siècle, le gaulois fut fort peu écrit (un peu tout de même). Jules César notait dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules que les vers appris au contact des druides ne devaient pas être écrits. Il nous reste des souvenirs dans la toponymie des arbres ou des outils agricoles. Le mot « chêne » vient du gaulois cassanus (un Cassen est un chêne qu’on n’abat pas). Tout comme « charrue » (carruca) « bief » (bedum). Ou encore « breuil » (brogilos). Une personne qui a pour patronyme « Dubreuil » est assurément bien de chez nous. Des fleuves (la Seine, l’Oise), certaines montagnes, comme les Cévennes, les villes de Lyon (Lug, rien à voir avec le roi des animaux), Brive, Rouen, Périgueux, Carpentras, portent des noms d’origine gauloise. Dans le vie de tous les jours, on a la « braguette » (braca), le « jarret » (garrito), la « ruche » (rusca, l’écorce où les Gaulois élevaient les abeilles) Et, forcément, le « béret » (birros). On sait que le gaulois avait une déclinaison à six ou sept cas, rappelant celles du grec et du latin. Les verbes étaient régis par cinq modes et trois temps.

Le Château Du Breuil, grande maison de Calvados. En bon français : Dubois.

(A suivre).

PS qui n’a rien à voir. La Comtesse du Canard Enchaîné vient de contrepéter avec mon nom, dans Mediapart (grand honneur pour moi) : des rustres dans la noce rêvent de goûter au fond de gentiane.

Je n’avais pas l’intention d’évoquer les contrepèteries dans cette série d’articles. Juste un mot pour dire que la langue française se prête admirablement à cette discipline dont le père fondateur fut indéniablement Rabelais (dans Pantagruel), auteur des immortels “ folle à la messe ” et “ A Beaumont-le-Vicomte ”.

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