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Plus sale la vie

A Marseille, où la lutte contre la délinquance fait rage, les habitants de la ville se battent également contre un autre fléau : les ordures. La ville croule sous les déchets, comme le montrent régulièrement les journaux télévisés qui diffusent les impressionnantes images dignes des bidonvilles du tiers-monde. En cause, une gestion des déchets bancale et un réseau gangrené par des pratiques pas toujours légales. Enquête au cœur de la Cité phocéenne.

Une décharge à ciel ouvert

Plus de 8000 tonnes d’ordures (1) sur les trottoirs de la Cité phocéenne. Un chiffre impressionnant que la presse française, mais également les quotidiens internationaux, agitent afin de décrire la situation catastrophique dans laquelle se trouve la seconde ville de France, rebaptisée « ville-poubelle ». La réputation est malheureusement méritée si on en croit le site internet collaboratif au nom plus qu’évocateur, Merde in Marseille (2), qui relaie le ras-le-bol des Marseillais. Ces derniers sont invités à envoyer des clichés peu flatteurs de leur ville. Poubelles éventrées, électroménagers hors d’usage et détritus en tous genres se retrouvent alors immortalisés. Et la galerie est impressionnante ! Et malgré une politique toujours plus répressive, les décharges sauvages se multiplient dans de nombreux quartiers de la ville provoquant ainsi la colère des riverains.

La situation est particulièrement dramatique du côté du Vieux-Port. « C’est l’enfer. Les rues regorgent de poubelles éventrées par les chiens, les chats, en plus du mistral » décrit une gardienne d’immeuble. Dépité, un hôtelier (3) du centre de la ville explique qu’il n’attend plus que « la venue des rats ». « Je sais que c’est la deuxième étape dans ce cas-là. Avec la chaleur la situation ne va qu’empirer » confie-t-il. Si les habitants semblent avoir renoncé à voir la situation s’améliorer, c’est qu’ils subissent depuis des années la fermeture successive de nombreuses déchetteries mais également les incessantes grèves des éboueurs (4).

Le « fini-parti » en cause

En effet, la ville fait face à de nombreux problèmes de collecte des déchets ménagers. Ces dysfonctionnements pointent la mauvaise gestion des pouvoirs publics. Parmi les critiques, la pratique du « fini-parti » qui règne sur la ville depuis de nombreuses années cristallise les tensions. Il s’agit pour les agents chargés du ramassage des ordures ménagères de gérer leurs tournées à la vitesse qui leur convient. Aussi, ces derniers peuvent rentrer chez eux une fois leur collecte terminée et ce, quel que soit la durée de travail effectuée. Une organisation du travail à l’efficacité controversée faute d’encadrement et décriée par de nombreux Marseillais comme Benoît Candon, avocat de profession qui s’est lancé dans la bataille contre cette pratique. « Il n’est pas crédible que des agents travaillent mieux en allant plus vite, alors que le contraire paraît évident, que les rues de Marseille sont anormalement sales et qu’il reste chaque jour un nombre considérable de détritus non ramassés », assène ce dernier. La cour administrative d’appel lui a donné raison et en septembre 2014, une nouvelle organisation du travail a été mise en place dans le cadre du « contrat propreté » (5).

Mais depuis, la situation n’a guère changé. Certains élus se retranchent alors derrière le prétendu « incivisme » des Marseillais afin de justifier l’insalubrité de la ville. Pas très convaincant. Il faut voir que le problème de la gestion des déchets à Marseille tient également de pratiques mafieuses. C’est ce qu’explique Louise Fessard (6) dans un article au titre évocateur Comment le clientélisme a fait de Marseille une ville sale. Cette dernière reprend des éléments édifiants révélés dans l’ouvrage de Pierre Godard et André Donzel Eboueurs à Marseille, entre luttes syndicales et pratiques municipales, qui décrypte un système qui perdure depuis bien longtemps au détriment des habitants.

