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Appel du Dispensaire autogéré de Ilion (Athènes)

Les dispensaires/ pharmacies sociaux et solidaires autogérés ont été créés ces dernières années en tant que réponse du mouvement social, émanant de la base, face à l’écroulement général du système de santé – qui était déjà en état de décomposition – dû à l’imposition des mémorandums successifs ; beaucoup de ces dispensaires s’efforcent en priorité de créer une alternative radicale dans le domaine de la santé, allant dans le sens de l’auto-organisation.

Les mémorandums ont eu des conséquences tragiques pour la santé et la vie de tous (et surtout des couches sociales les plus pauvres), conséquences qui ne cessent de s’aggraver.

La conjonction des coupes budgétaires brutales dans le secteur de la santé et de l’effondrement du niveau de vie (alimentation de mauvaise qualité, voire réduite au minimum, privation d’électricité, de chauffage, etc.) a causé l’augmentation du nombre de décès la plus dramatique de l’après-guerre : en 2009-2014, 33500 morts de plus que durant les cinq années précédentes. Le problème de la multiplication constante du nombre de personnes non assurées (que viennent rejoindre de plus en plus de personnes « assurées », désormais incapables de faire face aux dépenses occasionnées par leur traitement, quel qu’il soit) a été traité par un dispositif législatif qui constitue une véritable bouffonnerie et tourne en dérision toute idée de « politique de santé ». Il s’agit du « programme parallèle », soit un peu moins qu’un cachet d’aspirine face aux conséquences de la destruction systématique du système de santé, entreprise par l’actuel gouvernement lui-même avec le « programme central », également de son cru, qui consiste à appliquer les mémorandums.

Dans le cadre de leur « programme parallèle », ils essaient (et ils n’hésitent pas à le clamer sur tous les tons) de se servir des dispensaires/pharmacies sociaux et solidaires pour boucher les trous de plus en plus grands qu’ils creusent eux-mêmes chaque jour dans le système, en une tentative pour transformer la solidarité du mouvement social en une entreprise charitable et en travail bénévole et non rémunéré.

Nous exprimons notre opposition radicale à toute tentative de mainmise venue d’en haut et à toute « alliance/conjuration des bonnes volontés » visant à utiliser les dispensaires/pharmacies sociaux comme des outils complémentaires d’un système de santé qui craque de partout. Les véritables dispensaires sociaux autogérés répondent, et continueront de répondre, aux besoins de tous, assurés ou non, réfugiés et migrants avec ou sans papiers ; position qui résulte directement de la logique et de la pratique de la solidarité en tant que démarche du mouvement social contestant les politiques mises en œuvre et tous les pouvoirs établis, dont la survie et la reproduction sont désormais étroitement associées à l’appauvrissement massif et à l’anéantissement littéral des couches populaires au sens large.

Voici les axes sur lesquels nous voulons avancer ensemble vers l’émancipation en créant pour ce faire notre propre réseau :

1. Nous luttons contre toute forme de privatisation et de marchandisation de la santé, pour un système de santé exclusivement public, qui soit un bien commun doté d’un financement suffisant, fournissant des soins gratuits et de haute qualité (de premier, deuxième et troisième degrés) aux travailleurs, aux chômeurs, aux migrants, à toutes et à tous, sans discriminations ni exclusions, et fonctionnant sous le contrôle et avec la participation effective des destinataires des services et de la société.

2. Nous luttons pour un système fondé sur une conception tout autre que la conception bipolaire santé-maladie qui prévaut. Pour une médecine (et une psychiatrie) centrée non simplement sur la maladie, mais sur la personne souffrante et sur ses besoins dans leur globalité ; une médecine pour laquelle la valeur de la personne, en bonne santé ou malade, normale ou non normale, va au-delà de la valeur de la santé et de la maladie, de la normalité et de la non-normalité. Nous avons pour objectif une médecine (et une psychiatrie) qui considère et qui affronte la maladie en lien avec la totalité de l’existence et avec le corps social, et qui comprenne et organise en conséquence la réponse thérapeutique aux besoins du sujet souffrant.

3. Nous estimons que le médicament ne peut être une vulgaire marchandise grâce à laquelle l’industrie pharmaceutique s’enrichit aux dépens de la santé du plus grand nombre, mais qu’il doit être un bien commun, produit (et contrôlé quant à sa pertinence) par des organismes publics et mis gratuitement à la disposition de ceux et celles qui en ont besoin.

4. Nous refusons tout rapport d’intégration et de coopération avec l’Etat, les collectivités locales, l’Eglise, les ONG, ainsi que les logiques et modes de fonctionnement qui s’apparentent à ceux des ONG. Nous ne négocions pas, nous ne demandons pas l’aumône, nous ne participons pas à des comités chargés de répartir des financements venus d’en haut, quelle qu’en soit la source. Nous exigeons et revendiquons avec intransigeance que soit fourni tout ce à quoi ils ont droit à tous les patients, assurés et non assurés, ressortissants et réfugiés/migrants, en contestant à chaque pas et en combattant les mentalités et pratiques dominantes, qui rejettent et excluent de plus en plus de gens de toute prestation de services. Toutes les structures et les institutions dans le domaine de la santé appartiennent à la société, et elles doivent passer sous son contrôle, afin que leur organisation et leur fonctionnement prennent une direction radicalement différente, impliquant des priorités émancipatrices.

5. Nous soutenons par tous les moyens les réfugiés et les migrants que l’Europe-forteresse a emmurés en Grèce. Nous nous battons contre leur refoulement violent (et souvent mortel) en mer Egée et leur expulsion des centres de rétention pour les renvoyer en Turquie ; nous sommes opposés à toutes les mesures prévues par l’accord UE-Turquie et appliquées avec empressement par le gouvernement Syriza-ANEL. Nous luttons pour l’ouverture des frontières, pour des conditions de logement dignes, dans des bâtiments intégrés au tissu social, contre toute forme d’internement en camp, que ce soit sous la forme de l’ « hospitalité » fermée ou soi-disant ouverte, et nous exigeons la régularisation immédiate du séjour de toutes les personnes par l’octroi de l’asile ou par une réponse à toute demande de réinstallation. Nous nous battons contre tous les discours et actes racistes, nationalistes, fascistes et contre toute visée d’utilisation des dispensaires sociaux comme branche sanitaire du fonctionnement et de la reproduction des centres de rétention/camps de concentration.

6. Nous encourageons et participons à des actions qui ont un rapport avec tous les aspects de notre vie, en commun avec d’autres collectifs, structures autogérées, assemblées, associations, mouvements de travailleurs et mouvements sociaux.

7. Nous avons pour but la création d’un réseau de coopération entre les dispensaires sociaux autogérés au-delà des différentes actions dans le cadre du mouvement social, notamment sur la question du médicament et de la couverture médicale, ainsi que pour la mise en place d’une interconnexion avec les travailleurs du système national de santé (ESY) au travers de « référents » précis, c’est-à-dire des travailleurs ayant des fonctions sociales, des groupes partie prenante du mouvement social, des syndicalistes, etc., qui luttent en contestant ce système « de l’intérieur », afin d’assurer un accès à la santé immédiat et sans obstacles à tous ceux et celles qui en ont besoin et qui, d’une manière ou d’une autre, sont arrêtés/rejetés par le fonctionnement officiel de l’institution.

Coordination des assemblées des dispensaires/pharmacies socaux autogérés

Traduction en français Sylvie Herold

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