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Il, elle, masculin, féminin : la langue et l’égalité des sexes

Questions de genres

Messieurs de l’Académie, excusez mon audace, puis-je attenter à votre divine quiétude sous la coupole et vous interpeler un instant d’éternité pour vous soumettre une question de genre ou plutôt le problème délicat de l’accord, de la concordance des genres humains et grammaticaux ?

Certaines féministes, extrémistes de leur genre sexué, revendiquent et veulent imposer, comme reconnaissance de leur talentueuse féminité, la féminisation de certains mots communs dont l’usage séculaire ne connaît que le genre grammatical masculin. Ainsi en va-t-il notamment pour professeur, écrivain, auteur, ces professions des belles lettres. L’usage se répand chez les journalistes et parmi les universitaires d’une féminisation telle que professeure, écrivaine, auteure, docteure en ajoutant un "e" novateur à la fin du mot introduit par un article féminin. Et des querelles enflamment même l’hémicycle parlementaire pour l’appellation de "madame la Ministre" ou de "madame le Ministre", alors qu’au sénat on fait usage, sans polémiques, d’un "madame le rapporteur des lois". Alors messieurs les Académiciens et mesdames les Académiciennes, faut-il accorder le genre féminin à tous ces estimables titres pour en reconnaître et légitimer la femme qui les porte au-delà des cas usités comme un instituteur, une institutrice, un conducteur, une conductrice, un roi, une reine… ?

Comme par exemple, un député, une députée. Facile. Ça ne mange pas de pain. Un président, une présidente. Inutile, il n’y en a jamais eu en France. Pas de problème pour le ou la gynécologue. Alors un maçon, une maçonne (comme maçonnerie) ? Ça sonne bien (attention à la cédille). Mais c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de féministes maçonnes. Dommage. Un pécheur, une "pécheuse" ? Ça coince. Une pécheresse ? Ce n’est pas le même poisson. Un maire, une maire ? Mais attention à la confusion de la mère. Plutôt une mairesse comme maîtresse pour maître. On rencontre à l’université une telle "maîtresse de conférence" du laboratoire du professeur Casanova : un terme malheureusement équivoque qui se prête par homonymie et paronomase à l’ironie tentante de la promotion de la chaire. Mais pourquoi "docteure" en science et non doctoresse ? Il y a plus embarrassant. Un chef d’État, une cheffe d’État ? Un officier, une officière ? Incongru. Un chauffeur, une chauffeuse. Chaleur ! Il y a pire : un pompier, une pompière ! De très mauvais goût surtout si elle est aspirante. Un assassin… une meurtrière ? Non, dit madame le ou la juge ? Difficile… Dernièrement, une revue technico-militaire, révélait qu’une femme avait été promue à la tête d’un organisme stratégique comme "colonelle". Attention au quiproquo ! Traditionnellement, le terme de madame la "colonelle", comme celui de madame la "générale", était réservé, selon une hiérarchie domestique parallèle, à l’épouse du colonel ou du général. Enfin, on a appris, cet été, qu’une première femme était devenue "entraîneur" d’un club de foot. L’annonce disait bien une femme "entraîneur" et non pas entraîneure (entrain heure ?) et surtout pas "entraîneuse", un rôle féminin, il est vrai, déjà assuré auprès de célèbres footballeurs par une certaine Zahia.

A contrario, faudra-t-il changer le genre grammatical de ces occupations mâles qui sont outrageusement nommées par un mot du genre féminin ? Comme par exemple un homme de ménage comme pendant à la femme de ménage. Mais pour cette sentinelle que devient le soldat qui monte la garde ? Faudra-t-il conserver ce féminin pour accorder ladite sentinelle, qui lui sied parfaitement, à cette femme soldat qui monterait la garde justement (il y en a actuellement un nombre croissant dans l’armée de métier) ? Et donc, pour ce malheureux soldat efféminé, lui restituer sa virilité en le nommant désormais "un sentinel". Idem pour une estafette qui deviendrait "un estafet" pour l’homme ? Mais pour une pute, un put ? Ça jure ! Seul le féminin semble supportable, même pour les hommes, honteusement féminisés dans l’opprobre.

Décidément la langue française a parfois mauvais genre.

Essayer de régler ce dilemme par la règle de la majorité. Par exemple, aujourd’hui, plus de 60% des enseignants sont des femmes. Dans un retournement historique, qui ne serait que justice, il serait donc légitime, en reconnaissance de cette domination, d’attribuer à cette fonction le genre féminin : monsieur Thalès deviendrait une professeure. Ou un professeure. La gent enseignante pourrait bien s’en accommoder puisqu’elle a accepté sans difficulté d’être un ou une collègue, un ou une auxiliaire et un ou une camarade, toutes appellations qui supportent l’ambivalence du masculin et du féminin. Mais à quoi bon ces distinctions sexuelles ? Les sciences de l’éducation objecteront qu’il n’existe aucune différence significative dans le travail des enseignants en fonction de leurs genres.

Alors mesdames les académiciennes (priorité au féminin), pour résoudre cette quadrature du genre, ne serait-il pas plus simple d’inventer dans la langue française le genre neutre pour l’universel ? Enfin ! Comme en allemand avec "der man", "die frau" et "das mench" pour l’Homme au sens de l’humain. Inventer deux nouveaux articles singuliers neutres comme "li" ou "lo" et "uni" ou "uno" (en s’inspirant de l’italien) pour nommer les fonctions, les titres et les professions neutralisés : uno professeur, lo ministre, uno auteur, écrivain, lo président, uno officier, lo chef d’état. Au diable leurs genres sexués, seule compte la fonction ! Au pays des lumières, une révolution grammaticale ! Réconcilier ainsi les hommes et les femmes d’autorité pour faire cesser par le neutre la guerre des genres humains pour la domination et établir la paix sémantique et l’égalité par la grammaire.

Il n’est pas nécessaire de me répondre de sitôt. Il n’y a pas urgence. La longueur des débats savants, du genre du sexe des anges, pourrait accoucher d’un arrêté dans le temps long et lent de la réflexion protocolaire, disons… dans un siècle.

Claude Mattiussi
Docteur en sciences de l’éducation.

ET VOIR (entre autres dans nos archives) :
www.legrandsoir.info/reprenons-langue-s.html

http://www.legrandsoir.info/Le-la-Grand-e-Soir-ee-a-ses-lecteurs-trices-francais-es-et-etrangers-eres.html

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