Cadavres exquis, le célèbre film du réalisateur italien Francesco Rosi, récemment décédé, se déroulait en Sicile et soulignait déjà la manipulation de cadavres dans des circonstances politiques. Si nous étudions l’histoire politique de l’Amérique latine, nous sommes souvent confrontés à ce mélange macabre de morts et de politique.
La propre victoire électorale de Salvador Allende en 1970 au Chili, a été compromise par l’apparition, mort, du commandant en chef des forces armées dans une tentative désespérée des golpistes pour empêcher la prise de fonctions du président socialiste. Plus récemment, sur le parcours vers la victoire de Dilma dans le premier tour des élections présidentielles, un accident d’avion aux causes à ce jour peu éclaircies causa la mort d’un candidat et son remplacement par un autre dans la course à la présidence, redistribuant les cartes dans le jeu et conduisant presque à la victoire de la droite (au Brésil, mort d’Eduardo Campos et son remplacement par Marina Silva NdT).
L’Argentine est le nouveau décor de ces Cadavres exquis. Tout cela est très suspect, comme l’est la manipulation politique dans de telles circonstances. Si tout était clair, à quoi serviraient les manipulations de ceux qui veulent pêcher en eaux troubles ?
Toutes ces manipulations pointent vers une seule cible, Cristina, pour tout ce qu’elle représente. Ceux qui ont mené l’Argentine à la pire crise de son histoire, ne se résignent pas à ce que le pays ait été sauvé par des gouvernements populaires qui ne se sont pas contentés de reprendre la croissance économique, mais qui le firent en redistribuant les revenus, dans la lignée des gouvernements populaires argentins.
Ils ne pardonnent pas à Cristina d’avoir orchestré ce sauvetage, d’avoir survécu aux mobilisations golpistes des producteurs de soja en 2007, à la mort même de son compagnon, Nestor Kirchner, au lâche attentat des fonds vautours. On ne pardonne pas qu’une femme ait pu faire face, fièrement, aux agressions ignobles des médias, sexistes, orduriers, qui correspondent bien à cette droite complaisante avec les crimes du terrorisme d’État. Ils ne pardonnent pas à Cristina et à Nestor d’avoir ré-ouvert les procédures engagées contre les responsables des crimes d’État. Ils ne pardonnent pas la réunion de plus de 100 enfants et petits-enfants de militants de l’opposition à la dictature qui, non seulement ont été assassinés, mais ont vu leurs enfants séquestrés dans le pire crime humanitaire que nous connaissions.
Nous sommes tous Cristina, car ensemble, nous avons résisté aux dictatures militaires, solidaires dans la lutte, la souffrance, les pertes, dans la survie et le rétablissement de la démocratie. Nous sommes tous Cristina parce que tous nos pays sont victimes de manipulations ignobles comme celle-là, qui sont contre Cristina, contre la démocratie argentine, contre les acquis sociaux de son peuple, et contre sa souveraineté internationale.
Cette droite, qui n’arrive même pas à trouver des leaders qui l’unirait contre le gouvernement populaire de Cristina, cette droite a mal devant le leadership de la Présidente de l’Argentine, devant sa dignité, ses liens directs avec le peuple et avec l’histoire des luttes des Argentins.
Nous sommes tous Cristina, parce que nous tous qui avons lutté pour des pays justes, solidaires, souverains, dignes, nous sommes avec Cristina et avec l’Argentine aussi en cette heure. Nous sommes tous et ensemble.
Emir Sader
Traduit par Lucien pour Si le Brésil m’était traduit...