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Le retour du meilleur serviteur de l’hyperbourgeoisie

Juppé ou « la mémoire courte »

Je hais cette phrase de Pétain : « Français, vous avez vraiment la mémoire courte ». Un avertissement lancé par ce collaborateur égrotant qui a senti que l’opinion publique avait commencé à se détourner de lui. Heureusement qu’il lui restait – n’est-ce pas Zemmour ?, la tâche de sauver des Juifs.

De toute façon, si les Français ont la mémoire courte, ils ne sont pas les seuls au monde. Et puis l’enseignement de l’histoire, de plus en plus congru, y est sûrement pour quelque chose. Un enseignement qui ne hiérarchise plus et qui ne met plus en perspective.

Cela dit, je suis tout de même un peu étonné – voir les sondages – par l’engouement que suscite Alain Juppé dans la population. Dans les médias, c’est normal. Les « idiots utiles » ont toujours besoin de se mettre une personnalité de droite sous la dent. On les a vus aux basques de Balladur, de Villepin, de DSK, à la recherche du meilleur serviteur de l’hyperbourgeoisie. Tous ont sombré. Même s’il est plus malin que la moyenne (« le meilleur d’entre nous », pas vrai ?), à la place de Juppé, je me méfierais.

Juppé part avec un gros avantage. Il a face à lui, non pas Hollande, mais Sarkozy. Un type usé qui n’est plus que la caricature de la caricature qu’il était déjà, qui est redevenu le simple apparatchik qu’il n’aurait jamais dû cessé d’être, qui se contredit tous les deux jours en raclant ce qu’il y a de plus âcre dans l’opinion publique de droite et d’extrême droite. Il suffira donc à Juppé de ratisser plus large vers le centre (d’où son rapprochement avec Bayrou) pendant que Sarkozy s’efforcera en vain de capter un électorat fermement acquis à Le Pen. Face aux gesticulations du kleiner Mann, Juppé va la jouer tranquille, solide et cohérent. Entre un anxiogène bling-bling et un vieux sage rassurant (l’âge va devenir un atout), les Français de droite – et ceux perdus pour la gauche – n’hésiteront pas.

Mais, bon sang de bonsoir, comment les Français peuvent-ils s’emballer pour un tel politique ?

Revenons brièvement sur son parcours. En 1986, Juppé, qui a su habilement louvoyer entre Chirac et Balladur (« Je soutiens Édouard Balladur mais je suis fidèle à Jacques Chirac »), est ministre délégué au Budget, ministre de l’Économie, des Finances et de la Privatisation, également porte-parole du gouvernement. Il met en œuvre une baisse de la fiscalité, en particulier la suppression de l’impôt sur les grandes fortunes. Il fait passer l’impôt sur les sociétés de 50 à 42% et supprime la taxe sur les frais généraux. En contrepartie, si je puis dire, il abaisse les différents taux de TVA. Aux entreprises, il offre par ailleurs la loi dite « Aicardi », ce que les spécialistes appellent le « rescrit fiscal ». Ce procédé, inspiré de nos voisins britanniques, permet au contribuable de consulter l’administration à propos du montage juridique – forcément original et favorable à ses intérêts – qu’il souhaite mettre en œuvre, et de se mettre à l’abri d’une éventuelle poursuite.

Lors de la deuxième cohabitation, Juppé, ministre des Affaires étrangères, joue un rôle indéniablement positif dans le processus d’Oslo. En 1995, Chirac le nomme Premier ministre. Dans son discours d’investiture, Juppé assure que son objectif prioritaire est – vous l’auriez deviné – l’emploi. Dans un premier temps, il féminise le gouvernement. 12 des 43 membres, dont 4 ministres de plein exercice et 8 secrétaires d’État, sont des femmes, que les médias surnomment, de manière un peu sexiste, les « juppettes ». Lors du second gouvernement Juppé, elles sont toutes virées, six mois plus tard, à part quatre d’entre elles. La féminisation chiraco-juppéiste montrait ses limites.

