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Spécial OMC : La suppression des subventions ne mettrait pas fin à la pauvreté.<BR> L’agriculture familiale contre l’agro-industrie au Brésil, par Marcela Valente et Mario Osava - IPS




La suppression des subventions ne mettrait pas fin à la pauvreté.


Par Marcela Valente*


BUENOS AIRES, 3 décembre 2005, IPS.


Les critiques contre les subventions agricoles distribuées aux producteurs dans les nations riches soutiennent que leur suppression améliorerait la vie des producteurs dans les pays en développement.



Mais certains petits producteurs et activistes en Amérique latine soupçonnent que les bénéfices iraient seulement à une poignée de grandes entreprises de l’agro-industrie.

Ceux qui se positionnent pour bénéficier d’une possible ouverture des marchés de l’Union européenne (UE) ’’sont les grandes compagnies transnationales qui dominent les affaires à la campagne. Elles sont peu nombreuses, et elles produisent une gamme très limitée de produits", a déclaré à IPS, un fermier argentin, Pedro Pereti.

Pereti vit à Máximo Paz, dans la province orientale de l’Argentine de Santa Fe, où il cultive 230 hectares de maïs, de graines de soja, de blé, et élève du bétail sur une petite superficie.

Il est l’adjoint au secrétaire du comité de coordination des familles productrices dans le Mercosur - le bloc commercial du marché commun du Sud composé de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay - et soutient que ce serait une ’’grave erreur’’ pour les pays développés de supprimer les subventions avant que les pays en développement n’entreprennent un processus de réforme agraire.

’’Sans réforme agraire, les plus démunis ne bénéficieront pas automatiquement de l’effet de la suppression des subventions’’, a-t-il maintenu. ’’La campagne argentine se transformera en un désert vert, à cause de l’extension de la culture de la graine de soja, la récolte vedette en ce moment, et l’exode rural s’intensifiera. Pendant ce temps, beaucoup plus de gens d’Afrique et d’Amérique latine iront en Europe’’.

Il est remarquable qu’après 50 années d’existence, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) aurait dû convoquer un congrès international pour discuter de la réforme agraire, a-t-il dit, ajoutant que ’’Nous devrions parler de terre et de productivité, parce qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde’’.

La FAO et le gouvernement brésilien organisent du 7 au 10 mars une conférence internationale sur la réforme agraire et le développement rural dans la ville de Porto Alegre pour discuter des options possibles pour un nouveau paradigme agricole qui respecterait l’environnement et contribuerait à éradiquer la pauvreté et la faim.

Selon un rapport publié à la fin du mois d’octobre par la Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe (CEALC), le secteur agricole s’est développé de plus de trois pour cent par an au cours de ces dernières années, un taux de croissance qui dépasse dans son ensemble celui de l’activité économique de toute l’Amérique latine.

Cependant, la plupart des gens qui travaillent dans l’agriculture dans la région sont pauvres. La CEALC attribue cette disparité à un modèle de développement qui s’est exclusivement basé sur une poignée de produits d’exportation comme les fruits, le boeuf, le café et les graines de soja.

Mais ce modèle pourrait même devenir plus encrassé si l’UE, les Etats-Unis et le Japon, qui sont conjointement responsables de 80 pour cent du protectionnisme agricole mondial, devaient supprimer leurs subventions agricoles estimées à 250 milliards de dollars par an.

Albert Broch, vice-président de la Confédération nationale des ouvriers agricoles (CONTAG) - la plus grande fédération syndicale des ouvriers ruraux sans terre et des petits propriétaires du Brésil - croit que la suppression des subventions serait ’’salutaire’’ dans la mesure où elle permettrait de se débarrasser des distorsions commerciales, en particulier la baisse artificielle des prix. Mais les supprimer ne serait pas suffisant pour promouvoir le développement rural, a-t-il ajouté.

’’La suppression des subventions ne remplacerait pas les politiques publiques pour rendre les crédits plus disponibles et garantir les prix minimums’’, a dit à IPS, le syndicaliste, appelant à des mesures qui visent à soutenir les petits producteurs. ’’Il y a différents types d’agriculture dans ce pays’’, qui requièrent des traitements différents, a-t-il souligné.

