Les discussions sont censées prendre fin à Bruxelles en décembre. Après, il sera peut-être trop tard. Mais de nombreuses voix s’élèvent contre ce projet d’Union libre-échangiste. Et pour cause...
Interdiction de savoir
Les architectes de l’Accord font ce qu’ils veulent. C’est un grand principe libéral. Ils peuvent notamment discuter en toute liberté pour peaufiner leur projet. C’est pourquoi il est rigoureusement interdit d’écouter à leur porte : les négociations sont menées en secret depuis juin 2013. Cet été, la Commission Européenne s’est contentée de publier un document rédigé par des spécialistes de la formule creuse (voir IC n° 146-7, p. 4).
Malheureusement pour eux, des informations ont fuité, d’abord dans d’autres pays d’Europe – car les dirigeants français sont, sans surprise, parmi les plus inconsistants sur la question. Les souverainistes progressistes français vont-ils enfin se mettre en ordre de bataille ?
« Barrières non tarifaires »
Dans le jargon des promoteurs du TAFTA, cette expression désigne les obstacles au libre-échange autres que les droits de douane (déjà négligeables entre l’UE et les États-Unis), à savoir les réglementations qui protègent les consommateurs contre les effets négatifs de la recherche du profit immédiat à tout prix. « Lever les barrières non tarifaires » signifie donc permettre aux patrons de faire n’importe quoi. Les technocrates libéraux parlent également de « supprimer les points de frottement »...
Principe de non-précaution
Les plus connus : gaz de schiste, OGM, bœuf aux hormones, poulet lavé à l’eau de javel... Plus confidentiel : le chlorhydrate de ractopamine, un médicament utilisé aux États-Unis, au Canada, au Brésil et au Mexique pour augmenter la quantité de viande maigre chez les porcs, interdit pour le moment, en Russie, en Chine, et dans l’UE parce que dangereux pour les consommateurs cardiaques...
Rouleau compresseur agricole
Les agriculteurs étasuniens bénéficient depuis cette année d’un engagement gouvernemental : en cas de chute des cours, des fonds seront débloqués pour garantir leurs revenus. C’est interdit dans l’UE : on n’y protège que les gros agriculteurs, puisque les aides sont proportionnelles à la surface des exploitations. Quand les cours plongent, les petits paysans sont ruinés. Leur mise en concurrence avec les énormes machines à produire des céréales génétiquement trafiquées et du bétail dopé d’outre-Atlantique (où les centres d’engraissement concentrent des dizaines de milliers de têtes !) provoquera la ruine de beaucoup de ceux qui résistaient encore aux mastodontes de l’agro-alimentaire européen.
Les autoroutes de la NSA
La privatisation des profits implique à terme la publication de l’intimité puisque le respect de la vie privée est un obstacle sur la route des marchands de données numériques. D’ailleurs, même les révélations de Snowden sur l’espionnage des chefs d’Etat européens par la NSA n’ont pas remis le Traité en cause : les États-Unis peuvent déjà tout se permettre...
Justice sur mesure
Le traité contient des dispositions court-circuitant les appareils judiciaires des Etats concernés : il créerait un « mécanisme de règlement des différends entreprises-Etats. » C’est le retour de l’AMI (Accord Multilatéral sur l’Investissement), refusé en 1998 par Jospin après une forte mobilisation progressiste : quand une firme jugera que la législation d’un Etat menace ses profits, elle pourra le traîner devant un tribunal spécial – baptisé « commission d’arbitrage ». C’est Bernard Tapie puissance mille : dans l’ALENA, espace de libre-échange Etats-Unis-Canada-Mexique créé en 1994, toutes les décisions rendues par ces commissions ont donné raison aux grandes firmes étasuniennes...
VF pour Initiative Communiste n°149
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