Juppé est rattrapé par une première affaire, dans laquelle il ne sert pas de paravent à Chirac mais où il est pleinement responsable. En janvier 1993, Philippe Lafouge, délégué général au logement à Paris, et qui a lui-même bénéficié pendant des années d’un bel appartement loué à prix d’ami, rédige, pour Alain Juppé, adjoint aux finances de la ville, une note sur le loyer fixé pour un appartement municipal rue Jacob. Lafouge propose 6913,28 francs pour 88 m2. Juppé corrige : « Arrondi à 6 000 francs ». Le futur locataire n’est autre que son fils Laurent. Juppé va justifier cette baisse par le « souci d’éviter un dérapage généralisé des loyers de la ville de Paris. » Un avocat d’à peine trente ans conseille l’Association de défense des contribuables parisiens : Arnaud Montebourg qui estime que l’homme politique confond intérêt public et intérêt privé. Il demande au procureur de Paris, Bruno Cotte (qui n’est pourtant pas un tendre : en 2002, il rejettera la requête en révision du procès d’Omar Raddad, puis en 2004 celle de Cesare Battisti), de poursuivre Alain Juppé. Une semaine plus tard, un temps record pour la justice, Cotte estime que Juppé n’a commis aucun délit d’ingérence puisqu’il n’avait aucun intérêt personnel dans l’attribution du logement de son fils. Pour que son fils se sente bien dans cet appartement, la Ville de Paris fait procéder à 381 390 francs de travaux. À ce moment précis (janvier 1993), rien n’indique qui sera le locataire des lieux. Mais en avril, une note du chef de cabinet de Jacques Chirac, à la Mairie, indique à Lafouge : « J’ai l’honneur de vous informer qu’il y a lieu d’attribuer le logement de trois pièces de 88m2 situé au troisième étage de l’immeuble communal rue Jacob à Paris VIe à M. Laurent Juppé. »

En quelques mois, la popularité de Juppé passe de 63 à 37%. Les Français ont peut-être la mémoire courte, ils ne sont en rien des blaireaux. Comme il n’est guère dans la nature de Juppé d’avoir tort et de faire preuve de souplesse, il déclare, on s’en souvient : « Je suis droit dans mes bottes et je crois en la France ».

L’impopularité croît avec le tristement célèbre « Plan Juppé » de « réforme » de la Sécurité sociale défendu à l’Assemblée nationale le 15 novembre 1995. Ce plan annonce un allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 40 annuités pour les fonctionnaires afin de l’aligner sur celle du secteur privé déjà « réformé » en 1993, l’établissement d’une loi annuelle de la Sécurité sociale fixant les objectifs de progression des dépenses maladie et la mise en place de sanctions pour les médecins qui dépassent cet objectif, l’accroissement des frais d’hospitalisation, des restrictions sur les médicaments remboursables et le blocage et l’imposition des allocations familiales versées aux familles avec enfants les plus démunies, enfin l’augmentation des cotisations maladie pour les retraités et les chômeurs, ainsi que le gel du salaire des fonctionnaires. Pour sa part, Juppé va bénéficier dans le même temps, en toute légalité, d’une retraite à 57 ans et demi (comme Claude Goasguen). La réaction populaire ne se fait pas attendre. Malgré le soutien de la CFDT de Notat (la future présidente du Siècle est systématiquement favorable au nivellement par le bas), les mouvements de grève de novembre et décembre 1995 font plier le « droit dans ses bottes » qui cède sur l’extension au régime public des mesures décidées deux ans plus tôt par Balladur pour les retraites du secteur privé.

Juppé poursuit les mesures de privatisation entamées en 1986 : Péchiney, Usinor-Sacilor, la Banque française du commerce extérieur, la Compagnie générale maritime, les Assurances générales de France, Bull, d’autres encore. 40 milliards de francs tombent dans l’escarcelle de l’État. Juppé, « le meilleur d’entre nous », le plus intelligent, décide de vendre au groupe Daewoo (qui se porte fort mal) Thomson Multimédia, l’un des fleurons de l’industrie française, pour 1 franc après recapitalisation par l’État. Thomson Multimédia détient alors les brevets et licences de la totalité des supports numériques sur disque (CD, CD-Rom, LaserDisc, DVD, disques magnéto-optiques, disquettes) qui rapportent un énorme paquet de royalties. Heureusement, la vente n’a pas lieu.