Adriano Campolina, directeur régional de Action Aid, une agence non gouvernementale internationale de développement, voit les choses de la même manière. Il a déclaré que s’il est bon de mettre fin aux subventions qui désorganisent le marché, les pays en développement ’’devraient avoir le droit de protéger leur agriculture avec des subventions qui leur permettent de combattre la fin et la pauvreté en milieu rural’’.

En vue de mettre fin au protectionnisme et de permettre aux nations riches d’avoir un impact positif sur les plus petites économies rurales du monde, il faut des politiques qui renforcent le développement rural à travers une agriculture familiale, et exercent plus de contrôle sur l’agro-industrie des compagnies, a dit à IPS Campolina.

Autrement, faciliter l’accès aux riches marchés du monde ’’profitera à Cargill et à d’autres sociétés transnationales qui dominent les affaires (l’agriculture et le bétail)’’, a-t-il souligné.

Au Mexique, les gens dans les régions rurales ne se passionnent pas du tout pour le moment encore lointain où les subventions qui soutiennent l’agriculture dans les puissants pays seront démantelées. Miguel Pickard, du Centre de recherches politiques et économiques pour l’action communautaire, a indiqué à IPS que la suppression des subventions ’’ne règlera pas les grands problèmes d’injustice dans le commerce mondial’’.

Si en fait les pays industrialisés trouvent une solution à leurs subventions agricoles, ’’quelques producteurs compétitifs dans les pays en développement, grands ou petits, vont en bénéficier. Mais les grosses entreprises en bénéficieront davantage’’, a conclu le chercheur.

Une fois les subventions supprimées, les pays industrialisés adopteront sans aucun doute une stratégie pour racheter des terres et des unités de production agricoles dans les pays en développement, a prédit Pickard, ce qui signifie que les gouvernements de la région devraient élaborer des programmes à long terme pour assister les paysans producteurs.

Mais la fin du protectionnisme n’est pas encore en vue. Il est possible que la sixième Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui aura lieu à Hong-Kong du 13 au 18 décembre, reporte la décision sur la question agricole à la dernière phase des négociations commerciales multilatérales, qui sont programmées pour se tenir plus tard en 2006.

L’agronome argentin Walter Pengue a dit que ’’si les subventions sont supprimées dans un contexte de production mondiale comme celui-ci, une amélioration dans la catégorie des paysans et des petits producteurs ne peut pas être garantie’’.

Pengue, un chercheur du Groupe d’étude de l’écologie du paysage et de l’environnement à l’Université de Buenos Aires, a soutenu que des indigènes paysans producteurs Quechua et Aymara, qui travaillent en dehors des règles commerciales du marché mondial, ’’recevront une très petite part’’ de quelques avantages possibles.

Bien au contraire, en fait, a-t-il prévenu : la libéralisation pourrait avoir un impact négatif, par ’’un accroissement de la pression sur l’environnement, une concentration ultérieure sur la possession de la terre, et une migration en masse des petits producteurs vers les villes’’.

Ce qui serait vraiment utile aux petits producteurs, a-t-il dit, serait ’’de renforcer les marchés locaux et régionaux’’, comme les marchés de plein air dans les petites villes rurales où des paysans en Bolivie et au Paraguay vendent leur surplus de production. ’’Le modèle de développement rural doit être reformulé’’, a-t-il déclaré.

Le marché est ’’si désorganisé’’ qu’un melon cultivé en Argentine pourrait être vendu au Japon à un prix inférieur à celui du marché local, malgré la distance, a-t-il noté.

De plus, il y a des pays, comme les Etats-Unis, qui contrôlent le commerce de denrées alimentaires qui ne sont même pas produites chez eux, a ajouté Pengue.

On ne devrait pas permettre que les prix des récoltes dans les pays en développement soient fixés dans les capitales d’Europe ou des Etats-Unis, la viabilité économique d’un pays de l’Amérique latine ne devrait pas non plus totalement dépendre de la valeur que leur principal produit d’exportation peut avoir sur ces marchés.

’’Ce n’est pas là une vraie économie ; c’est une économie folle, désorganisée qui doit être complètement revue’’, a-t-il affirmé.

Marcela Valente, avec des informations complémentaires de Mario Osava (Brésil) et de Diego Cevallos (Mexique).

