La réforme de l’hôpital critiquée
L’ Humanité, 15 décembre 2005.
L ’IGAS et l’IGF pointent les effets pervers « inflationnistes » de la tarification à l’activité.
S’il était sorti avant la fin du débat parlementaire sur le financement de la Sécurité sociale, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les dépenses hospitalières aurait fait du grabuge.
L’enquête pointe le rôle de la tarification à l’activité (T2A), mode d’allocation des ressources strictement ajusté à l’activité réelle, dans le dérapage budgétaire de l’année 2004. Le constat est gênant pour le gouvernement : c’est Jean-François Mattéi, alors aux manettes, qui avait imposé en 2003 cette réforme, pilier de son plan Hôpital 2007. Et c’est Philippe Douste-Blazy, son successeur, qui l’a installée. L’objectif était précisément de contenir le coût de l’hôpital. Sensible, le document remis à Xavier Bertrand, en juillet, a paisiblement dormi au fond d’un tiroir jusqu’à aujourd’hui. Révélé par les Échos vendredi dernier, il n’est toujours pas public. Nous l’avons néanmoins récupéré.
Le travail de l’IGAS et de l’IGF, réalisé à la demande du ministère de la Santé, n’est pas un réquisitoire contre la tarification à l’activité. Mais, un an après son entrée en vigueur, il confirme le pressentiment des opposants à ce mode de financement : il a des effets pervers « inflationnistes ».
Chaque maladie traitée rapportant une somme déterminée à l’hôpital, la T2A favorise par exemple l’augmentation artificielle des durées d’hospitalisation pour les pathologies rémunérées à la journée, encourage à tirer le diagnostic vers l’affection la plus lucrative ou à fragmenter la prise en charge pour multiplier les factures.
Autre biais : « La sous-tarification des actes externes peut inciter les établissements à les transformer en séjours. » En clair, la T2A pousse à faire du chiffre. Menant la logique à son terme, l’analyse avertit du risque de « dégradation de la qualité et de l’accès aux soins », ou de « spécialisation uniquement sur les segments d’activité les plus rentables ».
Les inspecteurs soulignent aussi le coût incontrôlé des médicaments onéreux et des dispositifs médicaux implantables. Ils déplorent que la sous-évaluation pour 2004 de l’activité ait « conduit dès la première année à un risque important de dépassement de l’objectif qui était largement prévisible ». L’IGAS et l’IGF préconisent pour 2006 une pause dans l’application de la T2A.
Informé du contenu du rapport, le PCF incite à lutter contre Hôpital 2007, dont la T2A est le moteur. Il rappelle qu’elle consacre une « compétition - entre hôpitaux et services - [qui] conduit à privilégier les pathologies "prestigieuses", pour transférer sur l’hospitalisation privée les activités les plus rentables ».
Anne-Sophie Stamane
– Source : L’ Humanité www.humanite.presse.fr
Hôpital entreprise contre hôpital public, par Pr. André Grimaldi.