Juppé a également dû quitter son propre appartement, bien sûr loué à un prix d’ami. Le procureur de la République de Paris, l’incontournable Bruno Cotte, a considéré que le délit de « prise illégale d’intérêts » était établi. Ce dernier annonce cependant son intention de classer le dossier si Alain Juppé libère les lieux. Le procureur général près la cour d’appel de Paris, Jean-François Burgelin, publie alors un communiqué, approuvé par le ministère de la Justice, affirmant que l’infraction n’est pas constituée et qu’elle est de toute façon prescrite. Juppé déménage.

En 1999, va lui tomber dessus l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. La magouille vient de Chirac, mais Juppé va tout organiser et tout couvrir. Il est mis en examen pour « abus de confiance, recel d’abus de biens sociaux, et prise illégale d’intérêt » pour des faits commis en tant que secrétaire général du RPR et maire adjoint de Paris aux finances, de 1983 à 1995. La justice considère que Juppé est au centre d’un système d’emplois financés par la mairie de Paris et des entreprises souhaitant passer des contrats publics. Le 30 janvier 2004, il est condamné par le tribunal correctionnel de Nanterre à 18 mois de prison avec sursis et dix ans d’inégibilité. La cour juge qu’il a « délibérément recouru à des arrangements illégaux » pour favoriser son parti, que la nature des faits était « contraire à la volonté générale exprimée par la loi » et qu’il avait « trompé la confiance du peuple souverain ». La condamnation est inscrite à son casier judiciaire. Juppé interjette un appel suspensif. La cour d’appel réduit la condamnation à 14 mois de prison avec sursis (un président de la République condamné à 14 mois de prison !), mais, surtout, elle ramène l’inégibilité à un an. Ce qui n’obère pas sa carrière politique.

La cour d’appel indique : « Il est regrettable qu’au moment où le législateur prenait conscience de la nécessité de mettre fin à des pratiques délictueuses qui existaient à l’occasion du financement des partis politiques, M. Juppé n’ait pas appliqué à son propre parti les règles qu’il avait votées au parlement. Il est également regrettable que M. Juppé, dont les qualités intellectuelles sont unanimement reconnues, n’ait pas cru devoir assumer devant la justice l’ensemble de ses responsabilités pénales et ait maintenu la négation de faits avérés. Toutefois, M. Juppé s’est consacré pendant de nombreuses années au service de l’État, n’a tiré aucun enrichissement personnel de ces infractions commises au bénéfice de l’ensemble des membres de son parti, dont il ne doit pas être le bouc émissaire. »

Le bouc émissaire, sûrement pas. Un organisateur complice qui a mis ses très grandes « qualités intellectuelles » au service de la corruption, cela ne souffre aucun doute. Chirac, pour qui Juppé a peut-être payé, sera condamné à deux ans de prison avec sursis en 2011. Malgré, nous disent les médias, sa très grande popularité dans l’opinion publique française.

Juppé démissionnera de son mandat de maire de Bordeaux, puis sera réélu dans un fauteuil après un an d’enseignement au Canada et des mois de « tentation de Venise ».

Le privatiseur, le casseur de Sécu, a adopté ces dernières années un profil plus centriste : contre le bouclier fiscal, pour la taxe carbone, contre la déchéance de la nationalité française.

Posture…

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Si j’étais le président, je pourrais arrêter le terrorisme contre les Etats-Unis en quelques jours. Définitivement. D’abord je demanderais pardon - très publiquement et très sincèrement - à tous les veuves et orphelins, les victimes de tortures et les pauvres, et les millions et millions d’autres victimes de l’Impérialisme Américain. Puis j’annoncerais la fin des interventions des Etats-Unis à travers le monde et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51ème Etat de l’Union mais - bizarrement - un pays étranger. Je réduirais alors le budget militaire d’au moins 90% et consacrerais les économies réalisées à indemniser nos victimes et à réparer les dégâts provoqués par nos bombardements. Il y aurait suffisamment d’argent. Savez-vous à combien s’élève le budget militaire pour une année ? Une seule année. A plus de 20.000 dollars par heure depuis la naissance de Jésus Christ.

Voilà ce que je ferais au cours de mes trois premiers jours à la Maison Blanche.

Le quatrième jour, je serais assassiné.

William Blum

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