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Gaza - Pour l’honneur des victimes : éviter les erreurs des reconstructions précédentes. (Al Shabaka)

Un jeune garçon dans les décombres de la maison de la famille al-Louh à Gaza, où huit membres d’une même famille ont été assassinés ce mercredi - Photo : AA

Le conseiller politique de al-Shabaka décrit ici l’ampleur des destructions et explique pourquoi la reconstruction sera cette fois beaucoup plus difficile. Il pointe les erreurs commises lors des précédents appels aux donateurs et efforts de reconstruction. Selon lui, ces erreurs peuvent – et doivent – être évitées.

Si choquantes que soient les horreurs de la guerre déclenchée par Israël contre le bande de Gaza le 7 juillet dernier, l’étendue des dommages pourrait se révéler encore plus révoltante. Une conférence de donateurs pour Gaza est prévue en septembre en Norvège, mais si les donateurs et l’Autorité Palestinienne basée à Ramallah adoptent la même approche pour reconstruire qu’ils ont suivie après les deux dernières guerre, les souffrances de Gaza vont persister.

Pourquoi cette guerre-ci est tellement pire

La bande de Gaza, un des lieux les plus densément peuplés au monde, a été soumise à trois guerres en l’espace de sept ans. Toutefois la troisième se révèle bien pire que les deux précédentes : la brutale offensive de 22 jours en 2008-2009 et l’attaque de 8 jours en 2012 ont été effroyables – et je parle d’expérience personnelle en tant que personne qui a réussi à y survivre.

Au 10 août de cette guerre-ci, les attaques israéliennes par air, mer et terre avaient tué 1.914 et blessé 9.861 Palestiniens selon le Ministère de la Santé, à comparer aux quelque 1.400 tués en 2008-2009. Les Nations Unies ont estimé qu’à ce jour 73 % des personnes tuées dans la présente offensive sont des civils, y compris 448 enfants. Beaucoup des personnes blessées ont subi des blessures graves et ne récupéreront pas complètement, restant totalement ou partiellement handicapées.

Mais cette guerre est pire non seulement parce que le nombre de morts et de victimes est plus élevé, elle est pire parce que cette fois-ci il sera beaucoup plus difficile de reconstruire. Les destructions sont cumulatives : elle s’ajoutent aux dégâts causés par Israël pendant les deux guerres précédentes, dommages qui sont restés en grande partie sans remède. Pour ne donner qu’un exemple : 500 familles attendent toujours la reconstruction de leurs maisons démolies.

En outre, beaucoup de dommages importants à l’infrastructure et aux puits d’eau n’ont jamais été réparés. L’offensive de 2008-2009 à elle seule est estimée avoir causé pour environ 1,7 milliard de dollars en dommages matériels aux entreprises agricoles, usines, équipements publics, bâtiments gouvernementaux, routes, réseaux d’eau et d’électricité, systèmes de traitement des eaux et réseaux téléphoniques.

C’est aussi plus grave cette fois-ci parce que Gaza fait face aux pires conditions économiques, politiques et sociales depuis des décennies. Le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza en juin 2007 n’a été que très peu allégé début juin 2010. Peu après l’attaque meurtrière de la Flottille de la Liberté pour Gaza, le 31 mai 2010, la pression internationale forçait le gouvernement Netanyahou à augmenter le nombre et le volume des marchandises autorisées à entrer dans l’enclave côtière.

Par-dessus le marché, les efforts de l’Egypte pour détruire les tunnels, qui ont commencé sous le gouvernement de Mohammed Morsi et se sont beaucoup accélérés après le renversement du président, ont privé les autorités du Hamas à Gaza d’une source vitale de revenus et de fourniture de matériaux bruts ainsi que de produits semi-finis et transformés. Cette situation a mis le gouvernement du Hamas dans une situation excessivement difficile pour le paiement des salaires de ses 50.000 employés, dont la plupart n’ont plus été payés depuis plusieurs mois.

Par ailleurs, en dépit de l’accord de réconciliation signé le 23 avril 2014, le nouveau gouvernement d’union nationale a accompli très peu de choses pour répondre aux besoins immédiats des Gazaouis. Par exemple, il n’a pas réussi à payer les salaires des fonctionnaires de son personnel, plaçant ainsi le gouvernement d’union dans les sables mouvants d’une crise de plus en plus grave.

La faute en incombe largement à Israël, qui refuse de reconnaître ce gouvernement ou d’autoriser ses membres à circuler librement entre la bande de Gaza et la Cisjordanie.

