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Interview de Chelsea Manning, le lanceur d’alerte de wikileaks

Chelsea Elizabeth Manning, qui s’appelait auparavant Bradley © David Coombs

Chelsea Manning purge une peine de 35 ans de prison pour avoir communiqué des informations confidentielles du gouvernement américain au site Internet Wikileaks. Depuis sa cellule du Kansas (États-Unis), Chelsea l'affirme : lorsqu'on a la possibilité de s'exprimer haut et fort contre l'injustice, on ne doit pas manquer cette occasion.

Amnesty International : Pourquoi avez-vous décidé de communiquer des documents sur les guerres d’Irak et d’Afghanistan ?

Chelsea Manning : Ces documents étaient importants parce qu’ils portaient sur deux conflits anti-insurrectionnels liés entre eux, racontés en temps réel sur le terrain. L’humanité n’avait jamais eu accès à des données aussi complètes et détaillées sur la réalité de la guerre moderne.

Quand on réalise que les coordonnées géographiques citées représentent un endroit qui existe et où vivent des gens, que les dates appartiennent à notre histoire récente, que les chiffres sont en fait des vies humaines – avec tout l’amour, l’espoir, les rêves, la haine, la peur et les cauchemars que cela implique –, il est difficile d’oublier l’importance de ces documents.

Quelles conséquences pensiez-vous que cette décision pourrait avoir pour vous ?

En 2010, j’étais beaucoup plus jeune. Les conséquences me semblaient très vagues. Je m’attendais au pire, mais je ne me rendais pas vraiment compte de ce que cela pouvait impliquer.

Mais je m’attendais à être diabolisée et à ce que ma vie soit examinée et analysée dans les moindres détails pour retrouver toutes les fois où j’ai pu faire fausse route, tous mes défauts et toutes mes failles, et à ce qu’ils soient utilisés contre moi devant le tribunal de l’opinion publique. J’avais notamment peur que mon identité de genre soit utilisée contre moi.

Comment avez-vous vécu le fait de voir le système judiciaire américain s’abattre de tout son poids sur vous et le fait d’être présentée comme un traître ?

J’ai observé avec un grand intérêt la logistique déclenchée par les poursuites dont j’ai fait l’objet : les grosses sommes d’argent dépensées, les litres de carburant consommés, les kilomètres de papier imprimés, les longues listes de personnel de sécurité, d’avocats et d’experts. C’était parfois ridicule.

Ce qui me semblait particulièrement ridicule, c’était d’être présentée comme un traître par les représentants de l’accusation. Je les avais vus en dehors du tribunal pendant au moins 100 jours avant et pendant le procès, et j’avais réussi à bien saisir qui ils étaient en tant que personnes. Je suis à peu près certaine qu’ils ont tout aussi bien saisi qui j’étais en tant que personne. Je reste convaincue que même les avocats dont la plaidoirie étayait l’accusation de trahison ne croyaient pas un mot de ce qu’ils disaient.

Vous êtes considérée par beaucoup comme une lanceuse d’alerte. Pourquoi les lanceurs d’alerte sont-ils importants ?

Dans un monde idéal, les gouvernements, les sociétés et les autres grandes institutions seraient par défaut transparents. Malheureusement, le monde n’est pas idéal. De nombreuses institutions ont amorcé un lent processus vers l’opacité, et il faut que les gens s’en rendent compte

Je pense que le terme « lanceur d’alerte » a une connotation largement négative pour les gouvernements et les entreprises, et qu’il est associé à « mouchard » ou « balance ». Il faut trouver un moyen d’y remédier. Très souvent, les mesures qui sont censées protéger ces personnes sont en fait utilisées pour les discréditer.

Que diriez-vous à quelqu’un qui a peur de dénoncer l’injustice ?

D’abord, j’aimerais souligner que la vie est précieuse. En Irak, en 2009-2010, la vie ne valait pas grand-chose. Il m’était devenu insupportable de voir le nombre de personnes qui souffraient et qui mouraient et de constater l’indifférence que tous ceux qui m’entouraient, y compris les Irakiens eux-mêmes, avaient appris à éprouver. Cela a vraiment changé ma façon de voir la vie, et j’ai pris conscience que même si dénoncer les injustices engendre des risques, ils valent la peine d’être courus.

Ensuite, dans la vie, on a rarement l’occasion de pouvoir faire effectivement changer les choses. De temps à autre, on peut se trouver face à un choix important. A-t-on vraiment envie de se retrouver, 10 ou 20 ans plus tard, à se demander ce qu’on aurait pu faire de plus ? Je ne voulais pas que ce genre de questions me hante.

Pourquoi avez-vous choisi cette œuvre en particulier pour vous représenter ?

© Alicia Neal/Chelsea Manning Support Network

C’est la représentation la plus fidèle de ce à quoi je pourrais ressembler si j’étais autorisée à me présenter et à m’exprimer comme je l’entends.

Même après avoir révélé, en 2013, que je suis transgenre, je n’ai pas pu m’exprimer en tant que femme en public. J’ai donc travaillé avec Alicia Neal, une artiste californienne, pour qu’elle dessine un portrait réaliste qui représente de façon plus exacte ce que je suis.

Malheureusement, en raison des règles actuelles des centres de détention militaires, il est très peu probable que je puisse être prise en photo avant ma libération, c’est-à-dire probablement pas avant 20 ans, même en cas de libération conditionnelle ou de grâce.

»» http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes...
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Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de « consoler » les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire.

Lénine

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