ATTENTATS DE 1995 : LA THESE QUI DERANGE
" ALLAH AKHBAR, Dieu est grand. " C’est par ces mots que Boualem Bensaïd a accueilli sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité mercredi soir. Avec Smaïn Aïl Ali Beikacem, l’autre accusé pour les trois attentats qui ont fait huit morts et 200 blessés à Paris en 1995, il venait de découvrir le jugement des magistrats professionnels de la cour d’assises spéciale, après cinq semaines d’un procès qui n’a pas répondu à toutes les questions de l’enquête.
" Les vrais terroristes, c’est eux ! Certains généraux algériens. " L’accusation est faite par le capitaine Ouguenoune. Cet ancien officier de la Sécurité militaire algérienne, réfugié en Angleterre, réitère devant les caméras de 90 minutes* les propos qu’il avait tenus dans la presse britannique. En 1997, il y avait expliqué la stratégie de l’armée algérienne afin que les islamistes n’arrivent pas au pouvoir. " Les médias relayaient l’image sanguinaire des mouvements islamistes. " A commencer par le Groupe islamique armé (GIA) de Djamel Zitouni. Zitouni, agent double ? Une thèse déjà évoquée dans la presse en juillet 1996 (Le Figaro, Le Monde, etc.).
Jean-Baptiste Rivoire et Romain Icard, les deux journalistes de Canal, la reprennent ici à leur compte. " Zitouni recevait ses instructions de la part de nos chefs ", raconte le colonel Lahbib Samraoui, ancien adjoint du directeur de la Direction du contre-espionnage. Samraoui se souvient avoir vu plusieurs fois Djamel Zitouni " rôder " dans une caserne. En 1992, après la victoire aux élections législatives des islamistes, le gouvernement algérien décide de mener une campagne de décrédibilisation de ces mouvements, à commencer par le Front islamique du salut (FIS).
La violence règne. Le GIA (au service des généraux ?) sème la terreur. " Comment expliquer qu’on tue un bébé de deux ans, qu’on éventre une femme enceinte ?, vitupère le colonel Ali, ex-officier au ministère de la Défense. C’était de la barbarie pure, pour choquer et frapper l’imaginaire. Pour que la population divorce totalement avec l’idéologie islamiste. " " On m’a demandé de liquider les chefs islamistes qui avaient pris le maquis. Je pensais qu’on me demanderait de liquider aussi Zitouni, se souvient le capitaine Ahmed Chouchen, ex-instructeur des forces spéciales. Mais on m’a dit : "Laisse Zitouni tranquille. C’est notre homme, c’est avec lui que tu vas travailler." "
Entre 1994 et 1995, au moment du détournement de l’Airbus d’Air France et des attentats à Paris, la France aurait compris que la sécurité algérienne était derrière ces actes terroristes. " C’était une des réflexions de la DST, témoigne Alain Marsaud, l’ancien chef du service central de lutte antiterroriste. Plus notre enquête avançait sur les réseaux islamistes, plus on trouvait des Algériens des services officiels. C’est très vraisemblable que le G1A ait été une organisation écran utilisée pour prendre la France en otage. " Des soupçons si forts que le 15 septembre 1995, Jean-Louis Debré, alors ministre de l’Intérieur, confiait en privé : " La Sécurité militaire algérienne a tenté d’orienter les policiers français sur des fausses pistes pour qu’on élimine des gens qui les gênent. "