Marseille, les mains sales

Car derrière les monticules d’ordures, c’est la démocratie locale qui trinque. L’hygiénisme est instrumentalisé lors des campagnes électorales et les emplois du temps des éboueurs sont négociés comme un vulgaire argument électoral. L’hallucinante cogestion entre le syndicat FO et les maires successifs de la ville est d’ailleurs mise au grand jour par Pierre Godard et André Donzel qui ont jeté un véritable pavé dans la mare...de déchets. En cause également, les nombreuses affaires judiciaires révélant marchés truqués et pratiques frauduleuses sur un secteur qui rapporte gros et fait face à des besoins en constante augmentation. En tête de gondole, les affaires suspectant les frères Guérini (7), et la mise en place d’un système de corruption présumé sur le marché marseillais des déchets.

En outre, de nombreuses irrégularités quant à la récupération et au stockage de déchets en provenance d’hôpitaux et de cliniques stockées sans autorisation, souillent la cité phocéenne. Déjà au début des années 2000, des affaires faisaient état de stocks sauvages de déchets hospitaliers. Et il ne s’agissait pas de petites quantités : 3 tonnes de déchets infectieux (dont des restes humains et des seringues souillées) ont été découvertes dans les entrepôts de la société Sanidec du groupe Cogepart (8). De plus, l’enquête a révélé que l’entreprise dirigée par Jérôme Dor, effectuait la collecte et le stockage de ces matières sensibles sans protection. Mis en examen, Jérôme Dor a également été accusé de transporter une partie de ces déchets dans une autre société (de fabrication de chips !) afin de les compacter et réaliser des économies (9). Récemment, une enquête a été menée sur la société Onyx Méditerranée (10) pour ce genre d’infractions : des déchets en provenance de 93 établissements hospitaliers étaient stockés sans autorisation sous un chapiteau au lieu d’être incinérés. Les inquiétudes se portent également sur les conséquences pour la santé des habitants qu’induit ce vaste trafic et plus largement sur l’environnement.

Alors Marseille jouerait-elle dans la même cour que Naples et sa mafia des déchets ? Pas sûr qu’un seul coup de Mistral suffise à faire place nette.

(1) http://www.lejdd.fr/Societe/Social/Actualite/Marseille-croule-sous-les-ordures-229185
(2) http://www.merdeinmarseille.org/
(3) http://www.francetvinfo.fr/economie/greve/greve-des-eboueurs-a-marseille-j-attends-la-venue-des-rats_808203.html
(4) http://www.europe1.fr/economie/les-images-de-marseille-dans-les-poubelles-2354143
(5) http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/04/24/01016-20140424ARTFIG00387-marseille-sale-temps-pour-le-fini-parti.php
(6) http://marseille.propre.free.fr/pdf/Mediapart.pdf
(7) http://www.francetvinfo.fr/politique/affaire/guerini/ce-qu-il-faut-savoir-pour-comprendre-l-affaire-guerini_293923.html
(8) http://www.liberation.fr/societe/1999/10/20/dechets-dangereux-saisis_286763
(9) Article La Tribune du jeudi 5 avril 2001, La justice se penche sur un stock sauvage de déchets
(10) http://www.vivez-nature.com/agriculture-biologique/dechets-a-Marseille.html

URL de cet article 28953
   
Putain d’usine, de Jean Pierre Levaray.
« Tous les jours pareils. J’arrive au boulot et ça me tombe dessus, comme une vague de désespoir, comme un suicide, comme une petite mort, comme la brûlure de la balle sur la tempe. Un travail trop connu, une salle de contrôle écrasée sous les néons - et des collègues que, certains jours, on n’a pas envie de retrouver. On fait avec, mais on ne s’habitue pas. On en arrive même à souhaiter que la boîte ferme. Oui, qu’elle délocalise, qu’elle restructure, qu’elle augmente sa productivité, (…)
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"La seule et unique raison pour laquelle certaines parties de la classe dirigeante n’aiment pas Trump, ce n’est pas parce qu’il ne défend pas leurs intérêts (il le fait), mais parce qu’il gère mal les événements et les récits d’une manière qui expose à la vue de tous la laideur de l’empire."

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