Israël a imposé à la population de Gaza des destructions hallucinantes... Photo : MEE/Mohammed Asad

Évaluation préliminaire des dommages

L’étendue des destructions de l’été 2014 ressort de l’estimation préliminaire qui suit, calculée le 11 août. Elle indique que :

1. 8.800 maisons ont été détruites sans restauration possible et 7.900 sont partiellement détruites et inhabitables. Des quartiers résidentiels entiers ont été démolis, en particulier dans les zones proches de la frontière comme Chejaya à l’est de Gaza Ville, Beit Hanoun et Beit Lahiya dans le nord de Gaza ainsi que Khuza’a, Abasan et Rafah dans le sud est de l’enclave.

2. Parmi les 475.000 personnes ou plus qui sont été forcées de quitter leur habitation pour se réfugier dans des écoles de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA) et du gouvernement ainsi que dans des jardins publics et des églises, beaucoup ne pourront pas retourner dans leurs logements qui ont été rendus inhabitables. Ces gens ont perdu non seulement leur habitation mais aussi toutes leurs possessions, y compris mobilier, vêtements, véhicules et documents officiels.

3. Les réservoirs contenant 300.000 litres de carburant industriel pour l’unique centrale électrique de la bande de Gaza ont été détruits et la centrale a été anéantie. Sans électricité, les produits alimentaires s’avarient et l’approvisionnement en eau est interrompu ; le traitement des eaux usées est impossible et les hôpitaux sont obligés de se servir de groupes électrogènes peu fiables. En outre, 8 des 10 lignes électriques venant d’Israël et alimentant la bande de Gaza ont été coupées, réduisant l’alimentation électrique importée d’Israël de 120 à moins de 30 Megawatts (MW).

4. Les dommages considérables infligés à l’infrastructure, notamment les routes, les réseaux d’eau et d’électricité et le traitement des eaux doivent encore être évalués. Des dizaines de puits et de stations d’épuration ont été détruits, d’où le risque d’un désastre environnemental et sanitaire.

5 . Des dizaines d’usines et d’établissements commerciaux ont été détruits, notamment des magasins, des stations d’essence et des centrales à béton pré-mélangé proches de la frontière et dans la zone industrielle de Beit Hanoun. Les forces militaires israéliennes ont ravagé au bulldozer des milliers d’ares de terres cultivées et de serres dans la zone frontalière, sous le prétexte de cibler des tunnels.

6. Sur la base de rapports préliminaires, beaucoup d’institutions gouvernementales ont elles aussi été touchées, notamment les ministères des Finances, de l’Intérieur et des Cultes (awqaf) de même que le Conseil Général du personnel, sans parler des dizaines de mosquées. Dans le processus, d’innombrables actes et documents, impossibles à récupérer, ont été détruits.

Une évaluation complète révélera certainement l’ampleur bien plus importante de la dévastation. Les efforts à entreprendre pour remédier aux conséquences de cette guerre risquent de se heurter à des obstacles quasi insurmontables.

Éviter les erreurs du passé

La nature, l’ampleur et l’efficacité des efforts de reconstruction reposeront sur les conditions de l’accord de cessez-le-feu. Celles-ci pourraient aller de la cessation unilatérale par Israël de ses opérations militaires, comme en 2008-2009, au renouvellement de l’accord conclu en novembre 2012, qui stipulait une levée du blocus, la suppression de la zone-tampon à la frontière Gaza-Israël et l’extension de la zone de pêche de 3 à 6 milles, avec l’accord des deux parties de cesser les hostilités. Le gouvernement israélien a partiellement appliqué ces conditions pendant un temps limité.

Le troisième et le meilleur scénario est bien sûr que la guerre cesse, qu’Israël reconnaisse le gouvernement d’union palestinien et la levée complète du blocus, préparant la négociation d’une paix équitable et complète.

Les efforts de reconstruction internationaux après conflit soulèvent beaucoup de questions, qui vont des premiers secours jusqu’au développement global et durable. Par exemple : les efforts doivent-t-ils être concentrés sur la reconstruction-rénovation ou sur la construction-développement ? Dans le Japon d’après la Seconde Guerre mondiale, par exemple, la question posée a été : est-ce que nous visons à réparer ce que la guerre a détruit ou à construire de nouvelles fondations ?

La bonne approche consiste à combiner judicieusement les deux. Mais outre l’expérience internationale, il y a des leçons spécifiques à tirer des efforts passés à Gaza, surtout étant donné qu’ils n’ont pas réussi à remettre Gaza sur pied, pour l’exprimer en termes modérés.

