McD Europe Franchising Sarl, installée au Luxembourg, ne compte que 13 salariés. En quatre ans, elle a pourtant brassé plus de 3,7 milliards d’euros et n’a payé que 16 millions d’euros d’impôts, au Luxembourg. Ce qui constitue un manque à gagner de plus d’un milliard d’euros pour les pays voisins.
Cette entreprise détient la propriété de la marque McDonald’s. Qui veut ouvrir un restaurant Mc Do quelque part en Europe, doit payer, au nom de la propriété intellectuelle, jusqu’à 24 % de son chiffre d’affaires tous les ans à cette filiale Luxembourgeoise (4 % pour les frais publicitaires et jusqu’à 20 % sous forme de commission d’exploitation).
En échange et en répondant à un cahier des charges strict, le restaurant pourra utiliser les noms, logos et les produits Mc Do. Il faut ajouter à cela le plus souvent un loyer, puisque si le géant possède les murs, le restaurant reste géré sur le principe de la franchise.
Résultat, les restaurants sont déficitaires, tous les gains remontent au siège au titre du droit d’auteur et l’entreprise ne paye aucun impôt sur les bénéfices. Autre effet pervers, les primes des salariés des restaurants McDonald’s sont basées sur les résultats, qui sont ainsi amputées d’un quart, avant le calcul. "Tous les surplus remontent au siège et tous les restaurants sont déficitaires", de sorte que l’entreprise ne paie pas d’impôt sur les sociétés et qu’"aucun salarié ne touche de participation sur les bénéfices" explique Gilles Bombard, délégué CGT de la société McDonald’s Ouest Parisien.
Pour parfaire le tableau, Mc Donald’s a négocié avec les autorités fiscales du Luxembourg un taux très avantageux de 1,4 % d’impôt. Le Grand Duché s’est lui-même lésé, puisque l’entreprise devrait payer 5,8% de ses revenus liés à la propriété intellectuelle, sans parler des 29 % dus au titre de l’impôt sur les sociétés...
La Fédération syndicale européenne du service public (FSESP), la fédération du secteur des services SEIU (Service Employees International Union) et l’organisation non-gouvernementale britannique de lutte contre la pauvreté War on Want ont appelé mercredi la Commission Européenne à étendre son enquête sur l’évasion fiscale à McDonald’s.
Celle-ci a réagi en rappelant que "la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscale est une priorité absolue", précisant que quatre "enquêtes approfondies" sur des régimes de rescrits fiscaux - ou "tax rulings" - au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Irlande, et en Belgique sont en cours. Ce qui est mis en cause, notamment suite au scandale "Luxleaks", c’est la possibilité pour une entreprise de négocier directement et secrètement avec un Etat ses impôts. La commission européenne assimile cette pratique à des aides d’Etat illégales. La liberté d’un état à faire ce qu’il veut de sa fiscalité, vient contrer le principe de libre concurrence, si cher aux institutions européennes.
A échelle nationale, une plainte contre X pour "fraude fiscale" a été également déposée en mai 2014 par le comité d’entreprise de Mc Donald’s Ouest Parisien. Le parquet de Versailles a par la suite ouvert une enquête préliminaire en décembre.
Ce n’est pas un cas isolé
Burger King, Subway, KFC ou encore Starbucks utilisent exactement la même stratégie pour échapper à l’impôt sur les bénéfices. Cette dernière pousse le bouchon encore plus loin, puisque outre le système de franchise au Luxembourg, la chaine oblige ses cafés à acheter leurs matières premières à une autre filiale... en Suisse. Chaque Starbucks doit non seulement payer ses frais de franchise, mais également 20 % de son chiffre d’affaires s’envole en Suisse pour les fournitures. La chaine de café affiche ainsi des résultats négatifs dans tous les pays d’Europe depuis 13 ans, à l’exception de ses deux filiales qui engrangent des centaines de millions d’euros de revenus, bien au chaud dans ces paradis fiscaux.
Eva Joly : "Pour lutter contre les paradis fiscaux, l’europe doit faire le ménage en son sein".
Eric Bocquet : "on doit établir la chaine de responsabilité de l’évasion fiscale"