 Source : IPS http://ipsnews.net




L’agriculture familiale contre l’agro-industrie au Brésil


Par Mario Osava


RIO DE JANEIRO, 3 décembre 2005, IPS.



Les subventions agricoles, qui soutiennent le ’’dumping’’ de produits à bas prix sur un marché et qui faussent le commerce international, devraient être supprimées, mais pas l’appui à l’exploitation familiale qui fait partie des politiques de développement rural et de sécurité alimentaire.



Des représentants d’associations de petits exploitants agricoles et de groupes de la société civile, qui luttent contre les subventions et le protectionnisme agricole, défendront cet argument à la sixième Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), du 13 au 18 décembre à Hong Kong.

Un accord qui élargit simplement l’accès aux marchés riches pourrait exclusivement profiter aux exportateurs agro-industriels et aux grandes sociétés qui contrôlent les prix et les marchés, a déclaré Adriano Campolin, directeur régional d’Action Aid, une agence non gouvernementale internationale pour le développement.

Et les résultats pourraient être beaucoup plus mauvais si les pays industrialisés acceptaient de réduire le dumping des produits à des prix artificiellement bas en échange d’une plus grande libéralisation des marchés des pays en développement. Au Brésil, par exemple, cela ne favoriserait que de grands intérêts agricoles, qui représentent 15 pour cent des agriculteurs, et non les 85 pour cent restants, composés de fermes familiales, a-t-il indiqué.

Un tel accord élargirait le marché extérieur pour le soja et autres produits agro-industriels, tout en conduisant à une augmentation des importations d’aliments, intensifiant ainsi la compétition à laquelle sont confrontés les exploitants familiaux et faisant baisser les prix sur le marché intérieur, a-t-il dit à IPS.

Si des concessions à l’Union européenne (UE) et aux Etats-Unis sont faites dans le secteur des services, en baissant les tarifs non-agricoles, ’’la société brésilienne dans son ensemble va souffrir’’ d’une augmentation du taux de chômage dans l’industrie et de la domination des domaines comme les installations sanitaires, les banques et autres services par des entreprises étrangères, a affirmé Campolina.

Mais il n’y a aucune perspective d’accord à Hong Kong, étant donné les offres insatisfaisantes faites par les différentes parties, en particulier la proposition de l’UE de réduire graduellement les subventions agricoles, a déclaré l’activiste.

’’Le format actuel’’ des négociations constitue ’’un revers par rapport à Doha’’ - où l’actuel round de discussions de l’OMC a été lancé à la quatrième conférence ministérielle en 2001 - et rend peu probable un quelconque accord à Hong Kong, a ajouté Campolina.

Le gouvernement brésilien et les pays en développement du monde ne devraient accepter aucun accord qui ’’compromette la souveraineté nationale dans l’adoption des politiques de développement rural’’, a indiqué Alberto Broch, vice-président et directeur des relations internationales dans la Confédération nationale des ouvriers agricoles (CONTAG).

La CONTAG, une fédération d’associations de travailleurs ruraux et de petits fermiers, a présenté un document au ministère des Affaires étrangères demandant que l’accès des exportateurs aux marchés riches ne soit pas obtenu en sacrifiant ’’la protection nécessaire aux fermes familiales’’, a expliqué Broch à IPS.

Eliminer le protectionnisme qui conduit au dumping profiterait à tout le monde en augmentant les exportations et les prix intérieurs, a-t-il reconnu. Mais, a-t-il ajouté, on ne doit pas oublier qu’il y a différents secteurs agricoles dans un pays donné, qui requiert un traitement différent, parce que les petits agriculteurs sont ’’vulnérables et doivent vendre leur production rapidement puisqu’ils n’ont pas les conditions pour stocker leurs produits’’ en attendant que les prix augmentent.

La différence entre les petites exploitations agricoles et les grandes agro-industries a été mise en exergue à un congrès tenu la semaine dernière à Luziania, une ville près de Brasilia, par la Fédération des ouvriers des exploitations agricoles familiales (FETRAF), une concurrente de la CONTAG.

Les petits producteurs brésiliens ont beaucoup plus de choses en commun avec leurs homologues en Europe qu’avec de grands producteurs agricoles brésiliens, raison pour laquelle la véritable dispute n’est pas entre les nations développées et les nations en développement, mais plutôt entre les exploitations familiales et les agro-industries dans chaque pays, ont souligné les participants au congrès.

