On ne répond pas à une crise sociale par un régime d’exception. La responsabilité fondamentale de cette crise pèse, en effet, sur les gouvernements qui n’ont pas su ou voulu combattre efficacement les inégalités et discriminations qui se cumulent dans les quartiers de relégation sociale, emprisonnant leurs habitants dans des logiques de ghettoïsation. Elle pèse aussi sur ces gouvernements qui ont mené et sans cesse aggravé des politiques sécuritaires stigmatisant ces mêmes populations comme de nouvelles « classes dangereuses », tout particulièrement en ce qui concerne la jeunesse des « quartiers ».
Nous n’acceptons pas la reconduction de l’état d’urgence. Recourir à un texte provenant de la guerre d’Algérie à l’égard, souvent, de français descendants d’immigrés, c’est leurs dire qu’ils ne sont toujours pas français. User de la symbolique de l’état d’urgence, c’est réduire des dizaines de milliers de personnes à la catégorie d’ennemis intérieurs. Au-delà , c’est faire peser sur la France tout entière et sur chacun de ses habitants, notamment les étrangers que le gouvernement et le président désignent déjà comme des boucs émissaires, le risque d’atteintes graves aux libertés. Le marquage de zones discriminées par l’état d’urgence n’est pas conciliable avec l’objectif du rétablissement de la paix civile et du dialogue démocratique.
Nous n’acceptons le recours à des procédures judiciaires expéditives voire à une « justice d’abattage » alors qu’en même temps la même justice prend son temps pour élucider les conditions dans lesquelles sont morts Bouna et Zied à Clichy-sous-Bois.
Restaurer la situation dans les « quartiers » et rétablir le calme, c’est d’abord restituer la parole à leurs habitants. Des cahiers de doléance doivent être discutés, ville par ville. C’est ensuite ouvrir une négociation collective pour mettre en oeuvre des actions de rétablissement de l’égalité : ceci implique l’adoption d’une véritable loi de programmation et que cessent les mesures de saupoudrage ou pire encore les marques de mépris comme la stigmatisation des familles ou la transformation de l’apprentissage en mesure de relégation scolaire précoce. Une solidarité nationale authentique doit être au rendez-vous de la reconstruction du tissu social dans les banlieues.
C’est, surtout, mettre en oeuvre, dans la réalité, une réelle politique nationale de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits.
Nous affirmons qu’il y a là une véritable urgence nationale : il faut substituer à l’état d’urgence policier un état d’urgence sociale.
Nous appelons à se réunir le mercredi 16 novembre à 18h30, place Saint-Michel à Paris pour dire notre refus de ce régime d’exception et pour exiger une autre politique.
Signataires :
Act Up-Paris, Les Alternatifs, Alternative citoyenne, L’appel des cent pour la paix, ATMF, Association des citoyens originaires de Turquie (ACORT), Association de défense des droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM), Association des Tunisiens en France, ATTAC-France, Une Autre voix juive, Cedetim-Ipam, CGT, Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), Coordination Antividéosurveillance d’Ile-de-France, Coordination des collectifs AC !, Droit Au Logement, Droits devant !, Droit Solidarité, FASTI, FCPE, Fédération anarchiste, Fédération SUD-Etudiant, Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), FIDH, FSU, GISTI, LCR, Ligue des droits de l’Homme, Marches européennes, Mouvement des Jeunes Socialistes, Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP), Mouvement de la Paix, MRAP, No-vox, Les Oranges, Les Panthères roses, PCF, Rassemblement des associations citoyennes de Turquie (RACORT), Réseaux citoyens de Saint-Etienne, Souriez-Vous-tes-Filmé-es !, Syndicat des Avocats de France, Syndicat de la Magistrature, Syndicat National des Médecins de Protection Maternelle et Infantile, UNEF, Union démocratique bretonne (UDB), UJFP, UNL, UNSA, Union syndicale Solidaires, Union des syndicats parisiens de la CNT (CNT-RP), Vamos !, Les Verts.
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