La plus grosse erreur que les donateurs ont commise dans le passé a été d’exclure de l’effort de reconstruction les représentants basés à Gaza, y compris le Hamas lui-même. Ce fut le cas pendant la conférence des donateurs à Sharm al-Sheikh en mars 2009 pour reconstruire Gaza après l’offensive israélienne de 2008-2009. Les délégués de 70 états et 16 organisations régionales y assistaient, mais les institutions de Gaza, y compris la direction du Hamas, y étaient invisibles.

En outre, le fait que le projet a été présenté uniquement en anglais (la version arabe n’a été disponible que des mois plus tard) soulignait le peu d’importance que l’Autorité Palestinienne (AP) accordait à la participation de la société civile et universitaire ainsi que d’autres institutions nationales.

A cette conférence, l’ex-Premier Ministre Salam Fayyad a présenté un plan de 2,8 milliards de dollars, mais dont plus de la moitié (52%) était consacrée à soutenir le budget de l’AP et à réduire son déficit. En fait, 4,48 milliards de dollars avaient été promis – 167 % de plus que ce que l’AP avait demandé – événement rare dans l’histoire des donateurs.

Mais la situation désastreuse de Gaza aujourd’hui, où les infrastructures et les gens souffrent encore toujours des dommages infligés par cette guerre-là, soulève des questions sur la proportion des fonds qui ont vraiment été reçus et sur la manière exacte dont ces fonds ont été déboursés. En fait, il n’existe à ce jour aucune comptabilité qui fournisse cette information. Ceux qui sont sincèrement engagés dans une authentique et durable reconstruction de Gaza aujourd’hui doivent poser ces questions dans le contexte actuel, sans quoi l’histoire se répétera.

Même si le Hamas ne participe pas à la conférence des donateurs prévue pour septembre en Norvège – et selon des sources fiables il ne s’attend pas à être invité – il existe d’autres institutions et d’autres voix de Gaza qui pourraient participer. Il n’empêche que le Hamas sera probablement tout disposé à fournir toute l’information dont aura besoin l’AP pour superviser le processus de reconstruction, parce que c’est dans l’intérêt du Hamas de le faire. En même temps, le Hamas veut être tenu informé et impliqué, même s’il ne jouera sans doute qu’un rôle secondaire, afin de pouvoir garantir que la reconstruction se fait correctement. Il tient bien sûr à montrer à la population de Gaza qu’il participe au processus et désire continuer à réhabiliter sa popularité.

Secours de première urgence et besoins de développement

En matière de secours immédiats à la population, les besoins les plus urgents sont les suivants :

1. Réparer les réseaux d’eau et d’électricité pour assurer que les habitants de Gaza, en particulier ceux qui sont le plus affectés, aient accès à une eau sûre afin de prévenir de graves répercussions sur la santé publique dues au manque d’eau potable.

2. Réparer les lignes électriques amenant l’électricité d’Israël et chercher à améliorer les importations actuelles de 120 MW afin de compenser la pénurie due à l’arrêt de la centrale électrique et de répondre aux besoins qu’on peut anticiper.

3. Importer et produire localement des abris préfabriqués offrant un minimum de services de base pour loger les milliers de familles qui ont perdu leur logement pendant la guerre et pour stimuler l’économie. Cet effort devrait inclure une aide monétaire aux familles pour qu’elles louent des unités résidentielles dans la bande de Gaza, afin de réduire la pression sociale et politique qui pourrait se produire si elles restent sans abri décent.

4. Soutenir le secteur de la santé en traitant les milliers de blessés de guerre. Vu le nombre de services de santé qui ont été partiellement ou totalement détruits, il sera nécessaire d’installer des hôpitaux de campagne et une assistance venus de l’étranger. Il faudra veiller spécialement aux personnes handicapées et aux orphelins qui ont perdu leur famille pendant la guerre.

5. Augmenter et développer les services de soutien psychosocial pour aider les dizaines de milliers de citoyens, en particulier les enfants, qui ont subi des traumatismes psychologiques en raison de la perte de leur famille ou à cause de la guerre elle-même.

A moyen terme, les efforts de développement devraient se concentrer sur les points suivants :

1. Des projets fortement pourvoyeurs de travail dans le secteur du logement, des infrastructures, de l’agriculture et de la pêche afin de créer des emplois immédiatement et de stimuler l’activité économique.

2. Cultiver les terres agricoles dans les zones proches de la frontière pour assurer que le secteur agricole contribue non seulement à la création d’emplois mais fournisse également de la nourriture à la population et du fourrage au bétail.

3. Déblayer certaines zones détruites pour permettre aux familles de retourner dans leur maison, si elle est habitable, et pour prévenir les risques sanitaires dans les zones détruites les premiers jours de guerre.

