Ce texte est bien sûr intéressant. Même si le travail qu’appelle l’auteur est d’ores et déjà mené par tout un tas de personnes (islamologues, notamment).
Le véritable drame c’est que ce travail est totalement méconnu au profit d’une représentation caricaturale de l’islam. Les principales forces d’opposition aux islamistes ce sont des musulmans eux-mêmes et ce sont des musulmans qui paient le plus lourd tribut face aux fous de dieu (10 fois plus de musulmans que de non musulmans seraient victime de Daesh ou de Boko Haram, a-t-on pu lire ça et là).
Alors que retenir d’un tel texte (monument d’idéalisme qui ne dit rien sur ce qui est à l’oeuvre dans le monde réel) ?
Le drame est-il vraiment la politisation de la religion ?
Par qui ? et pour quoi ? l’auteur n’en dit rien... c’est bien dommage.
Comme si l’instrumentalisation de la religion (idée bien plus opérante que celle de "politisation de la religion") s’était produite par enchantement ?
Ce texte à un seul mérite : appeler chaque musulman (et tout croyant car la politisation de la religion n’est pas qu’une affaire de musulman, il suffit de regarder les Etats-unis d’Amérique ou la Manif pour tous) à prendre des positions claire sur la religion, d’un point de vue religieux.
Il est certain qu’en tant que matérialiste et athée, ce n’est pas à moi de faire ce travail. C’est avant tout aux croyants quels qu’ils soient. Et encore une fois, ils le font (l’auteur ne le rappelle pas assez).
Parmi ceux qui le font, pour ne prendre qu’un exemple, il y a Tariq Ramadan.
Je ne peux pas m’empêcher de renvoyer vers une conférence de Tariq Ramadan et Michel Collon à propos de la situation malienne : https://www.youtube.com/watch?v=qUpVAUiy39I
L’ensemble de la conférence mérite d’être écouté. Ca fait du bien !!!
Je me contenterai de transcrire les propos de Tariq Ramadan entre 36:15 et 41:15
"J’entends bien ce que dit Michel Collon lorsqu’il dit que ça n’a rien à voir avec la religion. Malheureusement, ça a à voir avec la religion. Ça a à voir avec la religion. L’instrumentalisation n’a rien n à voir avec la religion mais c’est la religion qui est instrumentalisée. Il faut avoir un discours clair sur le fait religieux. [...] Alors, nous il faut qu’on prenne une position de principe et la position de principe c’est de dire : l’instrumentalisation du religieux n’est pas de la religion mais il faut prendre une position sur la religion en disant que ceux qui au nom de la lecture littéraliste se permettent de dire "un tel est dans l’islam, un autre n’est pas dans l’islam", "un tel je peux le tuer, un tel autre je ne peux pas le tuer" et qui vont jusqu’à la violence extrémiste et bien ceux là il faut dire "non, là nous ne sommes plus dans l’ordre de l’islam, là nous sommes sortis" Et c’est une condamnation ferme sur l’application soi-disant de la charia au nord-Mali. Il faut prendre ces positions là mais on est obligé de les prendre d’un point de vue religieux. Vous ne pouvez pas dire : "non, non ce n’est pas l’islam". Je suis désolé. Quelqu’un qui dit "Allahu akbar" et une main coupée. Si on dit "ça c’est pas la religion", vous allez faire comprendre ça à qui ? Qui va vous écouter ? Vous savez ce qu’on va vous dire : "double discours !" Et là, pour le coup, on a raison. Moi quelqu’un qui ne prend pas une position musulmane sur quelqu’un qui coupe une main et qui dit "ça ce n’est pas la religion, ce n’est pas l’islam"... Je suis désolé : il le fait au nom de l’islam. Quelle est ta réponse ? Comment tu te positionnes ? Donc il faut dire de ce point de vue là que cette interprétation là de l’islam, que le fait d’aller tuer des innocents, ce qui a été fait au nord-Mali... dire que d’un point de vue religieux : on s’y oppose."
Voila un discours qui ne sera pas relayé par Caroline Fourest. Et un discours bien plus constructif et ancré dans le réel, me semble-t-il, que celui de Ghaleb Bencheikh.