Mais selon Gilman Rodrigues, chef des négociations internationales à la Confédération brésilienne de l’agriculture et du bétail (CAN), qui regroupe de grands producteurs, ceci est une simple question ’’idéologique’’ introduite dans les négociations internationales.

Une fin aux subventions faussant le commerce profiterait à tout le monde au Brésil, a-t-il soutenu, attirant l’attention sur l’exemple de l’industrie laitière. Si ce n’était pas à cause des importantes subventions payées aux agriculteurs européens - quelque 48 milliards de dollars par an - le Brésil n’importerait pas du lait de l’Europe, et non seulement les prix augmenteraient sur le marché intérieur, mais le potentiel des exportations serait également soutenu, même pour les petits producteurs, a-t-il ajouté.

Une grande partie du lait produit au Brésil provient du secteur de l’exploitation familiale, dont le problème ’’n’est pas sa taille, mais la qualité des produits’’, en particulier, puisque les obstacles de superficie sont souvent surmontés par le regroupement dans des coopératives et autres associations, a soutenu Rodrigues, un éleveur de bétail.

Il n’y a pas le moindre risque que les ’’subventions sociales’’ ou le soutien aux petits producteurs au Brésil soient supprimés à travers les négociations de l’OMC, a-t-il dit. Le financement apporté par le Programme national pour le renforcement de l’agriculture familial (PRONAF), qui accorde des prêts offrant des conditions avantageuses aux petits fermiers, représente trois pour cent seulement de la valeur totale de la production agricole du pays, qui est bien en dessous de la limite établie par les règles internationales, a-t-il expliqué.

Ni le PRONAF ni la compétitivité des exportations agricoles brésiliennes ne peuvent être brandis comme arguments - comme les Etats-Unis ont essayé de le faire - pour affaiblir les demandes formulées par le Brésil et le groupe des 20 pays en développement (G-20) en faveur des réductions des subventions payées aux agriculteurs dans les riches nations industrialisées.

Les subventions aux Etats-Unis et dans l’Union européenne sont accordées selon le ’’volume de production, qui encourage une plus grande production et l’augmentation de la possession de terres par l’achat des terres des petits fermiers’’, ce qui est une question totalement différente du crédit offert par le PRONAF et d’autres soutiens pour l’exploitation agricole familiale, a-t-il commenté.

Rodrigues a qualifié les perspectives de la rencontre de Hong Kong de ’’sombres’’, mais a ajouté que puisque les conférences de l’OMC avaient tendance à apporter des surprises, il espère une bonne surprise, parce que la situation ’’ne pourrait pas aller plus mal’’.

Campolina croit que si un quelconque accord est obtenu à l’OMC - quelque chose qu’il considère comme improbable - cela ne profiterait au développement rural que si des mesures anti-dumping sont accompagnées par des politiques adoptées dans les pays en développement pour ’’réduire l’abus de pouvoir des entreprises’’, empêchant les firmes transnationales de contrôler le marché tout en encourageant la pleine capacité productive de l’agriculture familiale.

L’activiste a noté que la position du Brésil, y compris sa défense des fermes familiales, est une position relativement nouvelle, entraînée par des demandes insistantes d’associations des petits fermiers et d’autres groupes non gouvernementaux, et renforcée par sa participation au G-20, où l’Inde joue également un rôle central. L’Indonésie, le Pakistan et le Kenya sont d’autres pays en développement qui soutiennent fermement sa position, a-t-il ajouté.

Mario Osava


 Lire aussi : Amérique latine : Seulement quelques-uns profitent des avantages du développement de l’agriculture.
www.ipsnews.net/news.asp ?idnews=30928


 Couverture spéciale de IPS : Vers le commerce équitable, le défi de Hong-Kong www.ipsnews.net/new_focus/wto/index.asp

 Action Aid www.actionaid.org

 CONTAG - en portugais www.contag.org.br

 Source : IPS http://ipsnews.net



OMC et Agriculture : ruine et exode rural pour des millions de paysans du Sud, par Meena Raman.


 Dosier OMC de la Confédération Paysanne :
www.confederationpaysanne.fr/rubrique_dossier.php3 ?id_rubrique=9


 Dosier OMC du FSL Genève :
www.forumsociallemanique.org/company6.html



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