4. Balayer et déblayer les débris des rues et des lieux publics afin de créer des emplois, de stimuler l’activité économique et de combattre la pauvreté et le dénuement dont souffrent beaucoup de familles à cause de la guerre et du siège persistant.

Manières de ramener Gaza à la vie

Pour réaliser tout ce qui précède, la communauté internationale doit exercer une pression sur Israël pour qu’il lève le siège afin de permettre l’entrée de matières premières à Gaza. Sans cela, Gaza sera forcé de vivre de l’aide pendant des années.

Il faut que les même erreurs ne soient pas commises à nouveau.

L’AP de même que les donateurs internationaux et régionaux devraient rester des partenaires en consultation régulière et intensive avec la direction du Hamas, les ONG, les associations d’hommes d’affaires et les universités de Gaza pour calculer les dégâts, concevoir les interventions et les mettre en œuvre.

Il faudrait mettre l’accent sur le recrutement de firmes et d’institutions locales dans la plus large mesure possible afin d’assurer que la reconstruction est une opération nationale plutôt qu’internationale et que la société palestinienne reçoit l’essentiel des fonds attendus.

Il est indispensable de coordonner les différentes campagnes locales, régionales et internationales d’appel de fonds d’assistance pour Gaza. En outre, le travail sur le terrain doit être géré de façon à éviter les doublons. Un mécanisme transparent doit être élaboré pour le contrôle et le suivi de ces donations et pour guider les bénéficiaires à y avoir accès. Les opérations de l’entité créée pour gérer ces fonds et les normes qu’elle appliquera devront être connues du public.

Les Palestiniens de la diaspora pourraient jouer un rôle important, surtout en termes de contribution financière et d’expertise, mais ils doivent être contactés et impliqués dans le processus dès le début. Leur contribution et leur implication non seulement aideraient à consolider le processus de réconciliation Fatah-Hamas, mais elles aideraient également à donner une raison d’être et à créer un but parmi ceux de la diaspora qui tiennent à offrir leur soutien. Ils pourraient aussi servir à faciliter des liens plus forts entre eux-mêmes et les communautés et institutions de Gaza.

Par ailleurs il est important de discuter des moyens d’utiliser les dépôts accumulés dans le secteur bancaire, càd toutes les banques qui opèrent dans les Territoires Palestiniens Occupés (TOP) et dont les fonds ont atteint 8 milliards de dollars.

Une possibilité serait que l’AP fasse des emprunts à ces banques et les utilise à des prêts immobiliers pour l’achat d’appartements destinés aux familles qui ont perdu leur logement pendant la guerre. Il faut souligner, par exemple, que quelques milliers d’appartements restent vides, surtout à Gaza Ville, parce qu’ils sont inabordables. Des plans d’emprunts peuvent être établis pour utiliser ces dépôts en les consacrant à la crise du logement.

A plus vaste échelle, on peut utiliser des outils d’investissement agréés internationalement comme le franchisage, les partenariats stratégiques et les coentreprises, en particulier dans les domaines de l’énergie et de l’électricité, la construction du port et de l’aéroport et des projets de développement régional.

Voilà juste quelques-unes de manières d’aider à restaurer une vie normale et une dignité pour les Palestiniens de Gaza. En 2012, l’ONU a estimé que Gaza serait invivable en 2020 si les tendances actuelles persistaient. C’était avant l’offensive israélienne actuelle. Si 1.800.000 Gazaouis ne sont pas condamnés à un espace invivable, une reconstruction correcte doit commencer aussi tôt que possible.

Omar Shaban

http://al-shabaka.org/policy-brief/politics/honor-victims-avoid-past-mistakes-reconstructing-g?page=show

Omar Shaban est le fondateur et directeur du think tank palestinien indépendant PalThink for Strategic Studies , sans affiliation politique. Il est analyste économique pour le Moyen-Orient dans la presse arabe et internationale. Il a fondé des groupes Amnesty International en Palestine. Il est vice-président d’Asala, une association de promotion de la microfinance pour les femmes, et membre du Good Governance Institute (UK).

Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert

»» http://www.info-palestine.net/spip.php?article14880
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D. Vanhove de formation en psycho-pédagogie, a été bénévole à l’ABP (Association Belgo-Palestinienne) de Bruxelles, où il a participé à la formation et à la coordination des candidats aux Missions Civiles d’Observation en Palestine. Il a encadré une soixantaine de Missions et en a accompagné huit sur le terrain, entre Novembre 2001 et Avril 2004. Auteur de plusieurs livres : co-auteur de « Retour de Palestine », 2002 – Ed. Vista ; « Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos (…)
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Mikhaïl Bakounine

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