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Elections au Brésil : espoirs et manipulations

Le Brésil n’est pas un pays quelconque.
170 millions d’habitants y vivent, dans une superficie grande comme 17 fois la France, comprenant entre autres l’Amazonie, qui est une des principales réserves d’eau douce et de biodiversité de la planète. De plus, il se situe en Amérique Latine, zone qui, depuis le XVIè siècle, est instrumentalisée par les grandes puissances mondiales (l’Espagne et le Portugal d’alors, les Etats-Unis aujourd’hui).
En ce moment se joue une partie importante pour le futur de l’Amérique Latine. Les Etats-Unis tentent de parfaire leur contrôle économique sur les deux continents américains en tentant de mettre en place l’ALCA (Zone de Libre Commerce des Amériques). Additionné au contrôle militaire déjà effectif (bases militaires), les Etats-Unis auraient ainsi tous les pouvoirs dans cette partie du monde.
C’est dans ce cadre qu’il faut replacer les élections brésiliennes et la possibilité de venue au pouvoir du PT (Parti des Travailleurs), parti se réclamant de gauche, donc supposément hostile à la livraison du Brésil aux intérêts des Etats Unis et des grands groupes financiers.

Ce n’est pas un hasard si la première place de Lula dans les sondages a entraîné, depuis quelques mois, des perturbations sur les marchés financiers. Georges Soros, grand spéculateur, l’a dit récemment : " le Brésil a deux alternatives : le candidat du gouvernement José Serra ou le chaos... ". La spéculation due aux élections a provoqué la chute de la bourse et une dévalorisation de la monnaie brésilienne (le réal) de 40% depuis le début de l’année. Ce véritable chantage à la candidature de Lula exercé par les grands groupes financiers de la planète a largement été relayé par les grands médias brésiliens, occultant ainsi les manoeuvres plus ou moins douteuses du gouvernement de Fernando Henrique Cardoso, l’actuel président, ex-sociologue de gauche converti au néo-libéralisme, et de la Banque Centrale Brésilienne.
Le Fonds Monétaire International (FMI) vient ainsi d’approuver, début septembre, un prêt de 30.4 milliards de dollars en faveur du Brésil, le plus important de l’histoire du pays, ce qui évite provisoirement la banqueroute totale. Cependant, seulement 6 milliards seront effectivement mis à disposition du pays jusqu’à la fin de l’année. Le versement du reste dépendra alors des politiques adoptées par le nouveau gouvernement. Quelqu’un a dit chantage ?

On assiste aujourd’hui à la quatrième élection présidentielle depuis la fin de la dictature au Brésil (1985), et, depuis 1989, Luis Inácio " Lula " da Silva, y est candidat pour le PT. Toujours battu jusqu’à maintenant, Lula est aujourd’hui en tête après le premier tour avec 46.7% des voix. Il y a plusieurs raisons à cela.
Télévision et sondages, dans un pays comportant officiellement 18 millions d’analphabètes, sont la seule source de (dés)information nationale. Ils font et défont les candidats. Pour être en tête dans les sondages et au premier tour de l’élection, Lula et le PT ont fait plus que tempérer leurs slogans " gauchistes ". Ils ont radicalement changé leur discours. Par exemple, Lula s’est finalement engagé à honorer la dette incontrôlée du Brésil (260 milliards de dollars) et le PT ne soutiendra plus les occupations illégales (celles du Mouvement des Sans Terre (MST) à la campagne, où celles des Mouvements de Sans Toits dans les villes). Par ailleurs, le PT a procédé à des alliances utiles avec, entre autres, le choix d’un vice-président néo-libéral convaincu ( José Alencar, Parti Libéral, Président d’une des plus grandes entreprises de textile du pays). Ces divers choix stratégiques ont ainsi permis à Lula et au PT d’élargir leur électorat potentiel qui atteint maintenant les classes moyennes et supérieures.
En janvier 2003, lors de l’investiture du nouveau président, que se passera-t-il si Lula est élu ? Le Brésil étant sous perfusion FMIque, soit le nouveau gouvernement continue sur les mêmes pentes néo-libérales (aujourd’hui, le Brésil c’est : 20% de chômage, 54 millions de pauvres, 5% de la population possédant 46% du revenu), soit il tente de réagir. Mais quelle alternative y-a-t-il ? Quelle est la possibilité de réaction ? Et existe-t-il vraiment une volonté de réaction ? Que fera un gouvernement devant satisfaire tant d’intérêts opposés alors qu’il ne détient même pas le pouvoir législatif ?

Mais ces questions se poseront si Lula est élu.
On le sait, il faut toujours se méfier des chiffres. Mais dans le cas des élections brésiliennes, les résultats officiels des élections sont invérifiables et incontrôlables. En effet, au Brésil, depuis 1996, les élections se font électroniquement. On appuie sur des boutons pour voter. Et c’est tout. Pas de récépissé. Pas de trace papier. Pas de preuve matérielle que le choix tapé par le votant soit bien celui enregistré par la machine. Comme toutes les machines, une urne électronique se programme. Or, ces programmes sont tenus secrets. Sans compter les cas de mauvais fonctionnement qui ont déjà été signalés, y compris dans la presse nationale. Diverses associations ont déjà dénoncé ce simulacre de vote. Quelle est alors la valeur de ces élections virtuelles ? Que représentent vraiment les résultats officiels ?

Si Lula est quand même élu, les temps difficiles qui s’annoncent pour le Brésil seront ainsi à la charge de la " gauche ", ce qui permettra un retour en force de la " droite ". Pour un habitant de la France, qui, depuis 1981, a vu la gauche au pouvoir détruire les dernières illusions qu’avaient encore beaucoup de gens sur le système de la démocratie parlementaire, ce qui se passe au Brésil n’incite pas à l’optimisme.
Restent l’espoir et la volonté de beaucoup de Brésiliens.
L’espoir que ce premier gouvernement de " gauche " depuis la dictature brise ce cycle vieux comme l’histoire du Brésil, où les élites se repassent le témoin du pouvoir, que ce soit sous la Monarchie, la Dictature ou la République, et où la majorité des gens vit dans la misère et la précarité.
La volonté de ceux qui refusent l’ordre social en vigueur : le MST (près de 400 000 familles de sans-terres qui en ont une maintenant), les mouvements de sans-toit, et tous ceux qui s’organisent et tentent de transformer une réalité particulièrement inégalitaire. Tous ceux-là espèrent que, avec ce nouveau gouvernement, il y aura plus de place pour leurs revendications d’une meilleure justice sociale. Ils vont donc tenter de pousser Lula à véritablement transformer la réalité de la société brésilienne. Bonne chance à eux.
Certains militants et manifestants ayant déjà eu affaire aux forces de police de villes ou d’états gouvernés par le PT n’ont peut-être pas autant confiance qu’eux dans l’avenir que leur prépare ce gouvernement "de gauche".

Jorge
10 octobre 2002

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Henry Stewart, Londres

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